La célébration de l'anniversaire du jour de la Nakbah en Palestine occupée a coïncidé en 2018 avec le massacre de 60 manifestants palestiniens, tués par l'armée israélienne à la frontière avec la bande de Gaza lors de protestations contre l'inauguration de l'ambassade américaine à Jérusalem. Histoire de la réaction du Maroc, le jour de la Nakbah et au lendemain de l'annonce de la création de l'Etat d'Israël. Ce 15 mai, la Palestine occupée et le monde arabe commémorent une date marquant un événement douloureux dans l'histoire du conflit les opposant à l'occupant israélien. Une douleur qui restera dans les annales de l'histoire, au lendemain de la mort de près de 60 manifestants palestiniens, tués par l'armée israélienne à la frontière avec la bande de Gaza lors de protestations contre l'inauguration de l'ambassade américaine à Jérusalem. Un énième massacre qui se déroule sous le silence d'une communauté internationale de plus en plus passive face aux violations d'Israël. Une occupation légitimée par les Nations unies Un événement qui rappelle un autre, celui de l'exode palestinien de 1948 pendant la guerre israélo-arabe de 1948, gravé dans la mémoire collective palestinienne et arabo-musulmane en tant que jour de la Nakba (qui signifie «désastre»). Le 15 mai, après le retrait britannique de la Palestine et la fin du mandat, le conflit se transformera en une guerre conventionnelle avec l'intervention des pays arabes voisins. Un événement qui avait fait réagir le mouvement de la résistance nationale au Maroc, sous Protectorat français, ainsi que le sultan Mohammed Ben Youssef. Nous sommes en mai 1946. Les Etats-Unis, en la personne de leur président Harry S. Truman, viennent d'annoncer l'approbation d'une recommandation d'admission de 100 000 personnes déplacées en Palestine. Le pays de l'Oncle Sam déclarera ensuite, en octobre de la même année, son soutien à la création d'un Etat juif, comme le rapporte le Bureau américain de l'historien. Un an plus tard, soit le 29 novembre 1947, les Nations Unies adoptent la résolution 181. Un texte qui recommande le partage de la Palestine en un Etat arabe et un Etat juif, avec pour Jérusalem un statut international spécial sous l'autorité administrative de l'Organisation des Nations Unies. Une adoption qui fait suite à un débat houleux ayant duré des mois. Des réfugiés palestiniens sur la route du Liban, le 4 novembre 1948. / Ph. Jim Pringle - Associated Press «Le 14 mai 1948, le Royaume-Uni mit fin à son mandat sur la Palestine et ordonna le départ de ses forces. Le même jour, l'Agence juive proclama la création de l'Etat d'Israël sur le territoire qui lui avait été alloué aux termes du Plan de partage. De sanglantes hostilités éclatèrent immédiatement entre les communautés arabes et juives, rapporte le site officiel des Nations unies. Le lendemain, des troupes régulières des Etats arabes voisins pénétrèrent sur le territoire pour venir en aide aux Arabes palestiniens.» Le Mouvement national marocain et le Parti Istiqlal vent debout contre Israël Au Maroc, la succession de ces événements graves n'est pas passée inaperçue. A en croire le récit rapporté par Mostafa El Ktiri, Haut-commissaire aux anciens résistants et anciens membres de l'armée de libération, le Mouvement national marocain était mobilisé pour la Palestine et défendait les intérêts palestiniens aux Nations Unies. Le 21 décembre 1947, le Parti de l'Istiqlal dirigé alors par Allal El Fassi tient une session extraordinaire dédiée à la discussion de la résolution 181. Après la réunion, la formation politique publie une déclaration adressée au peuple marocain, aux musulmans et aux juifs, poursuit le Haut-commissaire aux anciens résistants et anciens membres de l'armée de libération. «L'istiqlal a exhorté les Marocains à résister aux pensées sionistes et à entraver leur travail. Une demande adressée en particulier aux Marocains de confession juive pour coopérer avec leurs frères musulmans et de les aider à porter cet acte humanitaire visant à défendre les droits du peuple palestinien.» Mostafa El Ktiri. Des Palestiniens quittant leurs terres le jour de la Nakbah. / Ph. Flickr - Government Press Office (GPO) Les efforts de la formation politique qualifiée de berceau de la résistance nationale ne s'arrêtent pas à ce niveau mais dépasseront même les frontières du royaume. Dans une lettre