Alors que les proches du journaliste Rabii Al Ablak multiplient les appels de détresse pour sauver la vie du détenu, la direction de la prison où il est admis nie toute grève de la faim. Les ONG et le frère du détenu alerte sur le fait que ce dernier a dépassé les 40 jours sans nourriture. Depuis plusieurs jours, les préoccupations sur la vie de Rabii Al Ablak s'expriment au Maroc et à l'étranger, après que le détenu a dépassé 40 jours de grève de la faim selon sa famille. Mardi soir, c'est Reporters sans frontières (RSF) qui a lancé une énième alerte : l'ONG se dit «préoccupée par l'état de santé du journaliste citoyen» et appelle les autorités marocaines à «le libérer dans les plus brefs délais». Condamné en juin 2018 à cinq ans de réclusion, confirmés en appel, Rabii Al Ablak est accusé de «diffusion de fausses informations» et d'«usurpation de la profession de journaliste». Dénonçant un procès à caractère politique et exigeant sa libération immédiate, il a pour sa part mené plusieurs grèves de la faim mais aussi de l'eau, parfois pendant plus de 30 jours. Mais alors que RSF s'aligne sur les inquiétudes de la famille du détenu et qu'elle déplore que la santé du journaliste «se détériore dans sa cellule de la prison locale de Tanger 2», l'administration pénitentiaire tient un autre discours. La DGAPR avait rejeté les informations relayées par le frère du détenu, qui suit quotidiennement le cas du journaliste, à distance. Le 19 octobre dernier, celle-ci a dit contester la version de faits des proches et a indiqué que le concerné «n'a jamais déposé de préavis de grève de la faim», ce qui ne signifie pas pour autant que Rabii Al Ablak se nourrit. Mais pour la direction de la prison de Tanger 2, l'activité quotidienne de Rabii Al Ablak «prouve bien que son état de santé est normal». Sauf que trois jours plus tard, Abdellatif Al Ablak a affirmé que dans une communication téléphonique avec son frère, ce dernier «défie la direction de la prison de prouver qu'[il] se nourrit quotidiennement et de manière régulière». Selon lui, l'administration pénitentiaire est non seulement dans le déni, mais elle néglige aussi l'état critique du journaliste, qui dit ne pas bénéficier de visite médicale quotidienne. Tiraillements sur la prise en charge médicale de Rabii Al Ablak «A l'exception du jeudi 17 octobre, le médecin m'a rendu visite pour me rappeler un rendez-vous avec l'ophtalmologiste et je lui ai dit que cela n'était plus prioritaire dans ma situation actuelle», indique Rabii Al Ablak, cité par son frère. «J'ai été surpris de recevoir dimanche le médecin chargé des prisons auprès du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), qui a été consterné par mon état de santé et a confirmé l'urgence de me conduire à l'hôpital, en dehors de l'établissement pénitentiaire, surtout que mon estomac vide ne peut pas supporter de médicaments.» Rabii El Ablak Sur sa page dans les réseaux sociaux, Abdellatif Al Ablak explique que le journaliste «défie la direction de la prison de prouver sa version, sachant qu'une caméra de surveillance est installée à la porte de la cellule et qu'elle attestera de la crédibilité de l'ensemble des faits». En réponse, l'établissement a publié un communiqué, mardi, qui fait état d'«allégations fausses avancées par certains médias» ayant cité les proches du détenu. «Nier l'état de santé déplorable de Rabii Al Ablak est indigne et injuste», dénonce pour sa part le bureau Afrique du Nord de RSF, pour qui «le journaliste citoyen doit être libéré et soigné le plus rapidement possible». Ces réactions sont publiées deux jours après la tenue d'un rassemblement, lundi à Rabat, où nombre d'associations et comités de soutien ont appelé à «sauver la vie de Rabii Al Ablak d'un réel danger de mort». Ce rassemblement s'est tenu au lendemain de la publication d'une lettre ouverte de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), dans laquelle elle exige une «intervention urgente pour sauver la vie du détenu politique Rabii Al Ablak, en grève de la faim depuis plus de 40 jours». La correspondance a été adressée au ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme, au ministre de la Justice, à la présidente du CNDH, au délégué interministériel des droits de l'Homme (DIDH) et au délégué général à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR). Article modifié le 2019/10/23 à 22h24