Il y a deux ans, la menace pesant autour du macaque de barbarie au Maroc occupait régulièrement les colonnes de Yabiladi. Aujourd'hui, les faits sont toujours d'actualité. Dans une interview accordée au site d'information écologique Mongabay, le Dr Sian Waters tire une fois de plus la sonnette d'alarme, appelant à la sauvegarde de cette espèce protégée en voie de disparition. Selon elle, la promotion du tourisme au détriment de l'environnement en serait la principale cause. Détails. «Dans le nord [du Maroc, ndlr], la principale menace [à laquelle fait face le macaque de barbarie] c'est le développement du tourisme qui se fait sans penser à l'environnement», affirme le Dr Sian Waters dans une interview accordée au site écologique Mongabay. Cette experte tire la sonnette d'alarme sur la nécessité de renforcer les moyens de protection de cette espèce en voie de disparition. Directrice du projet Barbary Macaque Awareness and Conservation (BMAC) qu'elle a lancé dans le Rif en 2009 en même temps que son projet de recherche doctorale sur le macaque de Barbarie, le Dr Sian Waters sait de quoi elle parle. «L'exploitation ouverte de macaques dans des endroits comme Jemaâ el Fna à Marrakech est tolérée par les autorités en raison de l'importance des recettes touristiques dans le pays», remarque-t-elle, regrettant qu'il en soit ainsi. D'ailleurs ce fait a toujours scandalisé les défenseurs de la protection des espèces en voie de disparition, qui l'ont dénoncé avec force il y a deux ans. Pas de prise de conscience Rappelons qu'en juillet 2013, un responsable au Haut-Commissariat aux Eaux et Forêts révélait à Yabiladi que la loi autorisant l'exposition des espèces protégées à Jemaâ el Fna était en attente d'un décret d'application, mais deux ans plus tard, rien de nouveau ne filtre à ce sujet. Nous avons tenté de joindre le Commissariat pour savoir ce qu'il en est à présent mais sans succès. Le Dr Sian Waters déplore également «le manque de sensibilisation du public marocain sur les différentes mesures et le bien-fondé de garder un macaque comme animal de compagnie». Selon elle, c'est cette lacune qui encourage le trafic illégal de cet animal également appelé singe magot, surtout dans les montagnes de l'Atlas. «Il y a un manque général de prise de conscience parmi les Marocains en matière de conservation de la faune. Même quand ils souhaitent agir, ils n'ont aucune idée de qui contacter quand ils voient un macaque détenu illégalement», explique la chercheure, soulignant que BMCA sert justement d'«intermédiaire» entre les témoins de méfaits et les autorités pour y mettre un terme. Une considération sérieuse de la question peut tout changer Elle rappelle à titre d'exemple l'incident qui a failli récemment se produire dans une boîte de nuit casablancaise qui prévoyait, en partenariat avec le zoo de Casablanca, une nuit de cirque avec des animaux rares. «Grâce à l'information des militants de défense des animaux, nous avons été en mesure d'agir, en informant les autorités et la boîte de nuit que ce qu'ils avaient l'intention de faire était illégale. Inutile de dire que l'établissement a immédiatement changé ses plans», confie la scientifique britannique. D'après le Dr Sian Waters, il temps que le Maroc s'attarde sérieusement sur la question de la sauvegarde du macaque de barbarie. Pour sa part, elle prépare avec son équipe l'ouverture d'un centre de recherche et d'éducation à Bouhachem (dans la région de Tanger-Tétouan) qui accueillera les gens de partout au Maroc. «Avec le mouvement de protection des animaux en plein essor au Maroc, nous croyons que l'opinion publique finira par faire que l'exploitation commerciale des macaques et autres animaux sauvages devienne socialement inacceptable», espère la scientifique britannique. Quand la culture du cannabis chasse les singes magots Depuis le début de son étude autour du singe magot marocain en 2004, le Dr Sian Waters a observé le danger que représente la culture du cannabis pour les macaques de barbarie au nord du Maroc. « Au fil des années, la population macaque subit des pressions de la culture du cannabis. Les agriculteurs veulent cultiver autant de kif que possible, du coup, ils veulent abattre les arbres de la forêt et labourer les pentes des montagnes, même très raides. Cela provoque une grave érosion. La nécessité d'une grande quantité d'eau pour la culture se révèle problématique pendant l'été lorsque la pluie est très rare. Ainsi les groupes de macaques vont se réfugier plus haut dans les montagnes où ils sont plus susceptibles d'être affectés par des facteurs climatiques », explique-t-elle.