Les mains tendues se suivent et... restent en l'air. Le Maroc et l'Algérie cultivent depuis longtemps un véritable dialogue de sourds. Dernier en date, l'appel royal du 6 novembre dernier, resté sans réponse. Le «refus» algérien de répondre à l'appel royal du 6 novembre pour l'ouverture d'un dialogue franc et direct ne constitue qu'un enième épisode du long feuilleton du dialogue de sourds entre les deux pays voisins. En juin 2013, Alger avait choisi de décliner l'offre de Saadeddine El Othmani, alors ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement Benkirane I, de tourner la page de plus de quatre décennies de tensions. A l'occasion de son voyage à Alger, fin janvier 2012 -le premier qu'il effectuait à l'étranger juste après sa nomination-, il avait suggéré aux «frères» algériens de laisser de côté les questions du Sahara et la fermeture des frontières et se consacrer sur des sujets moins sensibles. Une proposition jugée nulle et non avenue par le voisin de l'Est. Et d'exiger de Rabat, par la voie de l'ancien porte-parole du ministère des Affaires étrangères algérien, de remplir trois conditions avant toute normalisation des relations, à savoir : l'arrêt de la campagne médiatique hostile, mettre un terme à «l'infiltration massive de drogue» et admettre son soutien du Polisario. Des conditions ayant soulevé l'ire à Rabat. Le Maroc a dénoncé «vivement ces positions anachroniques dans leur démarche et injustifiées dans leur substance», fustigeait le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. Un texte qui avait sonnait le glas de la politique d'ouverture initiée une année auparavant par SaadeEddine El Othmani. Retour à la case départ. De 2013 à 2018, les deux pays frères sont restés dos à dos, préférant acter l'impossibilité d'un dialogue. Les responsables algériens, pour qui l'affaire étaient entendue, n'ont cessé de réitérer les mêmes conditions qui avait provoqué l'ire de Rabat. Le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia, Mourad Medelci, ancien chef de la diplomatie et son successeur Abdelkader Messahel ou encore l'ex-ministre de l'Intérieur, Dahou Ould Kabila sont tous restés sur la même ligne. L'exception de 2005 Si le Maroc a été à l'initiative en 2013 et dernièrement en novembre 2018, Alger avait tenté une relance des relations bilatérales en 2005. A quelques mois du sommet de la Ligue arabe de mars 2005 organisé à Alger, le président Abdelaziz Bouteflika n'avait pas tari d'éloges sur l'intégration maghrébine et du rôle déterminant du Maroc dans la réalisation du projet, sans oublier la promesse de redynamiser les relations entre les deux pays. Un ensemble d'initiatives destinées essentiellement à convaincre le roi Mohammed VI d'assister à la réunion. Mais une fois le sommet passé, les relations bilatérales se sont à nouveau tendues. En réponse à cet espoir déçu, Rabat répliquera en refusant de recevoir le Premier ministre de l'époque, Ahmed Ouyahia, qui préparait une visite en juin 2005 au royaume. Sur les 19 dernières années, avec l'élection de Abdelaziz Bouteflika comme président de l'Algérie (27 avril 1999), puis l'intronisation du roi Mohammed VI (23 juillet 1999), rares ont été les occasions d'une réelle reprise du dialogue entre les deux pays voisins. La dernière main tendue par Rabat, laissée en suspens, entérine cette logique de dialogue de sourds.