Les avocats des saisonnières marocaines, victimes présumées d'agressions sexuelles dans la province de Huelva, dénoncent une affaire de traite d'êtres humains et de crime contre l'humanité, qui aurait été opérée sous le nez des autorités espagnoles. Le magazine espagnol El Mar de Onuba a retracé les faits survenus le dimanche 3 juin, lorsqu'une centaine de saisonnières marocaines ont été expulsées vers le Maroc. Au petit matin, celles-ci ont été surprises d'apprendre que leur contrat prenait fin ce jour-là et qu'elles allaient être immédiatement reconduites vers leur pays. Selon plusieurs témoins, les entrées et sorties de la ferme Doñana 1998 «étaient toutes fermées, cadenassées et encerclées par les agents de la Guardia civil». Les employeurs leur auraient fait savoir qu'elles devaient immédiatement réunir leurs affaires pour regagner les bus qui les conduiraient jusqu'à Algésiras, puis au Maroc. Une possible complicité des autorités locales Si l'accord signé entre le gouvernement espagnol et marocain prévoit en effet le rapatriement des saisonnières marocaines au terme du contrat, les avocats de l'Association des utilisateurs de l'administration de la justice (AUSAJ), qui représentent ces femmes, parlent d'un timing assez douteux. Plus d'une centaine de saisonnières avaient décidé de porter plainte le jour suivant, soit le lundi, auprès de l'inspection du travail, qui avait consigné cette intention. Ainsi, une liste comportant les noms, prénoms et numéros de passeports des plaignantes avait été élaborée. Pourtant, ce dimanche-là, les avocats sont tombés des nues lorsqu'ils se sont rendus compte que les employeurs faisaient l'appel selon cette liste, qui d'après eux avait fuité. Les soupçons se sont naturellement portés sur une implication des forces de l'ordre, car seuls les plaignantes, les avocats ainsi que la Guardia civil connaissaient l'existence de cette liste. Le jour même, les avocats ainsi que des représentants du SAT se sont rendus au tribunal de première instance de Huelva pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme une «séquestration des travailleuses par leurs employeurs, avec la collaboration de la Guardia civil». L'autre moyen de pression dénoncé par les avocats est le fait que les employeurs auraient organisé le paiement des salaires uniquement à l'arrivée au port d'Algésiras. Pourtant, de retour au Maroc, des saisonnières ont affirmé ne pas avoir perçu leur dû dans sa totalité. Dans un audio publié par El Mar de Onuba, l'une d'elles explique qu'elle a tenté d'obtenir justice, mais il semble qu'une fois au Maroc la chose se soit compliquée. Une volonté de minimiser les faits Finalement, dix saisonnières ont pu s'enfuir et porter plainte à Huelva. Mais la tâche n'aurait pas été si simple, expliquent les avocats, qui dénoncent l'attitude des agents lors du dépôt de plainte. Ils «ont cherché à disculper les employeurs et la société», refusant d'écrire les termes «abus et harcèlements». Pour rappel, l'affaire des saisonnières marocaines, victimes présumées d'agressions sexuelles et de harcèlement à Huelva, dans le sud de l'Espagne, a été portée devant la Cour suprême espagnole. Ce n'est qu'au niveau de la plus haute juridiction espagnole que les avocats des saisonnières pourront invoquer une affaire de traite d'êtres humains et de «crime contre l'humanité».