Ce corps d'experts indépendants, chargé de contrôler l'application de la Convention internationale des droits de l'enfant de l'ONU, estime que le Maroc ne remplit pas ses engagements, malgré les recommandations maintes fois émises à son égard ces dernières années. L'avocat espagnol Jorge Cardona Llorens, également membre du Comité sur les droits de l'enfant (CRC) de l'ONU, a déclaré hier que le Maroc «ne remplit pas toutes ses obligations» en matière de protection des mineurs non accompagnés. Un constat qui intervient alors que des recommandations ont été émises à son égard ces dernières années afin d'améliorer les politiques relatives à l'enfance, rapporte l'agence EFE. «Lorsque [les autorités marocaines] freinent les sorties [des mineurs] du territoire, elles ne font que les maintenir dans la rue et ne remplissent en aucun cas leurs obligations», a déploré Jorge Cardona Llorens lors d'un forum consacré au droit au logement et à la protection de l'enfance et de l'adolescence, à l'Université pontificale de Comillas, à Madrid. «Or, la solution pour ces enfants n'est pas qu'ils restent dans la rue, mais qu'ils soient pris en charge par les institutions», a-t-il ajouté. «Le Maroc ne pense pas que la meilleure chose qui puisse arriver à un enfant soit de monter à bord d'une embarcation pour aller en Espagne, mais [le fait de les laisser dans la rue] n'est pas non plus une solution», a encore regretté Jorge Cardona Llorens. Il estime par ailleurs que l'un des obstacles qui entravent la protection de l'enfance au Maroc réside dans l'absence du processus d'adoption, au profit de la kafala, une procédure spécifique au droit musulman qui interdit l'adoption plénière et s'oppose en général à la procédure d'adoption au nom de la famille. Des partenaires européens loin d'être irréprochables Si la protection des mineurs marocains non accompagnés fait état de nombreux dysfonctionnements et manquements, il faut dire que le Maroc, la France et l'Espagne semblent passés maîtres dans l'art de se refiler la patate chaude. Les autorités espagnoles et françaises sont en effet elles-mêmes peu enclines à respecter leurs engagements internationaux. Récemment, le Maroc s'est montré disposé à prendre en charge le rapatriement des mineurs marocains qui émigrent seuls en Espagne. L'Andalousie et la ville autonome de Melilla, dépassées par ces arrivées, ont maintes fois réclamé le retour des mineurs marocains dans leur pays. Cette gestion semble pourtant peu conforme au droit international, qui stipule qu'un mineur non accompagné «ne peut être renvoyé que si cette démarche est accomplie dans l'intérêt supérieur de l'enfant et si une protection appropriée est disponible». Or, c'est justement ce prérequis qui inquiète les ONG espagnoles de protection de l'enfance et de défense des migrants. Elles craignent que la proposition du gouvernement andalou de réactiver un protocole entre le Maroc et l'Espagne, datant de 2007 mais quasiment jamais appliqué, facilite l'expulsion des migrants mineurs alors que les conditions de leur retour ne seraient pas garanties. «Beaucoup de ces enfants vivaient déjà dans la rue au Maroc. D'autres ne peuvent être accueillis par leurs familles en raison du manque de ressources», s'inquiétait le directeur de Save The Children en Espagne, Andrés Condé. La France tend elle aussi à contourner le droit international. Du 18 juin au 24 juillet, quatre agents marocains ont été en mission à Paris à la demande des autorités françaises, afin de participer sur le terrain, aux côtés de la police, à l'identification de mineurs marocains non accompagnés «expulsables». Ce déploiement a été encadré par un arrangement administratif entre les ministères de l'Intérieur des deux pays, après une réunion, le 11 juin dernier, entre le préfet de police de Paris et l'ambassadeur du Maroc en France. Les agents marocains avaient pour mission d'«auditionner les mineurs isolés marocains et de recueillir des informations permettant de lancer des investigations en vue de leur identification et de leur retour au Maroc», d'après le compte rendu de la réunion.