Au Proche-Orient et en Afrique du Nord (NENA), la faim ne cesse d'augmenter pour plusieurs raisons. C'est le constat alarmant de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), selon laquelle 52 millions de personnes dans la région souffrent de sous-alimentation. Entre 2015 et 2017, 1,4 million de Marocains ont été en sous-alimentation chronique. Ce chiffre, présenté par la FAO dans un rapport international rendu public mercredi, n'est pas singulièrement différent de celui des années passées. En effet et après une légère baisse de 1,7 million (entre 2004 et 2006) à 1,3 (entre 2014 et 2016), la sous-alimentation regagne de nouveau du terrain sur plan national. En pourcentage dans le pays, la prévalence de la sous-alimentation entre 2004 / 2006 et 2015 / 2017 est passée de 5,7% à 3,9%, où elle se stabilise depuis 2014. Le chiffre reste inférieur en comparaison avec les Etat voisins, où il est passé de 8,8% à 4,7% en Algérie, de 5,6% à 4,9 en Tunisie et de 12,1% à 11,3% en Mauritanie. Au Maroc, des personnes ne sont pas à l'abri de l'insécurité alimentaire Si l'adage populaire avance qu'«on ne meurt pas de faim au Maroc», il n'en reste pas moins que la sous-alimentation est une réalité pour plus d'un million de Marocains. En effet, selon le rapport, la prévalence de personnes touchées par une insécurité alimentaire grave entre 2014 et 2017 a connu une hausse, passant de 5,1% à 5,7%. Ainsi, une enquête datée de 2011 et citée dans le rapport de la FAO montre qu'à cause de l'insécurité alimentaire dans le pays, 14,9% d'enfants connaissent un retard de croissance, 2,3% un amaigrissement (émaciation) et 3,1% une maigreur extrême (insuffisance pondérale), tandis que 11,8 souffre de surpoids. Aussi selon la même enquête, la prévalence d'anémie chez les filles et les femmes en âge de procréer (15 à 49 ans) est de 36,9%, tandis que jusqu'en 2016, 26,1% des adultes (hommes et femmes) ont souffert d'obésité. En matière de sous-alimentation et d'insécurité alimentaire ainsi que leurs conséquences, ces données contrastent avec le taux d'autosuffisance du pays en matière de fruits et légumes (116%), de viande (100%), en oléagineux (98%), en lait (95%) ou encore en céréales (59%). Cependant, ces chiffres restent parmi les plus bas de la région, puisqu'en Algérie, la prévalence de personnes touchées par une insécurité alimentaire grave est passée de 8,5% à 8,3% entre 2014 et 2017. En Tunisie, la tendance est en légère hausse avec un indice passant de 7,4% à 7,5%. C'est en Mauritanie que ce chiffre a évolué plus considérablement, de 13,9 à 18,3. Au total dans toute la région NENA, ce pourcentage a grimpé de 10,9% à 11,3%. La sécurité alimentaire est menacée dans toute la région NENA De manière globale dans la région NENA, la tendance haussière reste générale, puisque le nombre de personnes en sous-alimentation est passé de 41,6 millions entre 2004 et 2006 à 52 entre 2015 et 2017. Dans les zones en conflit (Libye, Soudan, Yémen, Syrie et Irak), ce chiffre est passé de 24,1 millions à 33,9, tandis que dans les pays hors-conflit, il est passé de 17,4 à 18 millions. Ainsi, la prévalence moyenne pondérée de l'insécurité alimentaire grave dans la population régionale est de 11,3%. Dans la première catégorie des pays, elle est de 17,7% tandis que dans la seconde, elle est de 8,9%. Dans ce sens, la FAO affirme que «les conflits sont toujours le principal facteur de souffrances liées à la faim dans la région». «Les conflits et l'instabilité civile dans la région ont des effets à long terme sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des pays affectés, mais aussi des pays voisins», explique dans ce sens Abdessalam Ould Ahmed, sous-directeur général et représentant régional de la FAO pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord. Le responsable explique en effet que «les conflits ont perturbé la production alimentaire et animale dans certains pays», ce qui a «affecté la disponibilité en nourriture dans la région». Cependant, les conflits ne sont pas le seul facteur aggravant de sous-alimentation ou d'insécurité alimentaire globalement. Si plus de deux tiers des personnes souffrant de la faim dans la région NENA vivent dans des pays affectés, 18 millions des autres personnes souffrant de la faim vivent dans le reste de la région. «La croissance rapide de la population, les ressources naturelles qui sont fragiles et se font rares, la menace croissante du changement climatique, le taux de chômage en hausse et le fonctionnement limité des services et des infrastructures en milieu rural ont pour effet d'aggraver les souffrances liées à la faim», explique ainsi Ould Ahmed. Dans ce sens, mettre fin à la crise alimentaire qui menace même les objectifs de développement – rural notamment – de l'ONU d'ici 2030 tout en luttant aussi contre l'obésité dans la région «implique de mettre en place des systèmes alimentaires capables de garantir une alimentation saine et nutritive, d'améliorer la sensibilisation du public sur les problèmes liés à l'alimentation et de les informer sur les risques associés au surpoids», explique une note d'information de la FAO. «Il est nécessaire d'encourager nos agriculteurs à produire en se basant sur l'avantage comparatif de la région», ajoute encore Ould Ahmed, soulignant que la région NENA «détenait un fort potentiel en matière de production agricole et animale qui requièrent moins de terres arables et d'eau, mais davantage de main d'œuvre».