Après la mort de Moulay Ismail, sultan jupitérien, ses fils se sont livrés une concurrence féroce pour lui succéder. L'un d'eux, Moulay Abdellah, sera détrôné quatre fois par ses redoutables frères. Si l'existence mouvementée de Moulay Ismail n'est plus un mystère pour les historiens, à bien des égards en tout cas, ses fils Abdellah et Abdelmalek ont été les acteurs d'un curieux récit, aujourd'hui noyé sous la masse de livres consacrés à l'histoire du Maroc. Le 10 novembre 1757 sonne le glas pour Moulay Abdellah, connu sous le nom de Sultan Abou Abbas Moulay Abdellah Ben Ismail as-Samin, laissant derrière lui une histoire certes passionnante, mais ô combien chamboulée par les luttes fratricides. Fils d'une concubine, Moulay Abdellah, né en 1694, est proclamé sultan du Maroc pour la première fois le 5 mars 1729, avant d'être destitué à quatre reprises : en 1736, 1740-1741, 1743-1747 et 1748-1757. A la mort de son père Moulay Ismail, qui a dirigé le Maroc de 1672 à 1727, Moulay Abdellah doit reprendre le flambeau. «Le grand empereur Moulay Ismail, sentant la mort arriver, donna l'ordre à son chef unique de le cacher quelque temps, par crainte des insurrections dans la ville», souligne l'ouvrage «L'Histoire des révolutions dans l'Empire du Maroc ; après la mort de Moulay Ismail», écrit par John Braithwaite. Le sultan Moulay Ismail. Les frères ennemis «Avant l'annonce officielle de la mort du sultan, une querelle éclata entre les serviteurs de Moulay Abdellah et ceux de Moulay Hamet (Ahmed) Dahebby (Eddahbi). Moulay Abdellah fut finalement contraint de fuir Meknès avec environ 200 chevaux et effectua un pèlerinage à Moulay Idriss.» Bien qu'écarté par son frère Ahmed ben Ismail, qui s'empara directement du trône après la mort de son père en 1727, Moulay Abdellah était déterminé à prendre le contrôle de la dynastie alaouite. Selon l'ouvrage de John Braithwaite, le jeune prince «s'affranchit de son frère : il avait bel et bien l'intention de porter la couronne, mais n'était pas suffisamment épaulé». Moulay Abdellah ben Ismail. La proclamation de Moulay Ahmed en tant qu'empereur du Maroc ne fut pas un long fleuve tranquille. Illégitime aux yeux du peuple, il provoqua une insurrection populaire. Le gouverneur de Fès fut assassiné par la population, laquelle refusa de payer les taxes. Une désobéissance escomptée par Moulay Abdelmalek, autre fils du sultan Moulay Ismail, qui voyait là l'opportunité de prendre la place de son frère. «Moulay Abdelmalek écrivit à la population fassie, réclamant son soutien. Celle-ci rompit son allégeance au sultan Moulay Ahmed, lui préférant son frère», poursuit John Braithwaite. De vives tensions entre les fils Selon d'autres sources, Moulay Ahmed fut à nouveau nommé sultan en 1728 après que son demi-frère eut échoué à le tenir à l'écart. Moulay Ahmed détrôna en effet Moulay Abdelmalek après avoir été empereur du royaume pendant quatre ans et cinq jours, avec l'aide de ses bukhari (les gardes du corps noirs impériaux) farouchement loyaux. On sait en revanche peu de choses sur la mort de Moulay Ahmed, décédé en 1729. Juste après la mort de son frère, Moulay Abdellah sera nommé sultan du Maroc, régnant de 1729 à 1734 avant d'être succédé par Moulay Ali, considéré comme le frère de Moulay Abdelmalek, ainsi que l'écrit l'ouvrage «L'Histoire des révolutions dans l'Empire du Maroc ; après la mort de Moulay Ismail». Moulay Abdelmalek ben Ismail. La situation dans le pays telle que rapportée par l'auteur britannique, ainsi que la guerre civile suivie de la mort de Moulay Ismail, ont contribué à générer de vives tensions entre ses 525 fils. Après avoir gouverné le royaume à quatre reprises, entrecoupées de coups bas fomentés par ses frères, Moulay Abdellah décède à Dar Edbagh, un palais qu'il fit construire en 1729. Selon le volume 5 de «L'Afrique du XVIe au XVIIIe siècle» (University of California Press, 1999), un livre sur l'histoire de l'Afrique publié par l'Unesco, «le troisième des prétendants réussit à maintenir un gouvernement fort et durable». «Le premier d'entre eux fut Moulay Abdellah, qui a été détrôné et déposé à plusieurs reprises.» Les auteurs du livre soulignent toutefois qu'au début du XIXe siècle, seul Mohamed III fut réellement capable de prendre le contrôle du pays et de rétablir l'ordre.