Des marqueurs ADN mitochondriaux ont permis de déterminer les origines des macaques de Barbarie vivant à Gibraltar, l'unique zone européenne qui accueille ces mammifères. Ainsi, ils seraient issus, selon la revue américaine Atlas Obscura, d'un mélange entre populations marocaines et algériennes qui, d'habitude, «ne se mélangent pas à l'état sauvage». Le macaque de barbarie, espèce en danger figurant sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), ne vit pas exclusivement en Afrique du Nord. De l'autre côté de la Méditerranée, aux portes de l'Espagne, le rocher de Gibraltar abrite lui aussi une petite colonie de Macaca sylvanus, appellation scientifique de ces petits singes. Un fait qui a suscité la curiosité de la revue scientifique américaine Atlas Obscura, sachant que la vie végétale et animale sur le rocher de Gibraltar demeure assez limitée, avec quelques renards et des lapins et une bonne sélection de grenouilles et de lézards. Mais c'est sur ce territoire britannique aux portes de l'Espagne, et seulement sur ce territoire, que vivent environ 200 macaques de barbarie. Des macaques «importés» du Maghreb Pour répondre à la question relative aux origines de ces singes catarhiniens, qui constituent avec l'homo sapiens l'unique primate vivant en Europe, la revue américaine a mené son enquête pour déterminer les origines de ces primates, originaires du Maroc et de l'Algérie. Selon les explications fournies par Robert Martin, directeur de l'Institut d'anthropologie de l'université de Zurich, ayant également travaillé à Gibraltar, en particulier avec ces macaques pendant environ une décennie, c'est seulement sur le rocher de ce territoire britannique d'outre-mer que la population de macaques ne diminue pas et ce, depuis l'ère de Winston Churchill. Un macaque de Barbarie au Maroc. / DR La revue rappelle à cet égard la veille légende selon laquelle «tant qu'il y aura des macaques à Gibraltar, la péninsule restera sous le contrôle britannique». Elle rappelle qu'au cours de la Seconde Guerre mondiale, Winston Churchill s'était aperçu que la population de macaques avait considérablement diminué à Gibraltar. «Ne voulant pas donner l'apparence d'une faiblesse territoriale britannique, il décida d'importer tout un groupe de macaques de Barbarie d'Afrique du Nord», raconte-t-on. Les Britanniques ne voulaient pas laisser savoir aux Allemands que la colonie, cédée par l'Espagne au Royaume-Uni en 1713, était en train de «disparaître». Les origines déterminées grâce à des marqueurs ADN mitochondriaux Durant son expérience à Gibraltar, Robert Martin s'est intéressé à ces macaques de très près. Selon lui, les tests ADN de ces singes ont montré des choses très curieuses. Bien que les chercheurs aient appris que les singes importés étaient venus spécifiquement du Maroc, les tests, en revanche, ont montré des marqueurs ADN mitochondriaux issus de populations de singes marocains et algériens. Ce qui est fascinant, c'est que d'habitude, les espèces marocaines et algériennes de macaques «ne se mélangent pas à l'état sauvage, même s'ils en sont parfaitement capables». Si chacune de ces espèces se préservent jalousement vis-à-vis de l'autre, il semblerait donc qu'à Gibraltar, le croisement entre les macques marocains et algériens ait fini par se produire. Des macaques de Barbarie à Gibraltar. / Ph. Atlas Obscura De plus, l'ADN mitochondrial démontre aussi que tous les ancêtres possibles de la population de Gibraltar se trouvaient au Maroc et en Algérie. «En d'autres termes, ces singes sont entièrement issus de macaques africains importés alors qu'il est extrêmement improbable qu'ils représentent une éventuelle population européenne ayant hypothétiquement survécu», affirme la revue américaine. Robert Martin pense aussi que «les macaques naturels de l'Europe ont disparu depuis longtemps et qu'un génie a décidé d'amener quelques macaques marocains ou algériens à Gibraltar avant que la population ne grandisse». Le chercheur indique également que la population actuelle pouvant doubler tous les cinq ans, le gouvernement local intervient souvent pour la maintenir au-dessus de 200 macaques. Il déplore aussi les «collations moins saines» offertes par les touristes à ces animaux, malgré les panneaux qui les implorent de ne pas les nourrir.