Hier, quelques heures après que les députés socialistes français ont repoussé une proposition de loi de l'UMP pour l'interdiction du voile dans les entreprises, Manuel Valls, ministre de l'Intérieur remettait la médaille du mérite à la directrice de la crèche Baby Loup reconnue coupable par la Cour de Cassation de discrimination en raison de ses convictions religieuses contre l'une de ses employées musulmane et voilée. Le parti socialiste français n'en est plus à une contradiction près. Déchiré entre les tenants d'une laïcité respectueuse de l'expression religieuse et un électorat crispé par la peur de 'l'islamisation', auxquels s'ajoutent les habituels pratiques politiciennes, le gouvernement socialiste a fait toute la preuve hier, jeudi 6 juin, de ses contradictions. Alors que les élus socialistes de l'Assemblée nationale repoussaient une proposition de loi UMP offrant la possibilité aux entreprises privées de règlementer le port de signes religieux - donc du voile - dans leur établissement, Manuel Valls décorait Natalia Baleato, fondatrice et directrice de la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes, de la médaille du Mérite qui avait renvoyé en 2008 l'une de ses employées parce qu'elle avait décidé de porter un voile. Par son geste, Manuel Valls vient s'opposer une nouvelle fois, avec toute la force symbolique de cette médaille, à la décision de la Cour de cassation qui le 19 mars dernier a donné raison à cette employée. La Cour avait estimé que son licenciement constituait une «discrimination en raison de ses convictions religieuses». Manuel Valls avait alors déploré cette décision, regrettant une «mise en cause de la laïcité». Urgent mais pas trop Pourtant, quelques heures plus tôt, les députés socialistes ont repoussé une proposition de loi de l'UMP offrant la possibilité aux entreprises privées de limiter le port de signe religieux, directement inspiré de l'affaire de la crèche Baby Loup et de ce qui était désigné comme un vide juridique, par Eric Ciotti, rapporteur UMP du texte. Pour se justifier, le gouvernement a expliqué s'en remettre aux conclusions de l'Observatoire de la laïcité, installé en avril, et qui seront rendues dans la seconde partie de l'année. Fin mars, François Hollande, lors d'une intervention télévisée, avait pourtant lui-même même reconnu qu'il était «urgent» de trouver une solution au problème soulevé par la jurisprudence Baby Loup, rappelle La Croix. Le premier secrétaire du PS Harlem Désir avait même signé, ainsi que plusieurs élus socialistes, l'appel à une nouvelle loi publié par l'hebdomadaire Marianne. Ce n'est pas Manuel Valls qui dirait le contraire. Provocation UMP Les contradictions fondamentales ne se glissent pas seulement dans les rangs du PS. A l'UMP, explique l'Express, on a préféré proposer cette loi contre le voile dans l'entreprise sachant que politiquement le gouvernement ne pourrait jamais l'accepter plutôt que de demander de voter une autre proposition UMP : la loi sur la suppression des allocations familiales aux familles à qui l'on a retiré la garde de leurs enfants. Cette loi avait pourtant remporté un consensus droite gauche – contre l'avis du gouvernement – au Sénat, lors de la précédente journée d'initiative parlementaire. L'UMP aurait pu choisir de la présenter aux députés pour la faire voter, mais il a préféré une loi clivante qui présenterait le PS comme définitivement faible face aux 'menaces contre la laïcité', alors que Manuel Valls fait tous les efforts possibles pour prouver le contraire.