Les ophtalmologues dénoncent une grave anomalie dans un projet de loi déjà adopté par la première Chambre Les ophtalmologues du secteur privé montent au créneau. Ils rejettent le projet de loi 45-13 relatif à l'exercice des professions de rééducation, de réadaptation et de réhabilitation fonctionnelle qui est actuellement à la deuxième Chambre au Parlement. «Le problème a trait à l'article 6 de ce projet de loi qui reprend le dahir de 1954 réglementant l'exercice de la profession d'opticien lunetier. Ce dahir donnait le droit à l'opticien de faire une réfraction au malade en raison de l'absence d'ophtalmologues à l'époque. Nous ne sommes plus sous le protectorat ! Les opticiens n'ont pas fait des études à la Faculté de médecine pour réaliser de tels examens. L'article 6 autorise l'exercice illégal de la médecine par les opticiens», déplore Dr. Mohamed Chahbi, ophtalmologiste et vice-président du Syndicat national des ophtalmologistes libéraux du Maroc. L'article en question stipule: «L'opticien lunetier délivre au public des articles d'optique destinés à corriger ou protéger la vue. Préalablement à leur délivrance, il réalise l'adaptation et l'ajustage desdits articles au moyen d'instruments de contrôle nécessaire. Il délivre les produits d'entretien et de conservation des lunettes et des lentilles de contact ainsi que les produits de leur humidification». Cela dit, cet article ne donne pas le droit à l'opticien lunetier de délivrer un dispositif médical d'optique sans prescription médicale et ce dans 4 cas précis : pour les sujets de moins de 16 ans, lorsque l'acuité visuelle est inférieure ou égale à 6/10 après correction, en cas d'amétropies fortes et de presbyties en discordance avec l'âge. Le Dr Chahbi est très clair à ce sujet: «On ne peut pas être à la fois prescripteur et vendeur. L'opticien n'a aucune formation médicale pour être en mesure d'examiner le malade. Il est chargé uniquement de vendre des lunettes». Cette pratique illégale n'est pas sans conséquence sur la santé du patient. «Le problème ne se limite pas à mesurer l'importance du défaut optique de l'œil. L'opticien peut rassurer le patient en lui signalant que son acuité visuelle a baissé alors que celui-ci présente un œdème maculaire qu'il sera incapable de détecter pour la simple et bonne raison qu'il n'est pas ophtalmologue. La conséquence est que l'opticien va faussement rassurer le malade alors qu'il a une maladie qui évolue», explique le vice-président du syndicat. Signalons que le Syndicat et la Société marocaine d'ophtalmologie avaient adressé en février 2019 un mémorandum aux hauts responsables, notamment le chef de gouvernement et le ministre de la santé, sur les dangers de l'article 6 du projet de loi. Dans leur mémorandum, les ophtalmologues avaient clairement indiqué que permettre aux opticiens de diagnostiquer et mesurer les troubles réfractifs (qui sont des maladies) et d'en prescrire et adapter la correction par lunettes est totalement illégal dans la mesure où il s'agit d'actes médicaux de spécialité ophtalmologique. Ces derniers estiment que l'article 6 du projet de loi 45-13 constituerait en cas d'approbation une violation de la loi 131-13 réglementant l'exercice de la médecine. «Il créerait un dangereux précédent de légitimation de l'exercice illégal de la médecine, tout en le reliant directement à une activité commerciale avec toutes les conséquences désastreuses que cela implique sur la santé des citoyens». C'est pour ces diverses raisons que les ophtalmologues avaient appelé à amender cet article afin de ne pas octroyer la possibilité aux opticiens de pratiquer la réfraction et l'adaptation des lentilles de contact.