Depuis la prise de fonctions de Matteo Salvini à la tête du ministère de l'Intérieur, l'Italie épouse l'idéologie de l'extrême droite sans complexe aucun. Les migrants et les étrangers sont les premiers à en faire les frais, au risque de faire dévier le pays vers une politique autoritaire. En Italie se réveillent les stigmates d'une époque que l'on espérait révolue. Le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, a annoncé qu'il souhaitait modifier un décret sur la sécurité pour imposer la fermeture, dès 21h, des épiceries et autres petits magasins tenus par des étrangers, indique L'Express. «Ce n'est pas une initiative contre les magasins étrangers, mais pour limiter les abus et les irrégularités de certains magasins – presque tous gérés par des citoyens étrangers – qui sont devenus des refuges pour ceux qui troublent l'ordre public», a expliqué jeudi dernier Matteo Salvini lors d'un Facebook Live. Pour cette figure de proue de l'extrême droite italienne, très proche de Marine Le Pen, les épiceries appartenant à des étrangers seraient devenues «des lieux de rencontre pour des ivrognes, dealers et autres fauteurs de troubles». Il ajoute que dans ou à proximité de ces lieux, «il y a des gens qui boivent de la bière et du whisky jusqu'à 3 heures du matin et [se soulagent] aux portes des maisons [voisines]». Cette proposition – si elle n'en est qu'à ce stade – s'inscrit parmi un éventail de mesures hostiles aux migrants, aux étrangers et aux Roms, à propos desquels Matteo Salvini préconisait un «nettoyage de masse, rue par rue, quartier par quartier». Sur le modèle du Rassemblement national (ancien FN) en France, celui qui est également vice-Premier ministre avait fait de l'immigration une thématique phare de sa campagne, pour ne pas dire son cheval de bataille. Par sa prise de fonctions en juin dernier, il n'aura fait que concrétiser ses promesses. «Ce n'est pas ça, l'Italie !» Dernière en date : samedi 13 octobre, Matteo Salvini a ordonné le transfert vers des centres d'hébergement de migrants accueillis dans le village de Riace (Calabre) par le maire Domenico Lucano, d'après Le Monde. Ces dernières années, l'édile avait mis en place une politique favorable à l'accueil des réfugiés pour tenter d'insuffler un nouveau souffle à son village, en proie à la désertification (moins de 2 000 habitants) et à une activité économique morose. Désormais assigné à résidence, Domenico Lucano est soupçonné d'aide à l'immigration clandestine et d'irrégularités dans l'octroi des financements pour le ramassage des ordures de son village. Des soupçons de mariages blancs dans sa commune pèsent sur lui, entre des habitants de Riace et des migrants pour leur faciliter l'octroi d'un titre de séjour. La décision de ce transfert a suscité un tollé en Italie. Laura Boldrini, ex-présidente de la Chambre des députés, s'est ralliée aux soutiens du maire de Riace. «Je connais Mimmo Lucano depuis de nombreuses années, je connais son infinie générosité et son engagement total envers les autres. J'irai à Riace renouveler ma solidarité avec le maire (…) car je suis sûre qu'il prouvera être étranger aux faits qui lui sont reprochés», a-t-elle déclaré. L'ancien Premier ministre, Enrico Letta (2013 - 2014) y est quant à lui allé de son tweet : «Ce n'est pas ça l'Italie ! Les articles 3 et 10 de la Constitution, c'est ça l'Italie.» Lodi e Riace, due facce stessa medaglia, la #vergogna. Non è questa l'Italia! Gli articoli 3 e 10 Cost. sono l'Italia. #PrimalaCostituzione — Enrico Letta (@EnricoLetta) 14 octobre 2018 L'article 3 de la Constitution italienne garantit en effet le droit à la «dignité sociale» et l'égalité devant la loi, «sans distinction de sexe, de race, de langue, d'opinions politiques et de conditions personnelles et sociales». L'article 10 stipule quant à lui que tout étranger «empêché dans son pays de jouir de l'exercice effectif des libertés démocratiques garanties par la Constitution italienne, a le droit d'asile sur le territoire de la République, dans les conditions prévues par la loi». Des dispositions constitutionnelles balayées d'un revers de main par Matteo Salvini, à travers une politique résolument xénophobe dont ses partisans se font les relais à l'échelle locale. La maire de la commune de Lodi (nord, près de Milan), Sara Casanova (Ligue, extrême droite), a décidé de restreindre l'accès à la cantine des enfants étrangers. Ces derniers ne peuvent bénéficier du tarif réduit «que si leurs parents peuvent prouver qu'ils n'ont pas de biens dans leur pays d'origine», rapporte Courrier international, qui cite un reportage de l'émission Piazza Pulita diffusé sur la chaîne La 7. Force est de constater qu'on est donc bien loin des articles 3 et 10 de la Costituzione.