Jamais le Maroc n'a autant été au centre de la politique intérieure espagnole. Explications. Avec l'Espagne de Sánchez, le Maroc souffle le chaud et le froid. Ses décisions, minutieusement calculées, déroutent majorité et opposition. Cet été, Rabat a misé sur la carte de la coopération sécuritaire, de la migration mais aussi celle de l'économie de Melilla. Si, au début, le royaume s'est montré peu enthousiaste pour continuer de jouer le rôle de gendarme du voisin ibérique et des autres pays de la rive nord de la Méditerranée, il a soudainement lancé des rafles dans les camps de Subsahariens installés à Nador. Le 9 août dernier, des centaines de migrants ont été contraints de monter à bord d'autocars à destination de villes situées très loin des clôtures des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Ce revirement a eu un effet immédiat de l'autre côté de la Méditerranée. Le 12 août, le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont appelé la Commission européenne à accorder davantage de fonds au Maroc, afin qu'il poursuive efficacement son travail de limitation des flux migratoires. Melilla, l'autre carte Une promesse qui a visiblement motivé Rabat pour aider l'Espagne à réduire le nombre de migrants qui entrent dans son territoire. Jeudi dernier, les autorités marocaines ont accepté le rapatriement de 116 subsahariens ayant réussi, la veille, à escalader la double clôture de Ceuta. Cette initiative a permis à l'exécutif de Sánchez d'apaiser la colère de l'opposition politique. Celle-ci l'accuse, en effet, d'être à l'origine de ce qu'elle qualifie d'«appel d'air» lorsqu'il avait consenti, mi-juin, d'accueillir le navire humanitaire Aquarius. En Espagne, certaines voix se demandent aujourd'hui si la décision de Rabat est simplement conjoncturelle, ou si elle annonce une volonté d'assumer sa responsabilité dans la protection des clôtures de Ceuta et Melilla. Néanmoins, ce réchauffement sur le volet migratoire tranche avec la fermeture par le Maroc de la frontière commerciale avec Melilla, ouverte depuis plus de 60 ans. Une décision critiquée à la fois par les formations de l'opposition, le Parti populaire (PP) et Ciudadanos, ainsi que par les syndicats et les entrepreneurs de la ville. Jusqu'à présent, le gouvernement espagnol observe un silence prudent. De son côté, Rabat campe sur sa positionet malgré la pression. L'Espagne ne souhaite pas ouvrir un front de tension avec un pays qui a entre ses mains des cartes stratégiques. En effet, avec le PP ou le PSOE au pouvoir, le voisin ibérique a tiré les leçons du coup de froid dans les relations maroco-françaises en 2014. Article modifié le 24/08/2018 à 23h03