En France, conduire avec un niqab est légal. Mais le port des signes religieux est interdit à l'école. Cette semaine, la justice française a rendu deux décisions se rapportant à l'affichage des signes religieux. Une relaxe et un licenciement validé sur fond de désaccord sur le port du voile. Au-delà de ces deux verdicts, l'application de la nouvelle loi sur l'interdiction de la dissimulation en public risque d'être confrontée a beaucoup d'imprévus. Sandrine Mouleres, 31 ans a été verbalisée en début du mois d'avril à Nantes, parce qu'elle portait un niqab alors qu'elle était au volant. Le policier qui l'a verbalisée, jugeait que conduire avec un voile intégral affectait la vigilance du conducteur. L'agent faisait référence à l'article 412-6 du Code de la route, qui stipule que «tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent». Le cas de cette Nantaise qui avait écopé d'une amende de 22 euros, avait créé une polémique en France, a l'époque très agitée par le débat sur l'interdiction du voile intégral en public. Pourtant, la femme mise en cause pour conduite avec niqab, s'était opposée à la contravention et a fini par avoir gain de cause. Lundi 13 décembre, la justice a annulé le procès verbal d'avril dernier. Selon Jean-Michel Pollono, l'avocat de Sandrine Mouleres citant le tribunal de police de Nantes, le niqab «ne présente aucune dangerosité car il bouge avec la tête» de la personne qui le porte. Me Pollono a ajouté que «tout ce qui n'est pas interdit est autorisé». De ce fait, «on peut donc aujourd'hui conduire avec un niqab», a-t-il dit. Si la justice a donné raison à Sandrine Mouleres, Fatima Afif, n'a pas eu la même chance. Salariée dans la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), elle a été licenciée en 2008 pour «faute grave» après avoir eu une «altercation» avec ses employeurs. La raison du différend était le voile de Fatima Afif. Elle a porté l'affaire devant la justice en même temps que la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde). Cette institution lui a d'abord apporté son soutien avant de faire volte-face. Cette semaine, le jugement du conseil des prud'hommes de Mantes-la-Jolie a reconnu «l'insubordination caractérisée et répétée», qui a été la cause de son licenciement. De même, la justice est allée dans le même sens que le règlement intérieur de la crèche, qui interdit le port de signes religieux au nom du principe de «neutralité» qui prévaut dans écoles publiques françaises depuis 2004. Aussi responsable (elle avait le statut de directrice-adjointe) soit-elle, Fatima Afif n'avait pas le droit de se voiler. Ainsi en a décidé la justice. Dounia Bouzar, anthropolgue, s'est dit étonnée par la position du tribunal qui a fait valoir la laïcité alors que la crêche était sous statut privé et non public. Elle a notamment déclaré : "Ce n'est pas la première fois que le port d'un foulard est interdit dans le monde du travail, mais c'est la première fois que les juges ne respectent pas le Code du travail pour parvenir à ce résultat." Le point commun entre les cas Fatima Afif et Sandrine Mouleres, est le voile qui couvrait leur tête pour la première, inégral pour la seconde. Sandrine a eu gain de cause, alors que Fatima a été déboutée. Deux situations très commentées en France cette semaine, qui risquent de se répéter souvent après l'entrée en vigueur de la loi interdisant la dissimulation du visage en public. Cette loi a été adoptée en septembre donc après le début des affaires Mouleres et Afif. La dite loi a prévu des exceptions, comme pour les «raisons de santé» (masques respiratoires), pour des conducteurs de deux roues, obligés de porter un casque de protection. Mais, jusque là, personne n'avait imaginé la situation d'une voilée au volant. Le verdict rendu en faveur de Sandrine Mouleres implique qu'on peut conduire avec le visage couvert. Ce qui amènera forcement à sortir de la voiture avec le visage couvert. Or, l'intérieur d'une voiture n'est pas une exception prise en compte par la nouvelle loi. La voiture doit-elle être considérée à l'avenir comme un espace public ou privé ? Y aura-t-il d'autres imprévus auxquels la justice devra statuer et trancher ?