Connaissez-vous Redouane "La Déglingue", rappeur bruxellois d'origine marocaine ? C'est le chanteur qui défraie la chronique en Belgique depuis la fin du mois de janvier avec son nouveau clip vidéo, du moins pour une phrase dans cette chanson, jugée "anti-belge" par un sénateur du Mouvement réformateur (MR), le Parti libéral de la Belgique francophone. Vidéoclip "Pour les pilotes" Alain Destexhe a déclenché une polémique dans les médias après avoir écouté les paroles de Redouane. Dans cette chanson dénommée "Pour les pilotes", le rappeur affirme "j'épouserai le Maroc après avoir baisé la Belgique" (3'28). C'est cette phrase qui a provoqué l'ire du sénateur qui a évoqué dans un communiqué, des "relents nauséabonds". Le docteur en médecine et ancien secrétaire général (1991-1995) de Médecins sans frontières (MSF), a été d'autant plus irrité car, selon lui, le clip aurait été financé par une organisation publique de Bruxelles, la "Régie mobile pour la culture". L'élu du MR (opposition), qui n'a pas pris contact avec la commune d'Etterbeek, où se trouve la "Régie mobile pour la culture", a voulu dénoncer "la longue liste d'échecs de la politique occupationnelle menée depuis plusieurs années par les pouvoirs publics, notamment par la majorité (socialistes-écologistes-chrétiens-humanistes) à Bruxelles-capitale". Destexhe a ensuite parlé de "faillite de la politique menée depuis plusieurs années par les pouvoirs publics, notamment dans certains quartiers de notre capitale". Tout en condamnant les propos du rappeur, la commune d'Etterbeek, s'est défendue. La Régie forme des demandeurs d'emploi aux métiers culturels et aux techniques de régie son ou image, elle ne finance ni ne subventionne des "œuvres", a-t-on précisé. De plus, c'est un agent engagé dans le cadre d'un programme de transition professionnelle (PTP) qui a réalisé ce clip à l'insu de la Régie mobile, a-t-on ajouté. D'ailleurs, la Mission locale d'Etterbeek a annoncé (fin janvier) vouloir licencier le réalisateur en question pour faute grave. Cependant, la sortie de l'élu bruxellois a ouvert la voie à des insultes racistes et humiliantes en Belgique envers la communauté marocaine en Belgique, première population immigrée. Hormis la "fâcheuse" phrase, difficile de reprocher quelque chose de raciste au clip du rappeur schaerbeekois. On est plutôt accabler après le visionnage de la vidéo pleine de clichés liés au gangsta rap : grosses voitures de sport, exhibition de bulldogs, hymne à la vitesse, la frime et au machisme et une farandole de drapeau du Maroc. Avec le ridicule en plus lorsqu'on peut lire "Moteur enrager" (sic) (1'47) sur un vidéoclip qui se veut professionnel. Cette affaire rappelle celle du groupe "Sniper", qualifié en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, de "voyous qui déshonorent la France" pour les paroles de leurs chansons notamment "La France" et "Jeteur de pierres" sur le conflit du Proche-Orient. En annonçant à l'époque son intention de porter plainte contre les membres de Sniper, l'actuel président français avait conforté les militants d'extrême droite, particulièrement ceux du "Bloc Identitaire". Le député belge souhaite lui aussi surfer sur la vague de l'indignation médiatique. Ainsi, déclencher une polémique en pointant du doigt la non intégration des belgo-marocains, lui assure une couverture médiatique et des suffrages pour les prochaines échéances électorales. L'exemple suisse avec le référendum anti-minarets, initié par l'UDC, est frappant. Quelques jours après les déclarations d'Alain Destexhe, Redouane "La Déglingue" s'est expliqué dans le journal La Capitale. S'il n'a pas regretté sa phrase, il a affirmé avoir été "déçu" parce qu'elle a été "sortie de son contexte et prise au premier degré par certaines personnes". Selon lui, ses mots étaient ciblés. "Je tiens à préciser que ce ne sont pas tous les citoyens belges que je vise, contrairement à ce qui a pu être dit dans les médias. Mais les Belges qui nous pointent du doigt en nous traitant d'incultes ou d'analphabètes. Ils savent très bien que la majorité des jeunes des quartiers défavorisés ne demandent qu'à s'en sortir et à construire un meilleur avenir". Il a confié au journal qu'il ne souhaitait pas "parler" avec Alain Destexhe, afin de ne pas être un "appât pour attirer des racistes". Enfin, même si des membres de sa famille "souhaitent qu'il véhicule une meilleure image de lui", pas question de changer de propos après cette polémique. "Autant arrêter le rap !" a-t-il dit. Les mauvaises langues diront que cela ne constituera pas une grande perte pour la scène musicale belge. En tout cas, si Redouane souhaite « baiser » la Belgique, une chose est sûre, le Maroc ne risque pas de l'épouser.