L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne est tombé, donnant lieu à des interprétations diamétralement opposées. Le Polisario et ses alliés jubilent, tandis que le Maroc et l'Union européenne tempèrent. Une décision de justice, deux interprétations, chaque partie se déclarant vainqueur. Une situation assez rare dans les tribunaux, mais fréquente en politique et notamment dans les relations internationales. Ce qu'il convient de retenir de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne figure en toute fin du communiqué : «La Cour juge donc que, dès lors que ni l'accord de pêche ni le protocole qui l'accompagne ne sont applicables aux eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental, les actes de l'Union relatifs à leur conclusion et à leur mise en œuvre sont valides.» Le Front Polisario qui, hasard du calendrier, commémore aujourd'hui le 42e anniversaire de la proclamation de la «RASD», crie victoire, bien que l'accord de pêche a été jugé valide. Le Maroc, quant à lui, veut plutôt tempérer. Il note que «cette décision est similaire à celle concernant l'accord agricole entre le Maroc et l'UE», a déclaré Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture et de la pêche. Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, déclare avec satisfaction à Yabiladi que «la Cour n'a pas suivi les déclarations de l'avocat général» qui appelait à annuler l'accord de pêche. Maroc-UE VS Polisario & co Mais le Polisario n'en démord pas. Ainsi, M'Hamed Khadad, coordinateur du mouvement séparatiste avec la MINURSO, a demandé à tous les bateaux de l'UE opérant dans la zone de «se retirer immédiatement des eaux du Sahara occidental», indique l'agence de presse du Front. Un ton offensif, alors même que le Polisario avait vu son recours rejeté en décembre 2016 par la même CJUE pour «défaut de qualité pour agir». Ce que souligne d'ailleurs Nasser Bourita à Yabiladi, rappelant à contrario que «rien dans l'arrêt n'entache la capacité juridique du Maroc pour conclure des accords internationaux, contrairement à ce que voulaient faire croire le Polisario et l'Algérie». Et le ministre des Affaires étrangères marocain de mettre en exergue le communiqué conjoint Maroc-UE, qui est un message politique fort adressé au Polisario. Il souligne que le problème est entre le Maroc et l'UE d'un côté, le Polisario et l'Algérie de l'autre, et que les motivations derrière ce recours aux tribunaux sont d'ordre uniquement politique. Aussi il voit dans ce communiqué conjoint un signe de solidité du partenariat global entre le Maroc et l'Union européenne, ne pouvant être segmenté en l'attaquant sur son volet agricole ou son volet halieutique. Vers un nouvel accord de pêche Néanmoins, bien que jugé valide par la CJUE, cette dernière souligne que l'accord de pêche ne concerne pas le territoire du Sahara occidental. Un accord qui arrive à échéance en juillet 2018 et qui doit donc faire l'objet de nouvelles négociations. Pour le ministre de l'Agriculture et la pêche, «il va falloir adapter les outils pour être en phase avec l'arrêt de la Cour». Comprendre que le Sahara devra cette fois être mentionné dans l'accord pour inclure les eaux adjacentes. On se dirige donc vers un nouvel accord de pêche, qui reprendra les précautions juridiques pour l'accord agricole, avec la participation de représentants élus des habitants du Sahara dans les différentes collectivités locales (communes, mairies et autres conseils des régions) et dans les deux Chambres du Parlement marocain. Pour rappel, la signature du document renforçant le partenariat sur la base de l'accord agricole entre le Maroc et l'UE avec la présence des élus sahraouis avait provoqué l'ire du Polisario. Piqué au vif, l'avocat du mouvement séparatiste avait réclamé 240 millions d'euros à l'Union européenne de «dommages et intérêts pour le préjudice subi par le peuple sahraoui».