Dimanche soir, dans un live diffusé sur sa page Facebook, l'ancien chef du gouvernement n'a pas hésité à appeler les élus PJDistes à ne pas voter la loi-cadre sur l'enseignement. Rejoignant les positions exprimées par le MUR et l'UNMT, Abdelilah Benkirane a estimé qu'un vote de cette loi serait «une trahison des principes» du PJD. Alors que le Parlement s'apprête ce lundi à ouvrir une session extraordinaire pour adopter, entre autres, le projet de loi n° 51.17 sur la réforme du système de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique, Abdellah Benkirane a rompu dimanche le silence. Dans une sortie médiatique, l'ex-chef du gouvernement a tiré à boulets rouges sur le consensus des groupes parlementaires sur l'usage de langues étrangères pour l'enseignement des matières scientifiques. «Aujourd'hui je m'adresse à vous, tout en reconnaissant que je suis angoissé, car nous en sommes aux dernières étapes de ce qu'on appelle la loi-cadre», a-t-il déclaré, l'air mécontent, dans un nouveau live diffusé sur sa page Facebook. L'ancien secrétaire général du PJD a rappelé que ladite loi-cadre sur l'éducation devait être publiée lors de son mandat à la tête du gouvernement. «Les départements responsables du sujet m'avaient suggéré de laisser les élections passer avant d'adopter le texte, ce qui m'a surpris», lance-t-il sans donner d'avantage d'explications, laissant planer le suspens. Le vote du projet par les PJDistes, une «trahison» Il ajoute que le texte qui avait été convenu dans le passé aurait été transformé. «La formule transmise au Conseil des ministres et au Parlement n'est pas celle-ci, ce qui est regrettable et porte la responsabilité de ceux qui l'ont faite», dénonce-t-il. Abdelilah Benkirane a juré que s'il était chef du gouvernement, cette loi ne serait pas passée». «Ce n'est pas raisonnable que la nation n'étudie pas tous les sujets en arabe, qui est sa langue nationale et officielle, sans négliger l'amazigh. Ce n'est pas raisonnable de venir changer cela du jour au lendemain et de retourner à la langue du colonisateur. Je suspecte qu'il y ait derrière tout cela un lobby colonial.» Abdelilah Benkirane L'ancien chef du gouvernement ne manque pas de s'adresser aux parlementaires du PJD, les invitant à «ne pas voter en faveur du projet de loi». «Aujourd'hui, je suis responsable devant Dieu, ce qui m'oblige à m'adresser aux parlementaires en général, et aux députés de mon parti en particulier», explique-t-il, estimant que les élus de la Lampe «n'ont pas le droit de voter cette loi» et doivent laisser les autres partis le faire. Loi-cadre de l'Enseignement : Après l'Istiqlal, le PJD revoit lui aussi sa position «Je considérerai un vote de votre part comme une trahison des principes sur lesquels nous nous sommes mis d'accord le premier jour», enchaîne-t-il, toujours à l'intention des élus du PJD. «S'il est nécessaire de renverser le gouvernement et d'en former un autre, soit. Mais ne soyez pas de faux témoins. Je mets en garde nos parlementaires: votez contre ce texte, et laissez le PAM voter avec Akhannouch, car ce sont des commerçants politiques. Vous, vous êtes issus de la société pour la défendre.» Abdelilah Benkirane Benkirane sur les pas du MUR et de l'UNMT L'ex-patron du PJD s'est également adressé à son successeur. «Si le Parti de l'Istiqlal a eu l'honneur de l'arabisation il y a 30 ans, il ne faut pas que tu récoltes la honte de la francisation», a-t-il dit à l'adresse de Saâdeddine El Othmani. «Vous vous opposez ainsi à la Constitution du Royaume et à l'idéologie de notre parti», enchaîne-t-il, estimant qu'«aucun pays au monde n'utilise une autre langue dans l'éducation tout en réussissant une renaissance scientifique». «Je mets au défi tout expert ou agent de la France dans ce pays pour le prouver», conclut-il. L'ancien chef du gouvernement n'est pas le seul à critiquer la loi-cadre sur l'enseignement et la formation. Samedi, le bureau exécutif du MUR a exprimé, dans un communiqué, son «rejet absolu de toutes les décisions qui pourraient affecter le statut de l'arabe en tant que langue fondamentale dans l'enseignement aux côtés de l'amazigh». Le Mouvement d'Abderrahim Chikhi, qui «condamne fermement l'adoption de langues d'enseignement étrangère», n'a pas manqué de rappeler que les «faits et les expériences internationales» ont montré que les pays développés font appel à leurs langues nationales dans l'enseignement. De même, la Fédération nationale des fonctionnaires de l'enseignement, affiliée à l'Union nationale du travail au Maroc (l'UNMT), a également rejeté l'accord sur la loi-cadre relative à l'enseignement. La semaine dernière, la fédération, affiliée au bras syndical du parti de la Lampe, a critiqué «la francisation de l'enseignement aux dépens des langues officielles nationales au lieu de s'ouvrir sur les langues étrangères».