Israël nomme un grand défenseur de la souveraineté du Maroc sur le Sahara et proche du parti républicain ambassadeur aux Etats-Unis    Royal Air Maroc réceptionne son dixième Boeing 787-9 Dreamliner    COP29 : Un engagement financier de 300 MM$ jugé insuffisant par les pays en développement    Algérie : Un média accuse Lekjaa de «prendre en otage la CAF avec Pegasus»    Wealthy Moroccan heirs detained for alleged rape of French lawyer    Inondations à Valence : Karima Benyaich réaffirme les liens de solidarité entre Rabat et l'Espagne    Ahmed Spins : L'étoile marocaine à l'affiche du Coachella 2025    Les programmes d'inclusion économique ne touchent que 10% des personnes les plus pauvres du monde    Boualem Sansal, l'Algérie et les droits humains    COP29 : Le Maroc signe une participation remarquable    Terrorisme : Le Maroc dans le viseur des jihadistes sahéliens    Pologne : Les agriculteurs bloquent un poste-frontalier avec l'Ukraine    Aboul Gheit appelle à une feuille de route pour le développement durable dans la région arabe    Investissement: Zidane en roadshow au Japon et en Corée pour promouvoir la destination Maroc    PL : City humilié pour la 5e fois d'affilée (vidéos) !    Qualifs. Fiba Afro basket 25 : L'Equipe nationale s'incline pour la 3e fois !    Liga : Trois personnes arrêtées pour des insultes racistes lors du dernier « Clasico »    Le Maroc augmente son quota de l'espadon de l'Atlantique-Nord et du thon obèse    Grippe aviaire aux Etats-Unis: un premier cas détecté chez un enfant    Températures prévues pour le lundi 25 novembre 2024    Enquête : Les réseaux sociaux, nouvel outil d'éducation aux droits de l'enfant    AAHS : Un pôle d'innovation et de coopération au cœur de Dakhla    La Chine prévoit de passer de la 5G à la 5G-A    Rabat : Visa For Music, une clôture au diapason des cultures du monde    MAGAZINE : Starlight, des jurés à juger    Cinéma : Mohamed Khouyi, un éclat marocain au Festival du Caire    Lamia Boumehdi conduit le TP Mazembe vers son 1er sacre    Un derby stérile, à l'image du championnat    Grogne contre la LNFP et appels à la protestation    Harry James Richer : «un impératif stratégique»    Europe 1 : «L'arrestation de Boualem Sansal est l'occasion d'un réveil face aux réalités du régime algérien»    Amadou Lamine Diouf, non-voyant résidant au Maroc, élu député des Sénégalais de l'Afrique du Nord    Atlas Marine va bientôt lancer une ligne maritime pour transporter des camions avec chauffeurs entre Agadir et Dakar    Coup d'envoi de 5 centres de santé dans la région de Dakhla-Oued Eddahab    Royal Air Maroc accueille un nouveau Boeing 787-9 Dreamliner pour renforcer ses long-courriers    Arrestation à Khémisset d'un individu pour ivresse publique, menaces et mise en danger de la vie d'autrui    Création d'un réseau Maroc-Mauritanie de centres d'études et de recherches    La justice allemande confirme que Berlin a divulgué à Mohamed Hajib, un ancien terroriste, des renseignements sensibles transmises par les services sécuritaires marocains    SAR le Prince Héritier Moulay El Hassan reçoit à Casablanca le Président chinois    M. Motsepe se prononce sur le football féminin et le rôle du Maroc dans le développement du football en Afrique    La Bourse de Casablanca dans le vert du 19 au 22 novembre    Plus de 50 morts au Liban, Biden s'oppose à la CPI et soutient les criminels sionistes    CMGP Group franchit le pas    CAN U20 : Le Maroc bat la Libye (4-0), valide son billet    Un hub des artistes et des professionnels de la filière musicale africaine    Les arts, l'avenir et les enjeux de l'IA...    Speed-meetings : le sésame des artistes à Visa For Music    Mohamed Khouyi remporte le prix du meilleur acteur au CIFF    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Histoire : Les six mois au Maroc qui ont changé la vie d'Eugène Delacroix
Publié dans Yabiladi le 26 - 04 - 2018

Le 26 avril 1798 est né Eugène Delacroix. Figure du romantisme dans la peinture française du XIXe siècle, il a vécu six mois au Maroc. Aussi court soit-il, ce séjour a été assez long pour influencer ses œuvres, distinguées par leur singularité aux temps d'un orientalisme pompeux.
