Pour les Nations unies, le 16 octobre est la Journée mondiale de l'alimentation. Pour son édition 2012, la communauté internationale se réunit à Rome. Durant une semaine, les différents participants vont tenter d'apporter des réponses à l'insécurité alimentaire dans le monde. Cette année, les organisateurs de la Journée mondiale de l'alimentation ont choisi comme thème « Les coopératives agricoles nourrissent le monde ». Ils mettent ainsi l'accent sur le rôle joué par les coopératives pour améliorer la sécurité alimentaire, supprimer la faim dans le monde et misent sur les petits cultivateurs pour nourrir les peuples. L'objectif est d'aider les organisations de petits agriculteurs à se structurer afin qu'ils puissent à leur tour profiter des augmentations des cours des denrées alimentaires, vivre de leur production et nourrir les populations, comme l'observe Caroline Bah directrice de l'ONG Afrique verte : « C'est un regroupement de producteurs qui se mettent en coopérative et qui à partir de là s'organisent pour mettre en marché et nourrir la population. Leur structuration est très importante, pour essayer de réguler la production et d'apporter des céréales ou d'autres aliments de façon à nourrir le monde ». Très loin des petits producteurs locaux, les prix des denrées agricoles importées dans les pays pauvres sont en fait fixés par les places financières des pays riches. Les échanges sont soumis aux jeux des spéculateurs qui rendent le marché volatile au risque de provoquer l'instabilité alimentaire. Pour garantir la sécurité alimentaire, certains préconisent de réguler les marchés. Une solution qui ne convainc pas Michel Portier directeur d'Agritel : « La spéculation s'exerce autant à la hausse qu'à la baisse, le déficit qui existe entre l'offre et la demande est davantage lié aux incidents climatiques qu'à une spéculation effrénée. Il y aura exactement le même mouvement à la baisse lorsque les prix chuteront, ils chuteront de manière plus importante que la logique d'un équilibre de marché ». Constituer des stocks de stratégie Pour faire face à la variation des prix agricoles, la France et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), militent pour la constitution de stocks alimentaires stratégiques. Ce sujet sera débattu ce mardi lors de la réunion ministérielle consacrée à la volatilité des prix des denrées alimentaires, et c'est le ministre français de l'Agriculture Stéphane Le Foll qui la présidera. La constitution de stocks permettrait d'établir des réserves céréalières qui pourraient être débloquées en cas de flambée des cours et réduire l'impact sur les populations les plus vulnérables. Une proposition que soutient également Xavier Beulin, le président du principal syndicat agricole français, la FNSEA. Mais cette proposition ne fait pas l'unanimité, notamment du côté des Etats-Unis qui considèrent cette initiative trop interventionniste. Si pour le moment les stocks stratégiques sont refusés, José Graziano da Silva, patron de la FAO, continue de défendre ce projet et souhaite que soient mises en place de petites unités de stockage à proximité des lieux de production avec, en parallèle, la constitution de stocks à l'échelle nationale. De son côté, Paris annonce qu'elle continuera à défendre cette idée et espère même aller plus loin en activant le FRR, le Forum de réaction rapide, outil créé lors du dernier G20 à l'issue de l'envolée des cours mondiaux en 2007-2008, et qui permet de parler d'une seule voix en cas de crise. Reste que les Américains ont là aussi rejeté pour le moment toute intervention du FRR. Ils considèrent en effet que les marchés fonctionnent normalement. Selon la FAO, la faim a reculé partout dans le monde depuis une dizaine d'années, sauf en Afrique où 234 millions de personnes souffrent du manque de nourriture. En Afrique subsaharienne, ils sont ainsi 64 millions de plus à connaître la faim. A l'inverse, sur le reste de la planète, on observe une amélioration : 870 millions de personnes, dont 852 millions dans les pays en développement, souffrent de la faim, contre près d'un milliard dix ans plus tôt. Un habitant sur sept souffre de sous-alimentation, dont 19 millions d'enfants. Chaque jour 10 000 femmes et enfants meurent des conséquences de la sous-nutrition dans le monde. Comment éradiquer la faim dans le monde reste un défi pour les dirigeants de la planète car d'ici 2050, la terre aura 9 milliards de bouches à nourrir. Près de 870 