L'enquête que vient de livrer le cabinet Mazars à l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC) sur le secteur de la santé est riche d'enseignements. On apprend ainsi que trois personnes sur dix soutiennent avoir recours à une forme ou une autre de corruption. Ce chiffre témoigne de l'ampleur du phénomène de la corruption aussi bien en milieu urbain que rural. S'il y a corrompus, c'est qu'il y a, bien évidement des corrupteurs. C'est là où réside la principale difficulté. Parmi les sources profondes de ce mal, les contraintes inhérentes à la problématique même de la santé et qui selon l'étude sont posées par «une démographie croissante, une situation épidémiologique marquée par des maladies transmissibles à forte létalité, une offre de soins très peu développée et concentrée dans les grandes agglomérations, un sous-encadrement en personnel médical et paramédical, une insuffisance chronique de financement et enfin des structures organisationnelles d'administration inadaptées». Accès inéquitable Conséquence, «ces déficits se traduisent pour le patient par un accès insuffisant et inéquitable, une mauvaise qualité et une inefficacité des services de soins», ce qui, du coup, favorise l'émergence de différentes pratiques de corruption. Bien que le secteur privé ne soit pas épargné, c'est dans le secteur public qu'on assiste à la généralisation de ces pratiques, qui prennent l'aspect de rétributions indues, de pots-de-vin ou de favoritisme, de gratification, de traitement abusif, de sur-tarification ou de facturation frauduleuse, de détournement de deniers ou de biens publics, et d'accaparement du temps, du matériel et des locaux à titre privé. Les formes de corruption relevées par l'étude sont légion dans nos hôpitaux et nos dispensaires. On peut cependant les classer en trois catégories distinctes, les pots-de-vin, l'assistance de personnes influentes et les avantages en nature avec une prépondérance des pots-de-vin et des petits pourboires qui «constituent la forme de corruption la plus observée dans les établissements de soins». Selon les professionnels de la santé, «cette forme de corruption est généralement déclenchée par les citoyens». Les montants des pots-de-vin sont dans 75% des cas inférieurs à 100 DH, alors que la prépondérance des montants compris entre 20 et 50 DH, a été pointée du doigt par les répondants ayant servi de base à l'enquête. Les petits pourboires, de moins de 20 DH, sont plus répandus dans les hôpitaux publics. Selon l'étude, la planification des interventions chirurgicales est le dispositif qui coûte le plus cher en matière de corruption, aussi bien au niveau des établissements de soins publics que privés. Une autre difficulté réside dans le fait que la grande partie des personnes ayant recours aux pratiques de corruption ne sont même pas conscientes qu'elles amplifient par là le phénomène. C'est la raison pour laquelle, parmi les mesures phares préconisées pour la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la corruption figurent la sensibilisation ou l'instauration d'un numéro vert pour dénoncer les contrevenants. À ce titre, l'étude insiste sur le suivi opérationnel des efforts qui seront mis en œuvre afin de garantir l'efficacité de l'approche qui tourne avant tout à un changement de comportement au niveau de la population.