Qui sont ces Marocains vivant à l'étranger et qui sont ceux qui aspirent de plus en plus à continuer leur vie ailleurs ? Tentant de répondre à ces questions pour dessiner un profil des émigrants actuels, le Haut-Commissariat a publié une étude en la matière, qui se base sur des chiffres récents confirmant notamment que de plus en plus de jeunes voient leur avenir en dehors du Maroc. Rendus public mardi dernier, les premiers résultats de l'Enquête du Haut-Commissariat au Plan (HCP) sur la migration internationale au cours de 2018-2019 permet de mieux connaître les profils des Marocains issus de la migration et qui vivent actuellement à l'étranger. Chiffres actualisés à l'appui, elle permet de mieux comprendre pourquoi d'autres jeunes aspirent à bâtir leur avenir ailleurs. Ainsi, cette enquête effectuée sur le terrain entre août 2018 et janvier 2019 fait savoir que plus des deux tiers des migrants actuels (les Marocains établis actuellement à l'étranger) sont des hommes. Ils représentent 68,3%, tandis que «la proportion des femmes atteint son niveau le plus élevé parmi les 30-39 ans (34,4%) et le plus faible parmi les 60 ans et plus (2,9%)». Une population et plus en plus jeune et stable En tout, un peu plus d'un quart de ces ressortissants ont entre 15 à 29 ans (27,0%). Le HCP souligne que les femmes sont «relativement plus nombreuses que les hommes dans cette tranche d'âge, avec respectivement 32,8% et 24,4%». Par ailleurs, près d'un tiers de ces émigrés se situe dans la tranche d'âge de 30 à 39 ans (32,5%), «avec des parts presque équivalentes entre hommes et femmes, respectivement 31,6% et 34,4%». Ainsi, le rajeunissement des populations marocaines émigrées se confirme par cette étude, qui fait état d'une part des personnes âgées de 60 ans et plus très peu nombreuse (3,9%), avec 4,4% parmi les hommes et 2,9% parmi les femmes. Au moment de leur première émigration, la moyenne d'âge de ces personnes s'est située autour de 25,3 ans, «quasiment le même pour les hommes que pour les femmes, 25,4 ans et 25 ans», explique l'institution. Alors que dans le temps, sept sur dix (72,7%) ont été célibataires à la première émigration et 26,2% mariés, ces proportions sont aujourd'hui inversées. L'on compte désormais 62,4% de mariages et 33,6% en situation de célibat. Actuellement, l'âge moyen au premier mariage de nos MRE est de 27,3 ans, «28,8 ans pour les hommes et 24,3 ans pour les femmes». «Au moment de l'enquête, 33,6% de ces migrants ont atteint le niveau d'enseignement supérieur, 24,5% l'ont achevé et 9,1% ne l'ont pas achevé», explique encore le HCP. Et d'ajouter que «la part de ceux ayant le niveau secondaire qualifiant est de 17,4%, le niveau collégial 16,3% et le niveau primaire 16,9%». Par ailleurs, les migrants n'ayant aucun niveau d'éducation représentent 10,2%. Quel que soit leur niveau d'instruction, la majorité d'entre eux ont migré principalement pour des considérations économiques. En effet, 53,7% ont émigré «pour des raisons liées à la recherche d'emploi ou à l'amélioration de leurs conditions de vie, 69,2% parmi les hommes et 20,5% parmi les femmes». «L'éducation ou la poursuite d'études viennent en seconde position avec 24,8% (30,4% parmi les femmes et 22,3% parmi les hommes)», ajoute la même source. Le regroupement familial ou le mariage vient en bas de l'échelle avec 20,9% de cas, surtout chez les femmes qui représentent 48,7% de cette proportion. L'Europe demeure une destination principale Malgré les effets de la crise en Europe et la recrudescence des phénomènes migratoires vers l'Amérique du Nord, ou encore l'émergence d'une émigration sud-sud et intra-africaine qui concerne de plus en plus les ressortissants marocains, la rive nord de la Méditerranée reste la destination principale des Marocains, dans 86,4% des cas. Dans les détails, nos nationaux sont plus nombreux à s'installer en France (31,1%), en Espagne (23,4%) puis en l'Italie (18,7%). Actuellement, ils