Réunies les 8 et 9 décembre à Marrakech, une quinzaine d'associations marocaines et étrangères ont tenu leur Sommet des peuples pour un Pacte mondial de solidarité avec les migrant·e·s et les réfugié·e·s. A l'issue de cette rencontre, elles publient une déclaration proposant un texte alternatif au Pacte migratoire de l'ONU. Regroupant des associations de la société civile opposées au Pacte de l'ONU pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, le Sommet des peuples pour un Pacte mondial de solidarité avec les migrant·e·s et les réfugié·e·s s'est tenu à Marrakech les 8 et 9 décembre, à l'initiative de la coordination internationale agricole La Via Campesina. A l'issue de cette rencontre, les participants ont publié une déclaration pour proposer un Pacte international de solidarité et d'unité d'action pour les droits des migrant·e·s et des réfugié·e·s. Elle est notamment signée par l'Association marocaine des droits humains, le Collectif des femmes migrantes au Maroc et l'Association des refoulés d'Afrique centrale au Mali, entre autres. Pour les organisateurs, la gestion internationale de la migration revêt actuellement de sombres aspects, telle que l'exploitation des migrants à travers des travaux sous-payés, notamment dans le secteur de l'agriculture et du travail rural, ou encore l'expropriation des terres à des fins industrielles, poussant des populations à la migration forcée. «Cette situation ne peut être comparable qu'aux pires moments de la brutale conquête colonialiste du Sud, ayant été motivée par l'extraction des ressources naturelles et l'accumulation du capital aux mains d'une poignée d'Etats du Nord», décrivent-ils en introduction de leur pacte, dont Yabiladi a obtenu la version finale. Une réponse sécuritaire des Etats Dans leur texte, les signataires constatent que «les inégalités et la marginalisation se joignent à la pauvreté et à la misère», comme le rappellent les «morts dans la Méditerranée, dans les déserts du Sahara et du Sud-est entre les Etats-Unis et le Mexique». En réponse à cette crise, ils constatent que les Etats «prennent en otage de nombreux pays du Sud en imposant leurs politiques économiques et migratoires», notamment à travers la répression de la migration ou encore «la militarisation des frontières» et «la prolifération des murs et des centres de détention». Le pacte souligne que cette politique constitue une «continuité de mise en œuvre par les Etats de politiques néolibérales au service des multinationales et du capital financier», qui «pillent les peuples, exploitent des millions d'êtres humains et s'approprient, de façon illégitime, les biens communs comme la terre, l'eau, les forêts, les semences, le savoir et les cultures». Un processus accompagné, surtout en Europe, d'une montée de forces politiques identifiées «aux idées fascistes, notamment au sein des gouvernements, des institutions et de la vie publique». Carlos Marintez, coordinateur du collectif migration et travailleurs ruraux au sein du comité international de La Via Campesina, explique à Yabiladi que «le pacte migratoire des Etats est signé, mais pour continuer la lutte et donner plus de droits aux migrants, cette déclaration propose un texte alternatif, mettant au centre les valeurs de justice sociale, d'égalité et de souveraineté alimentaire, telles que défendues au sein de La Via Campesina». Lui-même ressortissant mexicain ayant émigré aux Etats-Unis il y a plus de quarante ans, où il a créé l'association Border Farm Workers, il souligne que «les migrants et les réfugiés sont les vrais protagonistes du changement». Une alternative au Pacte de Marrakech Dans leur déclaration, les associations indiquent que le pacte onusien «ne représente pas un changement» des politiques hostiles à la migration. Elles considèrent même ledit texte «comme un recul en matière de droits humains, de protection des migrant·e·s et de leurs familles, tels que prévu par les conventions internationales déjà approuvées par les Nations unies et d'autres institutions, dont l'Organisation internationale du travail (OIT)». De plus, ce pacte propose une organisation des mouvements migratoires «au service des multinationales» et des «détenteurs des grands capitaux financiers». «Mis à part quelques mentions, l'essence des droits humains est écartée de ce texte, au profit des préoccupations sécuritaires des Etats et des économies», ajoutent-t-ils. En alternative, les signataires déclarent proposer un texte renforçant la solidarité des peuples, rappelant que ce principe a été confirmé par «l'approbation récente de la Déclaration des Droits des paysans à l'ONU, ainsi que la Convention pour les droits des peuples autochtones ou les directives sur la gestion du foncier à la FAO». Ainsi, l'idée est de favoriser «la souveraineté alimentaire des peuples, en rendant possible la construction d'économies locales durables, solidaires et justes, tout en reconnaissant aux populations leur droit à vivre dignement dans leurs territoires sans se voir obligées à un type de déplacement forcé». Coordinateur au sein de La Via Campesina dans la région MENA, Mohamed Hakach nous confie que «cette déclaration est le résultat d'un travail de plusieurs mois, à travers lequel nous considérons le Pacte de Marrakech comme nul et non avenu». «A travers cette déclaration, nous nous engageons à travailler pour élaborer un pacte solidaire qui réaffirme les droits des peuples et les droits humains, tout en pointant du doigt le capitalisme et les politiques déshumanisantes qui en découlent, comme l'origine majeure de la situation actuelle des migrants dans le monde», nous explique l'ancien secrétaire général de la Fédération nationale du secteur agricole (FNSA). «Nous allons accuser les Nations unies, qui malheureusement ont fait passer un pacte mettant en cause les conventions et les principes des droits humains que l'ONU reconnaît elle-même. A terme, nous avons donc bien l'intention de lui soumettre notre Pacte alternatif.» Mohamed Hakach Les signataires de la déclaration affirment enfin que «le respect des droits humains et la responsabilité globale des Etats devrait empêcher la criminalisation, la répression ou la rétention des personnes migrantes pour le simple fait de l'être, aussi bien lors de leur parcours migratoire que dans leur pays de destination et d'installation». Autant de valeurs qui pour une mise en œuvre, leur pacte alternatif exige «un effort unifié internationale de la part des mouvements, des organisations, des collectifs et des forces sociales». Ils lancent ainsi un appel «à toutes les personnes et organisations» opposées au Pacte de Marrakech à soutenir «un pacte de solidarité et d'unité visant la défense et la création de droits en faveur des migrant.e.s et des réfugié.e.s». Article modifié le 2018/12/11 à 14h03