La Place Jamaâ el Fna est connue dans le monde entier. Son classement au patrimoine oral et immatériel de l'humanité, il y'a 10 ans, par l'Unesco, a participé à la renommée de la place. Moins connu, le classement exige aussi de l'Etat marocain qu'il protège ce patrimoine, or la folklorisation de la place menace. La Place Jamaâ El Fna, à Marrakech, a fêté le 10° anniversaire de son classement au patrimoine oral et immatériel de l'humanité par l'Unesco. Aussi vieille que la ville ocre, la place réunit encore aujourd'hui conteurs, acrobates, herboristes, charmeurs de serpent, dresseurs de singes, voyantes, prêcheurs... «[Elle] est un lieu majeur d'échanges culturels», détaille Francesco Baudron, directeur général adjoint de la Culture à l'Unesco. A la fin des années 90, l'écrivain Juan Goytisolo lance un mouvement qui aboutit au dépôt de dossier de candidature de la place. Jamaâ el Fna gagne le titre de chef d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité, de l'Unesco, le 18 mai 2001. Reconnaissance culturelle et atout économique. «Dans un contexte de concurrence accrue entre les territoires, le patrimoine culturel est devenu un enjeu majeur d'attractivité touristique et du développement des territoires», soutient Hamid Narjiss, président du Conseil régional de Marrakech Tensift Al Haouz. Depuis lors, la place semble s'être endormie sur ses lauriers et les autorités régionales et locales n'ont pas particulièrement entretenu son patrimoine. Pourtant, «en présentant sa candidature, le Maroc s'est engagé à mettre en œuvre un plan de sauvegarde pour assurer la viabilité de ce patrimoine et remédier aux dangers qui pèsent sur lui», assure Franscesco Baudron. «L'affluence touristique engendrée par la proclamation et par l'évolution même de la société civile marocaine ont sérieusement affecté la dynamique de la place. Tandis que les activités commerciales ont gagné en importance, l'art des conteurs, des charmeurs de serpents ou des acrobates a été relégué à un deuxième plan», explique Ouidad Tebbaa, doyenne de la Faculté des lettres et sciences humaines de Marrakech. «Les réticences et même l'aversion avec laquelle certains acteurs de la Place Jamaâ El Fna envisagent que leurs enfants puissent leur succéder en dit long sur la valeur qu'ils accordent à leur art et surtout sur la considération que la société leur confère», appuie Ahmed Skounti, anthropologue à l'Institut national des sciences de l'archéologie et du patrimoine. La mairesse de Marrakech, Fatima Zahra Mansouri, assure que le Conseil de la ville vient de voter des actions majeures, dont «la création d'un centre d'interprétation [...] mais aussi la création d'une fondation qui regrouperait toutes les instances concernées, en vue d'une gestion durable de ce site.» Il serait temps, car «l'année prochaine, le Maroc fera un rapport au Comité intergouvernemental sur les mesures engagées destinées à la sauvegarde de la place Jamaâ El Fna», souligne Francesco Bandarin. L'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco n'est pas sans conditions, et elle peut être supprimée. Cet article a été précédemment publié dans Yabiladi Mag n°8