sont 7,4% à se diriger plutôt vers l'Amérique du Nord, entre le Canada (3,8%) et les Etats-Unis (3,6%). Dans 4,2% des cas, la destination migratoire a été un Etat arabe, principalement les Emirats arabes unis (EAU). Mais dans un autre registre, ils sont également nombreux à revenir. «Depuis l'année 2000, le regroupement familial ou le mariage constituent la raison principale du retour avec une part de 27,3%», indique le HCP avec des chiffres plus élevés chez les femmes (44,4%) que les hommes (20,5%). «Selon les pays de provenance, le regroupement familial est plus récurrent parmi ceux issus des pays d'Amérique du Nord avec 41% et des anciens pays européens d'immigration avec 29,6%», ajoute la même source. Ces mouvements s'expliquent plus souvent avec les contraintes liées à la fin d'un contrat de travail ou à une longue période de chômage, les hommes étant plus touchés que les femmes. La troisième raison de retour est l'arrivée à l'âge de la retraite là encore pour les hommes (18,3%) plus que les femmes (3,5%). D'autres raisons peuvent expliquer ce retour, notamment la nostalgie au pays d'origine (7,6%), les expulsions (6,1%), l'éducation des enfants (6%), les considérations de santé (4,2%) ou encore la motivation d'investir dans le pays (3,4%). Le HCP pointe les défaillances du gouvernement envers les Marocains du monde Les Marocains non-migrants veulent également tenter l'aventure L'enquête du HCP montre que la migration concerne tout autant une importante frange de la société marocaine vivant dans le pays. Ainsi, près d'un quart (23,3%) des non-migrants interrogés dans le cadre de cette enquête ont exprimé leur intention d'émigrer, quel que soit le milieu dont ils sont issus. Ainsi, ce chiffre est de 23,3% parmi les ménages ne comptant aucun migrant et de 23,8% parmi au sein des ménages dont au moins un membre a déjà émigré. La différence de chiffres se situe plutôt au niveau du sexe, de l'âge et du niveau d'instruction. «Elle est le fait de 28,6% des hommes contre 17,7% des femmes et de 40,3% pour les personnes âgées de 15 à 29 ans contre 10,3% pour les 45-59 ans», nous apprend cette étude. «Elle est également le fait de 25% de ceux ayant le niveau d'études secondaires ou supérieures contre 12,4% pour ceux n'ayant aucun niveau d'instruction», explique le HCP. «4 non migrants ayant suivi une formation professionnelle sur 10 (40,6%) ont l'intention d'émigrer.» HCP Par régions, 41,1% issus de l'Oriental et interrogés par le HCP ont exprimé leur souhait d'émigrer. Ceux de Tanger-Tétouan-Al Hoceima sont de 30,8%, de Marrakech-Safi 26,7% et de Drâa-Tafilalet 26,2%. Quant aux autres régions, elles «enregistrent des proportions inférieures à la moyenne nationale (23,3%)», notamment Souss-Massa qui compte le taux le plus faible, à savoir 10,5%. Les espoirs de faire sa vie ailleurs sont relativement plus exprimés par les populations en situation de chômage (50,9%), tandis que 21,9% des personnes en activité disent vouloir vivre à l'étranger. Ces constats corroborent notamment les analyses et observations faites sur la jeunesse marocaine qui, en l'absence d'opportunités d'évolution personnelle et professionnelle et faute de services publics de qualité, opte de plus en plus pour une reconversion dans un autre pays. Les arnaques du hrig, ou la vie de jeunes partie en fumée Le HCP explique que cette première phase d'enquête a ciblé «un échantillon de 15 076 ménages répartis en 8 144 ménages de migrants actuels, 4 072 ménages de migrants de retour et 2 860 ménages de non migrants». L'institution annonce que les résultats détaillés seront «présentés et débattus lors d'un atelier prévu au premier trimestre de 2020», dans le cadre du programme de coopération européenne MEDSTAT relatif aux statistiques officielles. «La deuxième phase de cette enquête, dont la réalisation est prévue au premier trimestre de 2020, concerne la migration forcée et irrégulière», conclut la même source.