Peintures, dessins, gravures… Autant de productions artistiques ont été léguées par Delacroix au peintre Charles Cournault (1815 – 1904). Jusqu'à nos jours, ces objets donnés au musée national Eugène Delacroix en 1952 par les héritiers de Cournault permettent d'étudier la part aussi réaliste que fantasmagorique de l'œuvre orientaliste mais singulière de Delacroix. Ses travaux peuvent aussi être contemplés, appréciés et étudiés lors des nombreuses expositions rendant hommage à Delacroix, et surtout à ses sources d'inspiration où le Maroc tient une grande place.
Le voyage de Delacroix au Maroc débuta en janvier 1832 pour durer six mois. L'occasion fut pour lui de concevoir des centaines de croquis et d'aquarelles, soigneusement conservés pendant longtemps. Tout au long de sa carrière et jusqu'à sa mort en 1863, l'ensemble de son œuvre constitua ainsi un hommage aux figures et aux espaces de son quotidien mondain en Afrique du Nord.
Comme une ode lyrique qui dessinait le déracinement, ses souvenirs du Maroc se mêlèrent à une vision imaginaire et sensible, puisant également son inspiration dans la littérature de son temps.
Une mission diplomatique en toile de fond
Rien ne prédisait qu'un nom comme celui d'Eugène Delacroix, encore peu connu à l'époque, brillerait de mille feux auprès des professionnels de l'art et recevrait de nombreuses commandes de l'Etat français, au lendemain de son retour du Maroc. En effet, même ce voyage n'était pas prévu. Cependant, un changement de dernière minute marqua un tournant dans la vie artistique de Delacroix.
En 1830, les troupes françaises débarquèrent à Alger. Dans la foulée, les chefs de tribus de Tlemcen prêtèrent allégeance au sultan Moulay Abderrahmane (1822 – 1859), demandant sa protection et reconnaissant la tutelle du royaume chérifien sur l'Ouest algérien. En France, l'initiative ne fut pas perçue d'un bon œil. Déterminée à avoir la main sur l'Afrique du Nord, l'occupation préconisa de déclarer la zone comme territoire neutre, délimitant ses frontières avec celles de Moulay Abderrahmane.
Le Sultan du Maroc, Eugène Delacroix (1845)
Avant d'intervenir de plus en plus dans la gestion des affaires politiques et économiques des Alaouites, Louis-Philippe Ier (1830 – 1848) proposa une solution diplomatique au statut de Tlemcen et d'Oran. Pour ce faire, le comte Charles-Edgar de Mornay (1803 – 1878) fut envoyé auprès du sultan marocain, en 1832. Le diplomate français était accompagné d'une délégation qui portait «un message de paix». Sa mission fut accomplie : la France obtint le retrait des troupes de Moulay Abderrahmane de l'Ouest algérien et des frontières furent tracées.
Collectionneur d'œuvres d'art avant de s'investir dans la politique, le compte de Mornay tint à être accompagné d'un peintre. Le choix porta sur l'aquarelliste Eugène Isabey (1803 – 1886), mais celui-ci se désista. Peu connu mais talentueux et surtout très inspiré par le style d'Isabey, Eugène Delacroix fut appelé en renfort, à condition de prendre à sa charge les frais de ce séjour incongru. Prévoyant initialement de parfaire son parcours artistique en Italie, le jeune peintre se retrouva embarqué en direction de Tanger, le 11 janvier 1832.
Dans Les carnets de voyage au Maroc d'Eugène Delacroix en 1832, Cerise Fedini indique que ce choix n'était pas un pur hasard, du moins aux yeux de la diplomatie française :
«Aux yeux du gouvernement français, il n'est pas seulement le peintre de la Liberté guidant le peuple, mais il se trouve être aussi un «fils de l'Empire» ; son père, Charles-François Delacroix, était en effet ministre du Directoire, puis ambassadeur et préfet, et ses deux frères, Charles et Henri, étaient officiers de Napoléon.»
Un déclic en Afrique du Nord
Malgré son intérêt pour les tableaux orientalistes de ses aînés, Delacroix trouvait «sans vie» une partie importante de ces travaux-là, selon Cerise Fedini. Ce voyage lui permit donc de découvrit l'Andalousie, le Maroc et l'Algérie à travers sa propre sensibilité, ce qui fut sans doute la singularité de son œuvre orientaliste mais résolument différente des productions artistiques antérieures.
