Le Maroc de Delacroix ou le Delacroix marocain. L'histoire d'un voyage et d'une histoire d'amour entre un artiste et un pays. Lorsque Delacroix arrive au Maroc en 1832, la magie des couleurs le séduit au point que plusieurs de ses œuvres en porteront à jamais l'empreinte. Dans plusieurs ouvrages, on présente certaines toiles qu'il réalise à la suite de ce voyage, ainsi que de nombreux objets d'arts décoratifs marocains des XVIIIe et XIXe siècles, mis en relation avec l'interprétation qu'en fait l'artiste ébloui par l'Orient. Une vision sans fard ni exotisme sur un Maroc fascinant. Arlette Sérullaz et Maurice Sérullaz, dans leur ouvrage : «Delacroix, Voyage au Maroc», édité en 2001 chez Flammarion, rendent compte, avec beaucoup de précision sur la fascination exercée sur le peintre par la ville de Tanger : «1832, de janvier à juillet, Eugène Delacroix se rend en Afrique du Nord et en Espagne avec une mission diplomatique dirigée par le comte de Mornay. Celle-ci est chargée de normaliser les relations de la France avec le sultan du Maroc, principal voisin de l'Algérie, conquise deux ans plus tôt par les troupes de Louis-Philippe.» Nous sommes devant un voyage officiel, une mission diplomatique où le peintre est convié à prendre des notes et à faire des dessins et autres croquis pour illustrer, entre autres, l'expédition. Delacroix ne savait pas grand-chose de cette Afrique du Nord qui le charmait, mais il était sûr qu'une telle occasion pouvait lui fournir assez de matières pour enrichir sa peinture. «Pour l'artiste, c'est un voyage capital, qui marque un tournant dans son oeuvre. Dans les pays visités, il s'émerveille du naturel, «toujours déguisé dans nos contrées» : en bon romantique, il désire retrouver dans cet Orient ( ?) mythique une esthétique et une perfection de formes artistiques que la civilisation ou l'académisme n'aurait pas encore perverties» écrivent Arlette Sérullaz et Maurice Sérullaz, qui notent bien que ce voyage était aussi une source d'inquiétude pour un artiste en butte à de nombreuses difficultés en France où sa peinture n'a pas la place qu'elle méritait. «Il découvre aussi la lumière du sud qui va l'aider à faire de ses tableaux une fête pour l'oeil», comme il l'écrira dans son Journal. Tout en ajoutant : «tous les yeux ne sont pas propres à goûter les délicatesses de la peinture. Beaucoup ont l'oeil faux ou inerte»...» Le contact avec le Maroc est pris. L'amour est né, une grande histoire prend forme et sera écrite des années plus tard sous forme de dessins, de toiles, de croquis, de notes et d'iles, de croquis, de notes et d'anecdotes. Un journal de grand voyageur Dans un extrait d'un article d'Anne Muratori-Philip, paru dans Le Figaro), il est question des grandes préoccupations d'Eugène Delacroix, artiste accompli, homme de lettres et peintre averti. On peut lire à juste titre que «Des travaux littéraires de l'artiste, on a retenu le Journal, oubliant trop souvent la correspondance et les articles publiés dans les journaux de l'époque. Aujourd'hui, cet admirable récit de voyage tiré de l'oubli révèle un Delacroix écrivain, digne du panthéon des romantiques.» C'est à coup sûr un récit qui est dans la lignée des documents de voyage de Montaigne ou plus tard, les carnets de voyage en Afrique par André Gide. On a cette soif de connaître ce pays merveilleux qu'est le Maroc, mais pas en tant que destination exotique, mais une terre riche, une contrée où la culture est vécue au quotidien dans une féria de couleurs et de rythmes humains. Delacroix puise dans ce voyage un répertoire de thèmes «exotiques», certes, mais au-delà aussi, qui vont inspirer sa peinture tout le restant de sa vie : des scènes de chasses, des combats de fauves, des cavaliers... Parmi les tableaux les plus connus issus de cette période : «Femmes d'Alger dans leur appartement» (1834), «Entrée des Croisés à Constantinople» (1834), «La noce juive au Maroc» (1841), «Le sultan du Maroc» (1845)...» Mais les impressions marocaines sont profondes. Le peintre se fait alors écrivain, chroniqueur pour raconter ses périples, ses rencontres et ses expériences avec les habitants de Tanger. Comme avec ses pinceaux, le peintre excelle à traduire avec les mots les impressions reçues, la nature et l'architecture, les gens et les bêtes. Il écrit que «... comme une grande ombre le rocher bizarre de Gibraltar» ou encore «Tanger et sa casbah placée comme en vedette au-dessus du port». En parlant des gens qu'il a côtoyés, il note ce qui suit?: «le burnous dont les bords rejetés par derrière dégagent les bras et descendent sur l'épaule en faisant les plis en tuyaux que nous admirons dans les statues». Et dans un souci d'exactitude, les descriptions de costumes ou de l'agencement intérieur des maisons alternent avec les observations plus personnelles, la dissipation de préjugés: «Au lieu de l'oripeau et du luxe si l'on veut, dont notre imagination parait à l'avance une cohue de pachas, de spahis, de bimbaderi en costume de parade ou de théâtre, nous voyons devant nous trois ou quatre beaux vieillards à barbe blanche, couverts de la toge comme des sénateurs de Rome…». À la fois séjour littéraire et pictural, ces années de Tanger ont façonné l'œuvre du peintre, qui, de retour en France, va apporter un regard nouveau sur les Arts plastiques.