Le parti Istiqlal a appelé mercredi le chef du gouvernement Saadeddine El Othmani à activer l'article 103 de la Constitution, pour lier l'approbation de la loi-cadre pour la réforme du système d'éducation, de formation et de recherche scientifique à un vote de confiance. Un éventuel refus de confiance de la part des parlementaires entrainerait la démission collective de l'exécutif. Mercredi, la Commission de l'enseignement, de la culture et de la communication à la Chambre des représentants a reporté pour la troisième fois le vote sur ledit projet de loi-cadre, à la demande de tous les groupes parlementaires. Ce projet suscite une vive controverse car il évoque, dans ses articles, le recours aux langues étrangères dans l'enseignement des matières scientifiques. Le parti de Nizar Baraka a décoché ses flèches en direction du Parti de la justice et du développement (PJD), à la tête de la majorité du gouvernement, l'accusant de «se dissocier de la formule consensuelle sur le projet de loi sur la réforme de l'éducation». «Ce qui s'est passé est un acte sans précédent dans les pratiques politiques et législatives, et dépasse même le contenu dudit projet pour quelque chose de plus profond et plus dangereux qui touche la stabilité des institutions gouvernementale et parlementaire», fustige le comité exécutif de la Balance. Une motion de censure à la place de la responsabilité du gouvernement ? En rapport avec la demande du Parti de l'Istiqlal, le politologue et professeur de sciences politiques et de droit constitutionnel à l'université Mohamed V de Rabat, Omar Cherkaoui, a estimé que l'appel du parti de Nizar Baraka est une mesure «populiste». Il a rappelé, sur sa page Facebook, que l'activation de l'article 103 de la Constitution est une «décision exclusive du chef du gouvernement et non pas une demande naïve de l'opposition», comparant une éventuelle approbation du gouvernement de cette demande émanant de l'Istiqlal à un «suicide». Selon lui, «le chef du gouvernement peut recourir à l'article 103 pour adopter un projet de loi par la force, s'il constate une opposition ferme quant à ce texte». «Mais dans le cas du projet de loi-cadre sur l'enseignement, le texte dispose du consentement des groupes parlementaires et non pas de son rejet. De plus, c'est le chef du gouvernement qui émane des réserves sur le texte. Comment peut-il alors appeler la Chambre des représentants à se prononcer sur le projet de loi-cadre ou renverser le gouvernement ?» Omar Cherkaoui Pour le politologue, si Saâdeddine El Othmani accepte la demande du Parti de l'Istiqlal, ce dernier «serait obligé de changer sa position initiale sur le projet de loi et de voter contre afin de renverser le gouvernement, ce qui serait un contraste flagrant». Omar Cherkaoui estime également que le parti de la Balance devait plutôt appeler à l'application de l'article 105 de la Constitution, relatif à la mention de censure, au lieu de demander à El Othmani d'activer l'article 103. A propos des articles 103 et 105 de la Constitution de 2011 L'article 103 de la Constitution de 2011 énonce que «le Chef du Gouvernement peut engager la responsabilité du gouvernement devant la Chambre des Représentants, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote d'un texte». «La confiance ne peut être refusée ou le texte rejeté qu'à la majorité absolue des membres composant la Chambre des Représentants», poursuit-il. Selon cet article, «le vote ne peut intervenir que trois jours francs après que la question de confiance ait été posée» alors que «le refus de confiance entraîne la démission collective du gouvernement». Quant à l'article 105, il énonce : «La Chambre des représentant peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d'une motion de censure. Celle-ci n'est recevable que si elle est signée par le cinquième au moins des membres composant la Chambre. La motion de censure n'est approuvée par la Chambre des représentants que par un vote pris à la majorité absolue des membres qui la composent. Le vote ne peut intervenir que trois jours francs après le dépôt de la motion. Le vote de censure entraîne la démission collective du gouvernement. Lorsque le gouvernement est censuré par la Chambre des représentants, aucune motion de censure de cette Chambre n'est recevable pendant un délai d'un an.»