Inspirées par ces femmes qui ont battu le pavé à Toronto en avril dernier, légèrement vêtues, pour protester contre le machisme, des jeunes marocaines organisent à leur tour une «SlutWalk» nationale, rebaptisée «woman-shoufouch». «Parce qu'on en a marre» d'être harcelées dans la rue, écrivent-elles sur le groupe facebook de l'évènement, ces femmes attendent une autorisation de manifester pour le mois d'octobre prochain. Retour sur la naissance de ce mouvement au Maroc et sur ses motivations. «Woman-shoufouch» c'est le fameux «SlutWalk» à la sauce marocaine. L'évènement annoncé depuis quelques semaines déjà, avait rapidement enclenché le débat. Si le concept séduisait, l'appellation gênait, et bloquait un certain nombre de sympathisants, car «SlutWalk» veut dire littéralement la «marche des salopes». D'où la rebaptisation en «woman-shoufouch», expression utilisée par les hommes pour «draguer» les femmes marocaines. Une marche pour la dignité et le respect des femmes «Je ne sais pas si on peut appeler ça draguer, parce qu'en fait ces hommes ne t'interpellent pas dans le but de faire ta connaissance en réalité, explique Nadia, étudiante, t'es juste une chose habillée en jupe qui marche et ils croient pourvoir tout se permettre». La rue, longtemps considérée comme le terrain des hommes, est aujourd'hui revendiquée par les femmes également. «Nous devons donner une chance à la prochaine génération de pouvoir marcher dans les rues en se sentant en sécurité et respectées, ce qui n'est pas le cas des femmes marocaines actuellement.» indique Majdouline Lyazidi, une des organisatrices de la marche, sur Slateafrique. Après l'obtention d'une autorisation attendue pour octobre prochain, «chacune de nous marchera habillée comme bon lui semble», souligne Tifawt Belaid, modératrice du groupe facebook de l'évènement, mais «il ne s'agit pas de défiler à moitié nues!» précise Lyazidi. Car «aucune femme, jeune ou moins jeune, voilée ou non, seule ou accompagnée, n'est à l'abri de commentaires offensants dans la rue, d'une main baladeuse, voire pire, bien pire…», peut-on lire sur la description du groupe. «Il faut que la honte change de camps» Très critiqué au début et taxé de «pâle imitation», même par des femmes qui supportent la cause, le concept a été révisé : «On veut que ce soit une version marocaine […] qu'elle convienne à la culture et aux valeurs de notre communauté. Mais pour être franche, c'est dur de trouver un nom aussi accrocheur que SlutWalk!», avoue Lyazidi. La «SlutWalk» est née, en effet, à Toronto en avril dernier, quand quelques mois plus tôt, en janvier 2011, un policier avait dit que «Les femmes devraient éviter de s'habiller comme des salopes si elles ne veulent pas se faire agresser». Après celle de Toronto, la «SlutWalk» s'est répandue comme une trainée de poudre dans plusieurs pays, jusqu'à atterrir au Maroc. Pour Majdouline Lyazidi, la «SlutWalk» a été «une prise de conscience». «En grandissant, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi la société continuait à nous instiller la mentalité du «ne te fais pas violer» au lieu de «tu ne violeras pas», ce qui ancre un processus sans fin de culpabilisation de la victime, avec ses «elle le cherchait bien»», dénonce Majdouline. «Il faut que la honte change de camps», martèle Lyazidi. Le groupe facebook compte aujourd'hui plus de 3900 membres. Y en aura-t-il autant dans les rues, si jamais le «woman-shoufouch» décroche l'autorisation de manifester en octobre?