adressée au secrétaire général des Nations unies et à la Ligue arabe, le Parti de l'istiqlal réitérera aussi son souhait de défendre la souveraineté du peuple palestinien. Le sultan Mohammeb Ben Youssef et la déclaration de mai 1948 Les efforts du mouvement national seront soutenus plus tard par l'intervention de sultan Mohammed Ben Youssef. Le défunt souverain, connu par ses prises de position courageuses défendant des Juifs marocains, a également réagi à l'annonce de la création de «l'Etat d'Israël» et aux événements tragiques ayant suivi la décision. Dans une déclaration publiée le 23 mai 1948, le sultan exhortera les Marocains à œuvrer pour la paix et à rester calmes : «... Il y a quelques jours, les flammes d'une guerre ont éclaté en Terre Sainte de Palestine après le désespoir des Arabes qui tentaient de convaincre les sionistes d'abandonner l'idée d'occuper la terre du peuple palestinien. Nous affirmons notre soutien inconditionnel aux dirigeants arabes. Nous soutenons les autres pays et les dirigeants arabes ayant suggéré que nous ne devrions pas faire de mal aux Juifs.» Le sultan Mohammed Ben Youssef. Protéger les Juifs du royaume chérifien Le message de Mohammed Ben Youssef aux Marocains était clair : «Ne laissez pas ce qui se passe en Palestine vous faire enfreindre la loi» et, en d'autres termes, nuire à la communauté juive installée dans le royaume. Pendant ce temps, le sultan a rassuré les Juifs marocains en leur rappelant qu'ils sont protégés ici au Maroc. «Nous ordonnons à nos ressortissants juifs de se rappeler qu'ils sont des Marocains et donc concernés par notre bienveillance», déclare le souverain chérifien. Mohammed Ben Youssef a également exhortés les Juifs marocains à négliger toutes les tentations et les appels sionistes. Sa déclaration a été suivie par son fameux discours, à l'occasion de la commémoration de son accession au trône alaouite, le 18 novembre 1948. «Nous espérons également que nos nations arabes fraternelles pourront faire la lumière sur les calamités qui se déroulent dans nos lieux sacrés, habités par les Palestiniens depuis des siècles. Nous croyons toujours qu'ils (les Palestiniens) obtiendront leurs droits.» Le sultan Mohammed Ben Youssef. Le sultan Mohammed Ben Youssef lors du discours de Tanger. / Ph. DR Le soutien des Marocains à la cause palestinienne s'est poursuivi à travers la guerre israélo-arabe de 1948 entre Israël et une coalition militaire d'Etats arabes pour la libération de la Palestine. Les événements tragiques d'Oujda et Jerada de 1948 Les récits historiques suggèrent qu'un certain nombre de soldats marocains ont participé à la guerre. Le leader rifain Abdelkarim El Khattabi, qui a été exilé en Egypte, aurait même exhorté, toujours selon certaines versions de l'histoire, les Marocains à rejoindre leurs frères arabes en Palestine pour défendre cette Terre sacrée. Un mois après la création d'Israël, plus précisément le 7 et le 8 juin 1948, un drame se produisit au Maroc. Au lendemain de la proclamation de l'Etat d'Israël en Palestine occupée, quelques semaines suffiront pour saper la coexistence pacifique et la paix qui régnaient entre musulmans et juifs dans l'Est du royaume. Les 7 et 8 juin, Oujda, la capitale de l'Oriental et la ville de Jerada connaîtront des événements sanglants qui marqueront à jamais leurs histoires. Un massacre avait visé plusieurs Marocains de confession juive. A Oujda, cinq personnes sont tuées et 15 autres blessées alors qu'à Jerada, 37 juifs ont été assassinés et 29 blessés. Photo illustrant l'émigration des juifs vers Israël. / Ph. DR Un génocide qui coïncidait avec une vague de protestations dans divers pays arabes au lendemain de la reconnaissance, par les Nations unies, d'Israël en tant qu'Etat sur des terres palestiniennes. Certains Marocains de confession juive auraient, selon une version de l'histoire rapportée par Yabiladi, publiquement montré leur sympathie avec le mouvement sioniste. Les Marocains de l'Oriental considéraient, quant à eux, tous les juifs au départ vers Israël comme des combattants du côté de l'entité sioniste. Un événement tragique qui contribuera à l'accélération de l'émigration des juifs vers Israël. En 1949, soit un an après le drame, environ 18 000 Marocains de confession juive avaient quitté le Maroc pour peupler les colonies de honte construites par l'Etat sioniste.