Chaque année, en Europe, les Marocains sont pris dans le tumulte des fêtes de Noël. Entre religion, culture et société, chacun fait son choix. Quel est, pour vous, le ou les plus beaux cadeaux pour un garçon un bébé de un an et demi, 2 ans ? -A/ Si tu es musulmane alors la je te conseille de ne pas fêter Noël. B/ si tu n'es pas musulmane tu peux offrir à tes enfants des jouets. - Oui je suis musulmane, muslima et c'est pour ça que je respecte toutes les religions. Maintenant, il s'agit plus de culture et de double culture.» L'échange a eu lieu sur le forum de Yabiladi.com à la fin du mois de novembre. Cette année, comme toutes les autres, le débat est ouvert : musulmans et Marocains d'Europe, allez vous fêter Noël ? A travers cette question les Marocains résidant en Europe interrogent des concepts aussi vastes et universels que la religion, le rapport aux autres, le bonheur et la culture. Le problème de départ porte sur la nature religieuse de la fête de Noël : la naissance de Jésus, fils de Dieu pour les chrétiens et prophète pour les musulmans. Le débat s'ouvre lorsque les parents s'interrogent sur la bonne attitude à adopter vis-à-vis de leurs enfants. «Allez-vous fêter Noël ?, demandait belbrune, le 7 décembre, c'est une question que me posent mes jumeaux. Ils me demandent d'acheter un sapin et les guirlandes et je leur explique que, nous, on ne fête pas cette fête. Ils ont bientôt 3 ans.» L'origine chrétienne, majoritairement admise, de Noël dissuade certains de la fêter. «Faites que les moments de bonheur auxquels vos enfants sont attachés soient liés à la sunna : l'aïd. Cette fête peut être une bonne occasion pour se réunir et s'offrir des cadeaux. Transmettez leur l'amour de l'islam ; car c'est votre responsabilité devant Dieu», soutient Mes-saouada, en janvier 2007 sur le forum. «C'est malheureux, trop de musulmans imitent ces fêtes «chrétiennes» avec le sapin et le père Noël ! Mes collègues me demandent «alors tu as prévu de recevoir quoi et d'offrir quoi ?» Je leur dit walou, chez nous, on ne fête pas Noël et en plus on fait des économies !», raconte avec humour, au début du mois, de décembre tizouite59. «Par contre, j'apprends à mes enfants à aimer Jésus en tant que prophète de Dieu et à respecter les chrétiens mais je leur interdis de suivre leur religion car beaucoup d'innovations y ont été apportées, et, ça, c'est haram», souligne soli20. Noël devient plus accessible lorsqu'elle perd sa dimension religieuse. «Je trouve dommage que l'on n'ai pas continué à s'échanger des cadeaux, à noël, dans ma famille. Je pense que je le ferai quand j'aurai ma petite fille, inchallah, chose que je ne ferais pas si cette fête était restée chrétienne. Aujourd'hui, elle est devenue purement laïque et commerciale», estime Miss samie. Mafalda a, elle aussi, toujours fêté Noël étant enfant mais sans référence religieuse. «Nous avons toujours eu un petit sapin en plastique avec des guirlandes et des boules. Nous l'avons utilisé à chaque Noël pendant très longtemps. [...] Pour nous, Noël voulait dire cadeaux, on ne s'est jamais posés de questions sur Jésus ou la messe de minuit», se souvenait-elle en novembre 2006. Noël devient alors une fête attachée à la culture du pays d'accueil comme n'importe quelle autre fête, avec une particularité, toutefois : «Noël, on en bouffe pendant deux mois tous les jours et c'est incontournable», écrivait Botfonasste, en novembre 2006. «Il faut vivre avec sont temps et s'accommoder des us et coutumes du pays dans lequel on vit», estime pourkoimoi. Une opinion presque politique qui ne manque pas de susciter des réactions sur le forum. «Nous avons nos fêtes à nous pendant lesquelles nous nous offrons des cadeaux, eux ne fêtent pas l'aïd alors je ne vois pas pourquoi on fêterait Noël [...] Ce n'est pas parce que l'on vit en France que l'on doit se plier à tout», tranche Fdaliya, en janvier 2007. Pour Zitounia, originaire du Maroc et vivant à Nantes, les deux cultures ne s'excluent pas mutuellement. «Je fais tout, le sapin, les cadeaux, la bûche, la dinde et même un petit verre, à l'occasion ! C'est le partage qui compte dans une famille marocaine, tout ce qui est fête : on accueille !», lance-t-elle dans un sourire. Accueillir Noël, participer à une fête que tout le monde partage dans le pays d'accueil, c'est aussi pour se sentir intégré au groupe. Botfonasste, en novembre 2006, préparait noël pour ses enfants : «Il est important que des enfants ne se sentent pas exclus du fait que leurs camarades fêtent Noël.» De la même façon, Lalafifi a décidé de «fêter» Noël pour son petit garçon, pour lui éviter la souffrance qu'il a connu. «Avec mes parents, on ne l'a jamais fêté, mais quand je retournais à l'école après les vacances de Noël, je me sentais un peu... pas comme les autres, parce que tout le monde parlait de cadeaux... et moi, ben, cacahuète ! (il m'arrivait même d'inventer des cadeaux pour paraître «normal» Bidouaya juge nuisible cette peur de l'exclusion. «Suivre un tel raisonnement pourrait s'avérer être dangereux. Si nos enfants doivent fêter Noël pour ne pas se sentir exclus, plus tard ils devront manger du porc à la cantine pour ne pas être les seuls à table à manger différemment et boire de l'alcool aux pots proposés par leur entreprise. Ils ne doivent pas se sentir «anormal», explique-t-elle. Ha- lia réagit plus vivement : «il faut expliquer aux enfants, que nous, sommes musulmans et que, chez nous, y'a pas de Noël qui tienne. Et les cadeaux, mon Dieu, ils en auront, des cadeaux, ce ne sont pas les occasions qui manquent ; on a deux fêtes.» Les prises de positions les plus fermes sur la question de Noël se manifestent autour de l'enfant lorsque les parents déterminent ce qu'ils veulent lui transmettre. Chez les plus jeunes, l'indifférence semble dominer. Fête ou pas, les choses se sont perpétuées d'elles mêmes depuis l'enfance. Najat d'origine marocaine, professeur d'anglais et de néerlandais à Bruxelles, n'a jamais vraiment fêté Noël. «Dans ma famille, il y avait simplement une bûche en dessert ce jour là, mais ce n'était pas une occasion particulière pour se réunir en famille», se sou¬vient-elle. Cette année, elle ne le fêtera pas «sauf si on m'invite» précise-t-elle. Pour Salima, Noël n'est «pas trop dans notre culture mais on ne sait jamais, pourquoi pas ? Après tout, j'ai un petit ami ukrainien, qui sait comment les choses vont évoluer ?», s'amuse-t-elle. Lorsqu'elle était petite, en Italie, «on saisissait l'occasion de la bûche pour se réunir en famille.» Sans posséder de valeur religieuse, de dimension familiale ou rituelle, Noël devient alors une simple occasion de faire la fête. Ali, professeur de mathématiques, né en Belgique de parents Marocains, profite également de Noël pour sortir avec des amis. Un comportement finalement très similaire à certains jeunes actifs des grandes villes marocaines.