Contrairement aux promesses électorales du président Emmanuel Macron, nombre de postulants maghrébins restent visés par la discrimination à l'embauche. Non seulement cette inégalité est admise sur le marché du travail, mais le gouvernement français n'a toujours pas publié les noms des institutions concernées par un usage que le chef d'Etat avait juré de pénaliser. «Pénaliser les discriminations à l'embauche et rendre publics les noms des entreprises les plus délinquantes en la matière» aura été l'une des grandes promesses – non tenues – de l'actuel quinquennat en France. En effet, le gouvernement Edouard Philippe n'a toujours pas rendu publics les noms des entreprises françaises qui recourent à cet usage via l'exclusion de postulants, sur la base de patronymes à consonnance maghrébine. C'était pourtant l'un des engagements électoraux pris par le président Emmanuel Macron, en pleine campagne électorale en 2017. Dans le temps, la question avait même été évoquée expressément, lors d'un discours tenu à Tourcoing et en présence d'associations de quartiers. Pour cause, les testings alors appuyés par Emmanuel Macron, qui avait promis de les continuer, confirment que les postulants supposément maghrébins sur la base de leur nom ou prénom ont 20% de moins de chances d'être retenus pour un poste, comparés à leurs homologues «franco-français» ayant les mêmes compétences et qualifications. Une discrimination à la peau dure «Deux ans plus tard, une grande campagne de testing a bien été lancée. Elle s'est achevée dans la plus grande discrétion. Ses résultats sont sur la table du gouvernement depuis plus de huit mois, sans qu'aucune communication ne soit pour le moment prévue», révèle France Inter ce mercredi, en publiant les premiers chiffres. D'ailleurs, ces derniers révèlent une discrimination «généralisée» et «massive». A la demande du gouvernement lui-même, ce testing a été mené de novembre 2018 à janvier 2019. La même année, ses résultats ont été déposés auprès de l'exécutif, mais sans jamais sortir des tiroirs. Aujourd'hui, cette enquête de la fédération Théorie et évaluation des politiques publiques (TEPP) du CNRS et coordonnée par Yannick L'Horty, de l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée, démontre que 30% des candidatures spontanées, avec des noms à consonnance maghrébine, restent sans réponses. Par ailleurs, le document indique que l'impact du lieu de résidence reste moins significatif que l'origine présumée des postulants. Dans leur étude, les chercheurs expliquent s'être basés sur le traitement de 17 600 candidatures fictives, envoyées à ces 103 entreprises, réparties sur six régions en France. Deux profils identiques sont envoyés pour chaque poste, l'un portant un patronyme maghrébin et l'autre français. Sur les 103 entreprises testées, la discrimination est encore plus massive au niveau d'une quinzaine, dont le chiffre d'affaires est parmi les plus élevés. En effet, elles suscitent plus d'envoi de candidatures, ce qui explique en retour des cas de discrimination plus élevés, explique l'enquête. Parmi elles, certaines sont pourtant «engagées dans des labels, signent des chartes, et on s'aperçoit qu'elles traitent différemment les candidats». Le gouvernement français regarde ailleurs Contacté par France Inter également, le ministère français du Logement et de la ville «dit vouloir travailler d'abord avec les entreprises fautives, avant de décider de la pertinence de faire du ''name and shame''», c'est-à-dire afficher publiquement les noms des entreprises «délinquantes» en matière de discrimination à l'emploi, selon les termes d'Emmanuel Macron lors de sa campagne électorale. La réaction a suscité l'incompréhension de certaines associations, qui s'interrogent auprès de la même source si «la notoriété des entreprises est tellement grande qu'on ne peut pas se permettre de les dénoncer». L'intérêt d'afficher les noms des institutions incriminées est encore plus grand, puisque cette étude corrobore de précédents testings ayant établi des usages discriminatoires à l'emploi. En avril 2018, l'Institut de recherche sur l'avenir du travail (IZA) a d'ailleurs publié une étude, qui s'est intéressée cette fois-ci aux discriminations antimusulmans à l'embauche en France. Ses résultats démontrent que les exclusions dans le monde du travail ciblent, par extension, celles et ceux issus de «culture musulmane». Il en ressort que sans forcément avoir de pratique religieuse régulière, les candidats laïcs mais reconnus comme éventuellement musulmans sur la base de leur nom ont enregistré un taux de réponse de 12,9%, tandis que ceux ramenés à leurs origines chrétiennes obtiennent 16,1%. De même, les travailleurs ou candidats présumément maghrébins sur la base de leur nom ou de leur prénom sont ceux qui sont les plus exposés à une dégradation professionnelle, notamment ceux ayant migré vers la France pour des raisons économiques. En avril 2018 toujours, l'enquête longitudinale sur l'intégration des primo-arrivants (ELIPA) de la Direction générale des étrangers en France (DGEF), relevant du ministère de l'Intérieur, a indiqué que «près de 68% des personnes concernées sont d'origine africaine, 13% d'origine asiatique».