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde Près de 870 millions de personnes, soit un habitant de la planète sur huit, souffraient de sous-alimentation chronique en 2010-2012, selon le dernier rapport sur la faim dans le monde diffusé aujourd'hui par les Nations Unies. L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde 2012 (SOFI) publié par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Fonds des Nations Unies pour le développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM), présente de meilleures estimations de la sous-alimentation chronique, basées sur une méthodologie et des données améliorées couvrant les deux dernières décennies. La grande majorité des personnes souffrant de la faim, soit 852 millions, vivent dans les pays en développement - environ 15 pour cent des habitants de ces pays - tandis que 16 millions de personnes sont sous-alimentées dans les pays développés. Le nombre total de personnes sous-alimentées a baissé de 132 millions entre 1990-92 et 2010-12, ou de 18,6 pour cent à 12,5 pour cent de la population mondiale, et de 23,2 pour cent à 14,9 pour cent dans les pays en développement, ce qui met l'Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) à portée de main si des mesures appropriées sont prises. Entre 1990 et 2007, le nombre d'affamés a diminué plus rapidement qu'on le croyait auparavant. Depuis 2007-2008, toutefois, les progrès mondiaux dans la réduction de la faim se sont ralentis puis stabilisés. «Dans ce monde aux possibilités techniques et économiques sans précédent, il nous paraît totalement inacceptable que plus de 100 millions d'enfants de moins de cinq ans souffrent d'insuffisance pondérale, et donc dans l'incapacité de réaliser pleinement leur potentiel humain et socio-économique, et que la malnutrition infantile soit, chaque année, une cause de décès pour plus de 2,5 millions d'enfants», soulignent, dans la préface du rapport, José Graziano da Silva, Kanayo F. Nwanze et Ertharin Cousin, respectivement chefs de la FAO, du FIDA et du PAM. «Nous notons avec une préoccupation particulière que la sortie de l'économie mondiale de la crise financière reste fragile. Néanmoins, nous appelons la communauté internationale à redoubler d'efforts pour aider les plus pauvres à réaliser leur droit fondamental à une nourriture suffisante. Le monde possède les connaissances et les moyens d'éliminer toutes les formes de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition», ajoutent-ils. Une «double approche» est nécessaire, basée sur le soutien à une croissance économique englobant tous les secteurs, y compris l'agriculture, et des filets de sécurité pour les plus vulnérables L'impact de la crise économique Les nouvelles estimations suggèrent que l'extension de la faim au cours de la période 2007-2010 a été moins forte qu'on ne le pensait. La crise économique de 2008-2009 n'a pas provoqué, comme on le craignait, un ralentissement économique rapide et immédiat dans de nombreux pays en développement. Les répercussions de la hausse des prix internationaux des denrées alimentaires sur les marchés intérieurs ont été moins prononcées qu'on ne le pensait à l'époque et beaucoup de gouvernements ont réussi à amortir les chocs et à protéger les plus vulnérables contre les effets de l'accélération des prix. Les chiffres de la faim publiés aujourd'hui font partie de statistiques révisées à partir de 1990. Ils s'appuient sur des informations actualisées sur la population, l'approvisionnement alimentaire, les pertes alimentaires, les besoins énergétiques alimentaires et d'autres facteurs. Ils font aussi une meilleure estimation de la distribution de la nourriture au sein des pays (mesurée en termes de disponibilité énergétique alimentaire). SOFI 2012 constate que la méthodologie ne tient pas compte des effets à court terme des flambées des prix alimentaires et d'autres chocs économiques. La FAO s'emploie également à développer un plus large éventail d'indicateurs afin de mieux saisir la qualité alimentaire et d'autres dimensions de la sécurité alimentaire. Un objectif à portée de main Le rapport suggère que si des mesures appropriées sont prises pour inverser le ralentissement de 2007-08 et nourrir ceux qui ont faim, la réalisation de l'Objectif du Millénaire pour le développement, qui consiste à réduire de moitié la proportion de personnes sous-alimentées dans le monde en développement d'ici à 2015, est toujours à portée de main. « Si la réduction