L'affaire de la crèche Baby loup a fait vaciller la définition même de laïcité en France. Dix ans après le licenciement abusif d'une femme voilée, le Comité des droits de l'homme de l'ONU a estimé que la France est coupable de discrimination envers les femmes musulmanes. L'affaire Baby-Loup connaît un ultime rebondissement. Un rapport du Comité des droits de l'homme de l'ONU, saisi dans le cadre de cette affaire, reconnait la France comme étant coupable de «violation de la liberté de manifester sa religion et discrimination envers les femmes musulmanes», informe le Nouvel Obs. Selon la décision rendue le jeudi 10 août, la France avait violé les articles 18 et 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, précise pour sa part Ouest-France. De plus, pour une crèche qui prônait «l'insertion économique, sociale et culturelle des femmes», le comité d'experts a jugé que l'Etat «n'avait pas expliqué dans quelles mesures le port du foulard serait incompatible avec la stabilité sociale et l'accueil promus au sein de la crèche». Et d'ajouter que le port du foulard islamique ne peut être considéré comme un «signe extérieur fort ou ostentatoire et constitutif d'un acte de prosélytisme». Dix ans après, cet ultime rapport donne gain de cause à Fatima Afif, l'ex-salariée de la crèche Baby Loup. En effet, le communiqué onusien critique son licenciement abusif, concluant que «ce licenciement et l'obligation de neutralité du personnel constituent une discrimination inter-sectionnelle basée sur le genre et la religion». De plus, le comité souligne que l'Etat français doit proposer une indemnisation à la plaignante et ce dans les 180 jours à venir. Un cas d'école L'affaire de la crèche baby loup est devenu un cas d'école, remettant en cause la loi et le principe même de laïcité dans le pays tel qu'il a évolué ces dernières années. Si le Code pénal sanctionne les discriminations fondées sur la religion par une peine maximale de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (articles 225-1 à 225-4 du Code pénal), la Cour de Cassation avait quant à elle estimé qu'une entreprise privée peut interdire le port de signes religieux aux salariés en contact avec les clients, à condition de l'inscrire dans son règlement intérieur. Dans cette affaire, le règlement intérieur prévoyait en effet une obligation de laïcité et de neutralité à la charge du personnel, expliquait l'avocate Farah Ayatt, dans une tribune publiée sur Yabiladi. Et d'ajouter que «la Cour de cassation a considéré que le non-respect d'une telle clause par une salariée qui refuse d'ôter le voile islamique justifie un licenciement pour faute grave (Assemblée plénière de la Cour de cassation, 25 juin 2014 n° 13-28.369 PBRI, affaire Baby Loup)». A contrario, l'Observatoire de la laïcité considère que la «notion d'exigence professionnelle essentielle ne peut être assimilée à des préjugés défavorables émanant de clients, de co-contractants ou de travailleurs. Un objectif ne pourrait en effet être légitime s'il est lié à des motifs discriminatoires».