Ces derniers jours, le secteur de la Santé vit au rythme des grèves et manifestations. Après la protestation des médecins du secteur public, les grèves des étudiants en médecine et médecine dentaire et celle des ophtalmologues, voilà que les opticiens investissent les rues de la capitale dès cette semaine. Le ministère de la Santé est dans l'oeil du cyclone. Alors que le projet de loi 45.13 relatif aux professions de rééducation, de réadaptation et de réhabilitation fonctionnelle exercées entre autres par les opticiens lunetiers est sur l'agenda de la Chambre des conseillers, les opticiens du royaume manifestent ce mercredi 12 juin devant le ministère d'Anass Doukkali à Rabat. «Plus de 1000 opticiens venus de tout le Maroc sont attendus au sit-in dont l'objectif principal est de revendiquer la réforme du projet de loi afin de clarifier le statut de l'opticien lunetier et définir ses pouvoirs selon son rôle et sa formation», indique un communiqué du Syndicat professionnel national des opticiens du Maroc (SPNOM) parvenu à Yabiladi ce mardi. Les amendements des conseillers dénoncés par les opticiens A l'origine de ce mécontentement qui ne date pas d'hier, un texte de loi amendé par la Commission de l'enseignement et des affaires culturelles et sociales à la Chambre des conseillers mais dénoncé par médecins ophtalmologues et opticiens. L'article faisant l'objet du litige évoquait dans sa première mouture la possibilité de mesurer la réfraction et l'adaptation des lentilles de contact. Une procédure accomplie par les opticiens depuis 1954. En effet, c'est grâce au Dahir du 5 novembre 1954, réglementant la profession d'opticien-lunetier, que les opticiens exercent, depuis plus de 60 ans, la mesure de l'acuité visuelle pour la correction réfractive. Mais si la première mouture du projet de loi 45.13, n'a pas changé l'esprit du Dahir de 1954, celle qui sera votée par les Conseillers comportent quelques changements. «Des ophtalmologues du secteur privé et des clinques ont estimé que la mesure de l'acuité visuelle par les opticiens touchent à leurs intérêts et ont donc fait pression», nous raconte Mina Ahkim, présidente du SPNOM. «Ils nous ont traité d'imposteurs et d'escroc, nous reprochant à tort de travailler dans l'illégalité», poursuit-elle. «Les ophtalmologues ont brandi la carte du danger sur la santé des Marocains. Mais 65 longues années n'ont-elles pas été suffisantes pour dire s'il y a un danger ? Cela est absurde. La mesure de l'acuité visuelle pour la correction réfractive est une prise de mesure technique qui n'est pas invasive. C'est loin de la pathologie.» Mina Ahkim Le texte initial dénoncé par les ophtalmologues D'ailleurs, le Syndicat national des ophtalmologues libéraux du Maroc (SNOLM) a exprimé son rejet de ce texte. Les médecins ophtalmologues exerçant dans le secteur libéral ont même observé une grève lundi 3 juin suivie d'un sit-in devant les locaux du ministère de la Santé. Pour eux, le ministère n'a pas répondu à leurs doléances concernant le projet de loi 45-13. «Le droit à la réfraction n'est plus autorisé chez l'opticien, ce que nous ne comprenons pas», dénonce aujourd'hui la présidente du SPNOM. «L'enseignement supérieur a accrédité la formation d'opticien sur la réfraction alors que le ministère de la Santé nous l'interdit désormais et nous réduit en de simple commerçants et vendeurs de lunettes», dénonce-t-elle. «Si c'est pour vendre, suis-je obligée de passer par trois ans de formation dans la mesure de l'acuité visuelle ? Cela est contradictoire», rajoute Mina Ahkim. Elle reconnait de «l'informel dans le secteur» que «les médecins ne dénoncent pas». «Ils ne se révoltent pas contre ceux qui sont dans l'illégalité, comme les parfumeries et les boutiques vendant des lunettes et des lentilles sans autorisation», fustige-t-elle. De son côté, les ophtalmologues libéraux estiment que le fait d'autoriser aux opticiens de faire la mesure de la réfraction ainsi que l'adaptation des lentilles de contact est une «institutionnalisation d'exercice illégal de la médecine». «Remettre entre les mains des opticiens, commerçants, sans aucune attribution ni formation médicale professionnelle, la santé visuelle des citoyens marocains constitue une violation de la loi 131-13 sur l'exercice de la médecine au Maroc», a confié Ali Zaroury, président du SNOLM, au journal Assabah.