Voici une question qui n'est nullement exclusive aux ressortissants marocains en France mais concerne également d'autres immigrés vieux ou moins vieux. Si nous en parlons à propos des plus âgés c'est parce que par nature la vieillesse est intimement liée à la mort ou inversement. Elle s'offre encore comme une demande "flottante" mais qui traduit à la fois un désir et une appréhension. Désir d'intégration même dans la mort et appréhension d'une mort hors norme par rapport à une identité, à une culture et une religion. En pratique, cette demande porte sur le souhait de disposer de secteurs dans les cimetières répondant à des normes en cohérence avec des préceptes tout autant culturels que religieux. Le caractère facultatif laissé à l'appréciation des maires pour accéder à cette demande et qui ne prend appui que sur les termes de circulaires ministérielles à répétition en l'absence de texte législatif propre à ce problème, entraîne des réponses disparates géographiquement et politiquement. Or, cette demande où le choix d'avoir une sépulture dans l'hexagone par nos concitoyens musulmans est une preuve suffisante d'une intégration formelle et définitive. Il est évident que cet acte traduit non seulement les renoncements concédés par les immigrés sur ce chemin, mais également l'évolution de la tonalité même de leur demande. Sans compter qu'il ne s'agit pas seulement d'une demande spécifique de la population immigrée mais qu'elle concerne des concitoyens nés sur le sol de France et relève de l'absurdité de ne pas tenir compte de leur choix. L'enjeu dans cette demande est souvent renvoyé à son incompatibilité avec différents textes de lois qui interdisent la séparation des défunts dans les cimetières en raison de leur culte (loi du 14 nov.1881), soumettent les maires à une obligation de neutralité dans l'exercice de son pouvoir de police des funérailles et des cimetières (loi du 5 avril 1884) et enfin qui interdisent les signes ou symboles religieux dans les parties communes des cimetières (loi du 9 décembre 1905 dans son article 28). Les circulaires émanant du ministère de l'Intérieur qui se sont succédées sont fragiles juridiquement et imparfaites. Qu'elles émanent d'un souci réel de faciliter la vie/mort aux musulmans ou qu'elles procèdent de calculs politiciens, elles ne sont qu'une réponse a minima pour ne pas trop attirer le regard sur nos réalités ambiantes souffrantes au nom d'autres engagements pris en matière de libertés ou de sauvegarde des droits des citoyens. Le bon sens politique et une projection dans l'avenir devraient inspirer des actes et des réactions justes qui éviteraient l'installation insidieuse d'une discrimination/inégalité territoriale dans la réponse à cette attente en raison des pouvoirs conférés aux maires et qui, pour des raisons multiples peuvent accéder ou non aux requêtes de leurs administrés.. Plus encore, elle éviterait que nos concitoyens musulmans ne se sentent appartenir à une minorité opprimée ce qui n'est nullement contributif au vœu du vivre ensemble. Il y a très longtemps, j'avais avancé que le corps de l'immigré mort ou vivant était un corps encombrant. Propos sévère certes, mais accompagné sans faiblir par un optimisme têtu qui ne s'est jamais résigné à la disqualification sociale de ces générations. Visiter le site de l'auteur: http://www.gerontologie-migration.fr