Le Maroc a décidé le 1er mai de rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran après l'avoir accusé de soutenir le Front Polisario par l'intermédiaire de son allié libanais, le Hezbollah. Une décision qui continue d'agiter l'opinion publique nationale et internationale. Cette semaine, des chiites marocains ont exhorté les autorités marocaines à rendre publiques les preuves du soutien du Hezbollah au front séparatiste. Au lendemain de l'annonce, par le ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale, de la rupture des liens diplomatiques entre le Maroc et l'Iran, plusieurs sources médiatiques affirmaient, presque à l'unisson, le soutien des chiites marocains à la décision prise par le Maroc. Ces derniers sont pourtant accusés de façon récurrente de soutenir Téhéran plus que Rabat. Mais la rupture des liens diplomatiques entre les deux pays a-t-elle des répercussions sur les chiites du royaume ? Une question que nous avons d'abord posée à Issam Hassani, porte-parole de l'ONG «Ressalis progressistes». Pour lui, «il n'y aura pas de répercussions négatives sur les chiites marocains pour deux raisons». Issam Hassani, les Saoudiens et les Wahhabites La première, Issam Hassani cite «le fait que les autorités marocaines ne veulent pas reproduire la campagne contre les chiites marocains en 2009». Preuve en est la «déclaration de Nasser Bourita», début mai, lorsqu'il avait «assuré que la décision n'aurait pas de répercussions sur les personnes d'obédience chiite et qu'au fond, la décision est politique». «Pour la deuxième considération, tout le monde, en particulier l'Occident à travers les rapports sur les droits humains, a pris conscience du dossier chiite marocain et sait que les accusations d'être des agents de l'Iran ne dupent plus personne... Ceci dit, on ne peut donc impliquer les chiites marocains dans un tel dossier, bien que certains relais wahhabites et journalistes corrompus continuent à sortir les mêmes vieux arguments.» Issam Hassani, porte-parole de Ressalis progressistes Il déclare également qu' «il est du droit du peuple marocain de prendre connaissance de toutes les données concrètes matérielles ayant justifié cette décision politique», faisant allusion à la rupture des liens diplomatiques. Pour lui, «tout ce qui a été dit jusqu'à présent n'est que simples paroles dépourvues de toute preuve». Le porte-parole de«Ressalis progressistes» ne mâche pas ses mots lorsqu'il considère qu'«une grande partie de ce qui a été dit émane d'un écrivain algérien installé en France, connu pour servir des agendas régionaux et ayant déjà joué un rôle suspect en Syrie pendant les missions d'inspection arabe». Issam Hassani répond aussi aux accusations du Maroc vis-à-vis de l'implication présumée de l'attaché culturel à l'ambassade iranienne en Algérie, Amir Al-Moussoui, accusé par Rabat d'avoir «joué le rôle de médiateur entre le Hezbollah et le Front Polisario». Pour notre interlocuteur, Al-Moussoui serait un «analyste politique occupant le poste de conseiller culturel et dont les activités et la communication avec les élites culturelles algériennes ont irrité les Saoudiens et les Wahhabites». «Ce sont ces mêmes parties qui, aujourd'hui , soutiennent le scénario de mauvaise qualité évoquant l'éventualité d'un soutien de l'Iran au Polisario via le Hezbollah». «En l'absence de preuves matérielles sur ce scénario présumé et à la lumière des démentis officiels à l'autre partie (l'Iran et le Hezbollah, ndlr), je ne peux que supposer qu'un tiers est entré en jeu pour fourni au Maroc une version incorrecte afin de provoquer la rupture des liens entre les deux pays.» Issam Hassani, porte-parole de «Ressalis progressistes» Issam Hassani ne manque pas de faire le lien avec l'Algérie. Les diplomates marocains «doivent posséder des qualités comme la sagesse et la patience». «Le Maroc, qui maintient ses relations diplomatiques avec l'Algérie qui entretient le Polisario n'est pas le même qui se précipite pour rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran», conclut-il. Mohamad Mohammadi : les chiites sont «les enfants de ce pays» Pour sa part, l'activiste marocain chiite Mohamad Mohammadi rappelle que «les chiites au Maroc ne sont pas un peuple expatrié comme certains peuvent croire». «Ils font partie de la société marocaine dans laquelle ils vivent et à laquelle ils appartiennent, peu importe leur nombre et le chiisme ne faisait jamais aux dépens des nations et des peuples», enchaîne-t-il. L'activiste chiite ajoute aussi que la relation entre les chiites au Maroc avec l'Iran, et les tentatives de les accuser d'être des agents à la solde de Téhéran sont «sans fondement» . Pour lui, les relations entre les chiites marocains et l'Iran restent incomparables aux «relations entre salafistes du Maroc avec l'entité saoudienne, et la relation entre les organisations des Frères musulmans, le Qatar et la Turquie». Il a accusé les promoteurs de la thèse de l'exploitation par l'Iran des chiites marocains, de vouloir «déclencher des poursuites sécuritaire et judiciaire contre tous ceux qui ont choisi la doctrine chiite». Concernant la décision du Maroc de rompre ses liens diplomatiques avec l'Iran, Mohamed Mohammadi estime que «celui qui suit les réactions des intéressés et même ce qu'a été publié sur les réseaux sociaux remarque que tout le monde a appelé le ministère marocain des Affaires étrangères de rendre publique les preuves évoquées». Mohamed Mohammadi conclut en rappelant que les chiites sont «les enfants de ce pays refusent d'être considéré comme otages, laissés tranquilles quand les relations avec l'Iran s'améliorent, et harcelés lorsqu'il y a crise ou rupture des liens diplomatiques».