Enseignant-chercheur à l'Université des Amériques à Puebla (Mexique), Mohammed Badine El Yattioui préside également un think-tank qui s'intéresse au Maroc. Il crée le pont entre ses deux pays, le Maroc et la France, ainsi que celui qui a fini par l'adopter : le Mexique. A l'Universidad de las Américas Puebla (UDLAP), Mohammed Badine El Yattioui mène plusieurs projets de recherche, organise des séminaires et donne des cours en anglais et en espagnol. Né en France en 1983, ce chercheur polyglotte œuvre aujourd'hui à rapprocher les pays via son travail académique. Car en plus de sa spécialisation en sciences politiques, il est polyglotte, parlant au moins quatre langues (arabe, français, anglais et espagnol). L'immigration : Une tradition familiale Les parents de Mohammed Badine El Yattioui font partie des premiers Marocains à s'installer en France, au lendemain de l'indépendance. En effet, le grand-père maternel du chercheur s'est installé à Lyon en 1959, alors que sa mère avait six ans. De mère tangéroise et d'un père originaire du Rif, Mohammed Badine El Yattioui était alors né dans une famille où immigrer et voyager faisait partie du quotidien. Après son baccalauréat, le franco-marocain décroche sa licence puis son master en histoire à l'Université Jean Moulin Lyon III. Il continue ses études jusqu'au doctorat en sciences politiques, se spécialisant dans les relations entre l'Amérique latine et les Etats-Unis, puis il enseigne dans son université pendant cinq ans. Durant ses séjours de recherche, le jeune chercheur s'installe à Cuba, en Colombie, puis à Oxford où il mène des travaux au sein d'un centre d'études latino-américaines. Plus tard, il est professeur invité à l'UDLAP. «A la fin de mon séjour, le doyen et le président de l'université m'ont proposé de faire partie désormais de l'équipe de leurs enseignants. J'ai accepté et depuis, je suis professeur associé, maître de conférences en sciences politiques et en relations internationales», nous explique-t-il. Puebla devient un troisième domicile A l'UDLAP, le système d'enseignement est anglosaxon, ce qui représente de grands avantages, pour Mohammed Badine El Yattioui : «Je choisis moi-même mes projets de recherche et les cours que je veux enseigner. Je donne donc des cours en sécurité globale, en géopolitique, en gouvernance globale, en espagnol comme en anglais.» Désormais installé à Puebla, le chercheur a créé ses propres projets au sein de l'université : NEJMAROC, un centre marocain de recherche sur la globalisation, et ILM, un observatoire sur le monde musulman. Le premier est un think-tank international créé il y a presqu'un an, au sein duquel collaborent des universitaires marocains installés en France, au Maroc et au Mexique, nous explique l'enseignant. «Nous avons publié la première revue en février dernier. Avec une approche académique, nous abordons toutes les thématiques liées au Maroc : politiques publiques, l'économie, les relations internationales…» La première édition de la revue a porté sur l'environnement. Une thématique traitée «de manière multidisciplinaire, d'un point de vue sociologique et avec un ingénieur spécialisé». Au sein de NEJMAROC sont aussi organisées des conférences, même à l'extérieur de Puebla. «Nous organisons des conférences, comme celle tenue à Puebla sur les élections dans le monde arabe après les printemps arabes. En décembre, à Lyon nous avons tenu des conférences sur les relations entre le Maroc et les pays d'Afrique.» Le second projet est plus global. Il est né d'un constat, car la première fois où il s'est rendu au Mexique, Mohamed Badine a remarqué qu'«il n'existait pas de spécialistes faisant des recherches sur le monde musulman». Avec des collègues mexicains, qui ont étudié dans des pays musulmans et qui parlent arabe, il fait alors collaborer des homologues en Turquie, au Pakistan, au Maroc et en Algérie : «Nous prévoyons de sortir deux publications dans le cadre de ce projet.» Entre ces deux projets, le chercheur écrit par ailleurs pour des revues française, argentine et mexicaine, mais essaye de rendre utiles ses travaux pour faire connaître les deux plateformes académiques. Relier le Maroc à la France et au Mexique S'il est né en France et que ses responsabilités au sein de l'UDLAP constituent son activité principale, Mohamed Badine n'oublie pas de se rendre au Maroc, perpétuant une autre tradition familiale qu'est celle de revenir à Tanger au moins une fois par an : «Je suis né en France, mais mes liens avec le Maroc n'ont jamais été interrompus. J'ai été élevé avec des parents qui m'ont appris à parler arabe. Pendant l'enfance, je venais trois fois par an à Tanger. Lorsque j'avais commencé à travailler en France, je venais pour les vacances aussi. Aujourd'hui, même installé au Mexique, je viens encore au moins deux fois par an.» Dans la ville d'origine de sa mère, il a enseigné la géopolitique dans une école commerciale pendant six mois, avant de revenir encore à Puebla. «Le peuple mexicain a un grand sens de l'entraide. Même si l'on raconte que le Mexique rencontre beaucoup de problèmes, à Puebla, la vie est sécurisée. Ceci dit, à terme, mon projet serait de revenir au Maroc et mener mes recherches à partir d'ici. Si l'opportunité se présente et que je peux travailler dans de bonnes conditions, je viendrai m'installer, pourquoi pas.»