annuelle moyenne de la faim des 20 dernières années se poursuit jusqu'en 2015, le pourcentage de la sous-alimentation dans les pays en développement devrait atteindre 12,5 pour cent, toujours au-dessus de l'OMD de 11,6 pour cent, mais beaucoup plus près de cet objectif que précédemment estimé », lit-on dans le rapport. L'Asie en tête du peloton des affamés, suivie par l'Afrique Au plan régional, la sous-alimentation a régressé en Asie-Pacifique au cours des deux dernières décennies de près de 30 pour cent, le nombre d'affamés passant de 739 à 563 millions, principalement en raison des progrès socio-économiques réalisés dans de nombreux pays. Mais en dépit de la croissance démographique, la prévalence de la sous-alimentation dans la région est passée de 23,7 à 13,9 pour cent. L'Amérique latine et les Caraïbes ont également fait des progrès, passant de 65 millions d'affamés en 1990-1992 à 49 millions en 2010-2012, alors que la prévalence de la sous-alimentation a chuté, passant de 14,6 à 8,3 pour cent. Mais le rythme de la progression s'est récemment ralenti. L'Afrique est la seule région du monde où le nombre d'affamés a augmenté au cours de la même période, passant de 175 à 239 millions, dont près de 20 millions au cours des quatre dernières années. La prévalence de la faim, bien que réduite sur toute la période, a augmenté légèrement au cours des trois dernières années, passant de 22,6 à 22,9 pour cent, soit presque un Africain sur quatre souffrant de la faim. En Afrique sub-saharienne, les progrès modestes réalisés ces dernières années jusqu'en 2007 se sont inversés, la faim ayant augmenté de 2 pour cent par an depuis lors. Les régions développées ont également vu le nombre d'affamés augmenter, passant de 13 millions en 2004-2006 à 16 millions en 2010-2012, alors qu'au cours des années précédentes la faim avait constamment suivi la tendance inverse (en 1990-1992 on comptait 20 millions de sous-alimentés). La croissance agricole, remède contre la faim et la malnutrition Le rapport souligne que la croissance globale est nécessaire mais non suffisante pour réduire durablement la faim. La croissance agricole est particulièrement efficace dans la réduction de la faim et de la malnutrition dans les pays pauvres, car la plupart des pauvres tirent de l'agriculture et des activités connexes au moins une partie de leurs moyens de subsistance. La croissance agricole impliquant les petits exploitants, notamment les femmes, sera d'autant plus efficace dans la réduction de l'extrême pauvreté et de la faim qu'elle permettra de créer des emplois pour les pauvres. La croissance ne doit pas seulement profiter aux pauvres, elle doit aussi être « sensible à la nutrition » afin de réduire les différentes formes de malnutrition. La réduction de la faim ne se limite pas simplement à une augmentation de la quantité de nourriture, il s'agit également d'améliorer la qualité des aliments en termes de diversité, d'éléments nutritifs et de salubrité. Car alors même que près de 870 millions de personnes souffrent de la faim, le monde est de plus en plus confronté à un double fardeau lié à l'alimentation: d'une part, la sous-alimentation chronique et les carences en micronutriments et, d'autre part, l'obésité, le surpoids et les maladies non transmissibles qui en dérivent et qui affectent plus de 1,4 milliard de personnes dans le monde. A ce jour, le lien entre la croissance économique et une meilleure nutrition a été sous-estimé, selon le rapport qui plaide pour une approche intégrée agriculture-nutrition-cadre santé. Des systèmes de protection sociale La croissance est évidemment importante, mais elle n'est pas toujours suffisante ou assez rapide. Par conséquent, des systèmes de protection sociale sont nécessaires pour s'assurer que les plus vulnérables ne soient pas laissés pour compte et puissent également participer, contribuer et bénéficier de la croissance. Des mesures telles que les transferts en espèces, les bons alimentaires ou l'assurance santé sont nécessaires pour les plus vulnérables qui, souvent, ne peuvent pas profiter directement des opportunités de croissance. La protection sociale peut améliorer la nutrition des jeunes enfants - un investissement qui sera rentable à l'avenir avec des adultes plus instruits, plus forts et plus sains. Avec une protection sociale efficace, complétant une croissance économique incluant tous les secteurs clés, la faim et la malnutrition peuvent être éliminées.