Les Femmes d'Alger dans leur appartement, Eugène Delacroix (1834)
En Afrique du Nord, Delacroix fut ébloui par les paysages, fasciné par l'architecture et fortement interpellé par l'art de vivre des populations musulmanes et juives. Il prit des notes, réalisa des croquis et des aquarelles pour traduire ses impressions. Il arriva à Tanger le 24 janvier 1832. Sept carnets constituèrent son journal de voyage, mais quatre seulement furent conservés. «Souvenirs d'un voyage dans le Maroc» furent rédigés des années plus tard, retraçant ainsi l'expérience personnelle du peintre.
En l'espace d'une journée, Eugène Delacroit fut d'emblée submergé par tant d'impressions, dont il fit part dans un courrier, le 25 janvier, à Jean-Baptiste Pierret :
«Nous avons débarqué au milieu du peuple le plus étrange. Le pacha de la ville nous a reçus au milieu de ses soldats. Il faudrait avoir vingt ras et quarante-huit heures par journée pour faire passablement et donner une idée de tout cela. Les Juives sont admirables. Je crains qu'il soit difficile d'en faire autre chose que de les peindre : ce sont des perles d'Eden. On nous a régalés d'une musique militaire des plus bizarres. Je suis dans ce moment comme un homme qui rêve et qui voit des choses qu'il craint de lui voir échapper.»
Avant même de poser pied dans la ville septentrionale, Delacroix avait déjà effectué une première aquarelle à bord de La Perle. Il représentait «des montagnes bleues violettes, dans un jeu entre la clarté des murs et le blanc du papier», selon Fedini.
Vue de Tanger, Eugène Delacroix (1832)
En caravane, la délégation dont Delacroix faisait partie fut conduite à Meknès le 5 mars, faisant plusieurs escales en cours de chemin. Ses déplacements, ponctués par des sorties avec Charles de Mornay, constituaient à chaque fois de nouvelles occasions pour observer, faire un croquis et prendre des notes. Il observa ainsi que les habitants étaient «près de la nature de mille manières. La beauté s'unit à tout ce qu'ils font».
Delacroix arriva à Meknès le 15 mars et y séjourna pendant deux semaines. Sur place, il fit la rencontre du sultan Moulay Abderrahmane. Au cours d'une audience solennelle tenue le 22 du même mois, le peintre réalisa de nombreux croquis. L'audience consista à des négociations avec le sultan marocain, à qui des présents furent offerts. En échange, celui-ci donna un cadeau au roi français, signifiant la fin des différends entre les deux pays.
La célébrité après le retour
La délégation française revint à Tanger le 12 avril, en attendant la signature du traité par le sultan. Au mois de mai, Delacroix se rendit seul à Cadix et à Séville, avant de revenir pendant huit jours à Tanger. Une escale à Oran et une autre à Alger le mènera à Toulon, avec les autres membres de la délégation, le 5 juillet.
A la tête d'une nouvelle école de peinture, Eugène Delacroix fut nommé chevalier depuis 1831. Mais après ce voyage, il devint incontestablement le peintre français admiré de tous, aussi bien dans les Salons qu'au sein du gouvernement. Il fut alors nommé officier en 1846 et commandeur de la Légion d'honneur en 1855, en tant que peintre majeur ayant accompagné une ambassade en voyage officiel.
Fantasia, Eugène Delacroix (1832)
Tout au long de sa vie, Delacroix revint régulièrement au thème nord-africain à travers plus de quatre-vingts peintures, notamment Les Femmes d'Alger dans leur appartement (1834), La Noce juive au Maroc (1841), Le Sultan du Maroc (1845). Beaucoup plus qu'une tentative de calquer un monde «exotique», l'ensemble de ces œuvres traduisaient les impressions de l'artiste découvrant un nouvel univers. Conservatrice au Musée du Louve qui accueille une exposition rétrospective du peintre, Marie-Pierre Salé l'explique :
«Delacroix a été frappé et touché par le mode de vie qu'il considérait comme antique, naturel, simple. Il a été marqué par la façon dont les Marocains se drapaient avec élégance avec peu de tissus, subjugué par la beauté des couleurs, des paysages, il a regardé tout ça avec un regard sensible et rien dans son journal ne laisse présumer d'un sentiment de supériorité ou de jugement.»
A ce propos, le peintre avait bien noté, à son retour, que «l'aspect de cette contrée restera toujours dans [ses] yeux» et que les hommes et les femmes du Maghreb s'agiteraient dans ma mémoire, tant qu'il était en vie.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.