Ali Nadi, le dernier goumier marocain vient de s'éteindre il y a quelques jours dans son village du Haut Atlas. Avec lui s'en va tout un pan de l'histoire des «indigènes», ce père de quatre enfants avait participé à la libération de la Corse en 1943. Il avait été décoré de la légion d'honneur, puis élevé au grade d'officier de la légion d'honneur par François Hollande, ancien président français en 2013. Ali Nadi a un de ses visages qu'on n'oublie pas. Une barbe blanche fournie, le port altier et une vivacité malgré son âge avancé. Le Marocain est mort le 12 décembre dernier dans son village du Haut-Atlas et avec lui «s'éteint ainsi le dernier Goumier encore vivant», écrit le site d'information Corse-Matin. Ce dernier avait participé à la bataille de Teghime pour libérer la ville de Bastia en Corse, le 3 octobre 1943. «On était aux premières lignes au mépris du danger. Nous étions de vrais guerriers», déclarait Ali Nadi, en 2004 à la MAP. Il raconte avoir «débarqué» à Marseille sous «un déluge de feu aérien et terrestre». Bastia était alors la dernière ville occupée du joug fasciste et nazi. «6000 hommes sont envoyés par la France libre et faisaient la jonction en Corse avec la résistance pour jeter à la mer l'occupant», rappelle un reportage de France 2 sur les derniers goumiers marocains en 2013. «L'armée allemande était retranchée au nord de l'île de Beauté, prise au piège». Sur plusieurs fronts Ali Nadi, raconte avoir neutralisé un nazi avant d'être blessé à l'épaule dans la bataille de Teghime. «À Teghime, les combats avaient été très difficiles. Les Allemands nous ont tiré dessus sans cesse avec des obus. Notre progression dans le froid et le brouillard a été très difficile. J'ai été blessé à l'épaule. Les pertes ont été nombreuses et des frères sont morts ici». En tout, ils étaient 200 goumiers morts pour libérer l'île corse. Le sergent-chef s'est engagé à seulement 19 ans. Le natif de la province d'Azilal avait entendu l'appel à soutenir la France dans ces temps difficiles, lancé par le roi Mohammed V le 3 septembre 1939, à travers une lettre lue dans les mosquées du royaume. «La guerre était dure. Mais nous étions fiers de défendre la France», déclarait Ali Nadi, à la presse lors de sa décoration de la légion d'honneur par l'ancien président français Jacques Chirac en août 2004, lors du 60ème anniversaire du débarquement en Provence. C'était la première fois qu'il revenait en France, depuis janvier 1946. Dans l'émission «Grand Angle» diffusée sur la chaîne de télévision 2M, Ali Nadi s'était longuement exprimé sur son passé de soldat. Il clame fièrement : «Nous leur avons permis d'avoir leur liberté.» «Je me positionnais toujours en tête. Je surprenais les Allemands pendant qu'ils vaquaient à leurs occupations. Je les surprenais et je criais ''Haut les mains !''. Je tirais et là ils se rendaient en s'écriant ''Camarade !''. J'ai capturé à moi tout seul 72 soldats allemands.» Le goumier marocain n'avait pas peur d'aller au-delà de ses limites : «Nous sommes des enfants de la montagne. Rien ne nous fait peur. On allait au front, on nous envoyait dans les endroits les plus difficiles.» En 2004, le goumier se plaignait des maigres pensions octroyées aux anciens combattants, il déclarait à la MAP : «Je touche 60 euros par mois, c'est peu». Le père de quatre enfants a participé à plusieurs champs de bataille, en Corse, en Italie, le débarquement en Provence, en Alsace, des campagnes en Allemagne, en passant par l'Indochine (1949-1952). «Un combattant hors norme qui sera décoré par le Général de Gaulle, lui-même, et qui lui vaudra alors le surnom de 'Lion de l'Atlas'», écrit Corse-Matin. Ali Nadi, le dernier goumier marocain. / Ph. Corse Matin Reconnaissance En 2013, le natif de la province d'Azilal est le seul goumier à être élevé au grade d'officier de la légion d'honneur par François Hollande, ancien président français. Lors d'un passage de ce dernier à Bastia, il avait déclaré au sujet des goumiers : «Vous ne tomberez jamais dans l'oubli». En octobre 2015, un monument érigé pour rendre hommage aux goumiers marocains, place Denys-Cohin au 7ème arrondissement de Paris est dévoilé. Cette stèle met en avant la devise des goumiers «Zidou lgoudam» (en avant). Ali Nadi était présent lors de cette cérémonie. Pour ne pas tomber dans l'oubli, le groupe d'opposition mouvement corse démocrate du conseil municipal de Bastia «souhaite qu'une rue porte le nom d'Ali Nadi, le dernier des goumiers», écrit France Info, ce jeudi. Le 19 décembre prochain, une motion sera proposée lors du conseil municipal, pour que lors du 75ème anniversaire de la libération de la Corse en 2018, «une rue ou une place» porte le nom d'Ali Nadi, indique le groupe dans le texte de motion. Les guerriers de l'Atlas Replay du témoignage de Ali Nadi, et ses compagnons goumiers en Corse, réalisé par la journaliste Melinda Mrini, pour le magazine Grand Angle de Réda Benjelloun. Article modifié le 15/12/2017 à 20h45