Dans L'Amante du Rif (Paris-Méditerranée, 2004), Noufissa Sbaï nous offre plusieurs histoires dans un seul et même roman. Elle nous conduit à travers son récit dans la vie de certaines femmes discrètes, nous dévoile leur secret pour finalement les libérer de leur fardeau et faire d'elles des femmes «libres dans leurs têtes». Au commencement, le roman relate la vie de Camélia, une jeune femme dont l'existence a été détruite, l'avenir est devenu flou, et dont l'unique «erreur» fut d'être tombée amoureuse d'un trafiquant de drogue. Hayat, la tante de Camélia, personnage principal du roman, se trouve profondément émue et tellement touchée par une telle injustice qu'elle prend la décision de retracer noir sur blanc le témoignage de Camélia, mais aussi d'autres femmes, qu'elle juge victimes de l'injustice sociale, afin de les débarrasser de leurs maux. Des femmes opprimées et maltraitées A côté de Camélia, il y a Sebtaouya, Itri, Amina… et autant d'autres personnages dont les voies s'entrelacent dans ce roman. Ce sont toutes des femmes opprimées qui souffrent tant, physiquement et moralement. Elles ont toutes en commun une histoire pénible à raconter. Par un pur hasard, elles croisent le chemin de Hayat, cette femme militante attachée à la cause des femmes de son pays. Hayat se met à l'écoute de ces femmes tout au long de son parcours associatif. Leurs confessions ne la laissent nullement indifférente ; elle pense incessamment à les aider et à les sauver. «Si cela ne dépendait que d'elle, elle ouvrirait des dizaines de centres d'accueil pour toutes ces femmes et ces jeunes filles tourmentées, maltraitées.» Les médias à l'écoute des femmes assujetties Mais comme ce n'est pas possible, Hayat s'attèle à un autre devoir : elle récolte les témoignages de ces femmes, véhiculant le plus souvent des vécus amers et des réalités acerbes. Ces aveux créent chez elle une profonde inquiétude et l'amènent à «écrire vite toutes ces impressions qui remuaient ses tripes». Son objectif dépasse le simple soutien et vise à diffuser les vécus de ces femmes à travers les médias, afin d'attirer l'attention sur leur exclusion. Hayat, en décidant de donner la parole à ces oubliées de l'histoire, pour qu'elles se fassent entendre, met en exergue leur grande volonté de participer à la fondation d'un véritable Etat de droit et à «laisser parler la réalité, par la bouche même de celles qui ont supporté les affres de la souffrance. Celles qui subissent encore, [et elles sont nombreuses] les injustices sociales». C'est notamment grâce à l'écriture que Hayat réussit à transmettre tant de volonté et de détermination à toutes ces femmes douteuses d'elles-mêmes et désireuses de refaire leur vie. La condition féminine demeure certes le thème principal de ce roman, mais la romancière traite également en arrière-plan, notamment à travers l'histoire de Camélia, le fléau de la drogue. Elle veut absolument briser le silence face à ce désastre qui fait sombrer la jeunesse de son pays dans le chaos. «La drogue détruit des innocences et on la somme, elle, de se taire. Mon Dieu ! Comment peut-on passer sous silence toutes ces tragédies ! Cette vermine qui ronge l'avenir des futures hommes et femmes de ce pays !»