Qu'un homme harcèle une femme dans la voie publique est toujours perçu comme étant normal, malgré les nombreuses lois qui incriminent ce comportement. Woman Choufouch est une initiative qui vient contester ces comportements à travers une marche qui a un peu trop tardé. La fondatrice du mouvement Majdoulin Lyazidi semble tenir à cœur à cet engagement, celui de faire de nos rues un lieu plus sûr pour les femmes de notre pays. Al Bayane :Alors pour quand finalement cette marche ? Et pourquoi ça a pris trop de retard ? Majdoulin Lyazidi : Lorsque j'ai lancé l'initiative et que nous nous sommes constitués en noyau de travail avec les autres membres, nous voulions marquer le coup en organisant notre marche le 2 octobre, journée internationale de la non-violence. Nous ignorions à ce moment-là qu'il nous fallait un statut juridique pour demander l'autorisation. Ceci s'est passé en août 2011. Nous avions lancé l'initiative dans l'immédiat, parce que les Slutwalk (au Canada) en fait ont été un déclic pour moi. Donc pour que nous puissions avoir une autorisation, nous avions 2 options: soit nous constituer en association soit nous faire parrainer par une association, nous avons opté pour le 2ème choix. Des rumeurs avaient couru que l'on allait marcher le 25 novembre, ces rumeurs étaient fausses malgré que la date soit symbolique puisque le 25 novembre est la journée internationale contre les violences faites aux femmes au Maroc. Cette date concernait les élections législatives. Donc il n'a jamais été question de cette date-là. Nous avons décidé depuis le mois d'octobre de reporter la marche à début 2012. Le temps de trouver une association qui nous parraine et de mobiliser et sensibiliser les gens par rapport à la cause que nous défendons. Donc quand est-ce que la marche aura lieu exactement? Si nous parvenons à avoir une autorisation, en mois d'Avril. Mais toujours pas de date exacte. Vous aviez changé le nom de votre marche de Slutwalk Morroco à Woman Choufouch, c'était pour éviter une quelconque provocation ? Nous n'avons pas opter pour le nom woman choufouch pour éviter la provocation! Le nom de SlutWalk est parmi les facteurs qui ont contribué au buzz qui s'était déclenché Nous avons changé le nom simplement parce qu'il ne s'agissait pas de transposer un modèle occidental au Maroc mais plutôt de parler d'un vécu de Marocaines, qui vivent au Maroc dans une société marocaine... Donc normal de changer de nom! Mais surtout, nous voulions un nom qui puisse parler à tout le monde, de la fonctionnaire en passant par l'étudiante pour arriver à la ménagère de même pour la gente du sexe opposé Votre initiative revêt-elle un aspect, une coloration politique, ou s'inscrit-elle simplement dans un processus de sensibilisation de la société ? Nous sommes apolitiques. Notre initiative est un appel aux individus, citoyens et citoyennes, non aux étiquettes. Et oui, elle s'inscrit dans un processus de sensibilisation de la société et pour engager un débat constructif amenant à une solution concrète. Il y a quelques jours on a su avec regret le suicide d'Amina Filali, comment avez-vous appris cette nouvelle ? Préparez-vous des réactions ? Nous étions présents le 8 mars avec le collectif «L'moussawate Lyoum 9bal Ghedda», dont nous faisons partie, à une manifestation artistique pour parler de la situation marocaine, dénoncer la discrimination et autres... Nous avons également été invité à une rencontre à l'ENCG de Kenitra, comme nous avons donné une conférence à l'EGE vendredi dernier avec Mme Aicha El Khammas, membre de l'union de l'action féminine - association qui nous parraine depuis décembre dernier. Le mois de mars est le mois de la femme, qui reste insuffisant, mais nous comptons profiter de ce mois pour faire entendre nos voix de femmes. En ce qui concerne Amina El Filali, il est hors de question que l'on reste les bras croisés! Nous avons créé un groupe sur facebook, une page, en plus d'en parler sur la page de Woman Choufouch. Je suis en colère, en deuil et je refuse de me taire au sujet de cette affaire! Sachant que Woman Choufouch condamne l'article 475 du code pénal depuis la création de l'initiative, nous en avons parlé maintes fois et ce n'est malheureusement que lorsqu'un crime de taille survienne et qu'une jeune fille se donne la mort que les gens commencent à avoir des réactions. Ouvrons les yeux, réagissons et arrêtons de légaliser le viol au Maroc par le biais du mariage. N'attendons pas une prochaine Amina El Filali pour nous réveiller. On ressent que Woman Choufouch commence à se former comme un mouvement ou peut être une prochaine association. Avez-vous des projets dans ce sens ? Nous sommes une initiative qui lutte contre toutes les formes de violence faites aux femmes, nous avons choisi de nous focaliser sur ce qui se passe dans la rue parce que cela reste un sujet tabou. Nombreux sont les cas de harcèlement sexuel qui peuvent arriver à des tentatives de viols. C'est toute une chaîne de violences faites aux femmes qu'il faut briser! Nous avons plusieurs projets en cours de préparation afin de continuer notre travail de sensibilisation concernant ce fléau, cette réalité que vivent les femmes au Maroc au quotidien.