Les établissements de santé marocains -privé et public confondus- sont en bien mauvaise posture. La corruption y est monnaie courante, banalisée, et implique aussi le patient que le personnel de santé. Selon une étude de l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC), 53% des pots-de-vin sont délivrés à l'admission dans un centre hospitalier. Casablanca et Rabat sont les villes où la corruption est la plus scandaleuse. Qui n'a jamais eu à glisser au moins un billet de 20 dhs pour éviter les longues files d'attente dans un hôpital ? Le ministère de la santé, qui n'ignore pas ce qui se trame dans les couloirs de ses hôpitaux a appelé au secours l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC). Les résultats de l'étude menée par l'ICPC pour quantifier cette pratique sont frappants. Rien qu'on ne savait déjà, mais mettre des chiffres sur cette réalité laisse perplexe. Casablanca et Rabat, les plus «contaminées» Ainsi, sur les 3 500 sondés, près de 53% déclarent devoir allonger les billets de banque afin d'être admis dans un centre hospitalier. L'accueil, l'information et l'orientation ainsi que la délivrance de certificats sont les services les plus concernés. Et la palme des hôpitaux les plus corrompus revient à Casablanca avec un taux de corruption de 33%, suivie par Rabat (32%). La capitale arrive par ailleurs première en délivrance de faux certificats médicaux rétribués, ainsi 72% des cas sont touchés par la corruption. Arrive ensuite l'admission aux établissements de soins qui est de 59% et à la planification des interventions chirurgicales à hauteur de 55%, qui est beaucoup plus répandue à Casablanca. La ville d'Oujda est la moins touchée par la corruption. Des infirmiers pas tout blancs Près de 45% des patients disposant d'une couverture médicale ont été amenés à verser des pots‐de‐vin. Les majors et infirmiers sont les premiers pointés du doigt. Les agents de la sous‐traitance comme les femmes de ménage, les agents de sécurité sont désignés comme intermédiaires dans une opération de corruption. Selon les patients interrogés, dans les 63% de fois où ils ont vécu une expérience de corruption, celle-ci impliquait des infirmiers, 16% impliquait directement des médecins. Les pots-de-vin, selon le service réclamé, varient de 20 dhs à 200 dhs. Dans les cas d'interventions lourdes ou chirurgicales, le montant demandé dépasse les 5 000 dhs. Sur les 55% de pots-de-vin versés à la demande du personnel soignant, près de la moitié se révèlent être des demandes explicites. Aussi on se demande si dans les 45% de cas restant, les patients seraient à l'origine de l'acte de corruption ? Le corrupteur aussi responsable que le corrompu «Le citoyen est souvent l'élément déclencheur des actes de corruption, sa complicité rend difficile l'identification des niveaux d'implication des acteurs de la corruption.» explique ce directeur d'un Centre hospitalier public à Casablanca interrogé dans le cadre de l'étude de l'ICPC. Si le staff des hôpitaux est toujours désigné en coupable, le patient lui n'est pas tout à fait innocent. Le patient est souvent friand de privilèges, de passe-droits et lorsqu'il s'agit de sa santé, il y met le prix ! Des pots-de-vin sous formes de cadeaux suite à une opération réussie ou un service rendu est d'usage. D'ailleurs 23% des sondés avouent avoir été à l'origine d'un acte de corruption. Le patient à également perdu confiance dans les services de santé. Ce qui le pousse à interpréter tout signe du personnel hospitalier peut être un sourire ou une plaisanterie, un message d'accueil […], une application rigoureuse des procédures...etc qu'il perçoit comme une «pression morale ou une incitation implicite à la corruption». Le ministère de la santé, conscient de l'ampleur du phénomène, fait montre de bonne foi en signant un accord de partenariat avec l'ICPC. Un numéro de téléphone de «centre d'écoute pour la lutte contre la corruption» a également été mis à la disposition des patients sur le site web du ministère.