Le roi Mohammed VI s'adressera ce dimanche au peuple marocain lors d'un discours à l'occasion de la fête du Trône. Un rendez-vous particulier puisqu'il intervient quelques semaines après la colère royale s'agissant du projet «Al Hoceima, Phare de la Méditerranée». En attendant, l'espoir d'une grâce royale accordée aux détenus du Hirak croît dans les esprits. Le Rif, et avec lui plusieurs Marocains et Marocains résidant à l'étranger, retient son souffle à l'approche du 30 juillet 2017. Une date qui coïncide avec la célébration du 18e anniversaire de l'intronisation du roi Mohammed VI, la fête du Trône. En effet, depuis déjà quelques semaines, au lendemain de l'arrestation des leaders du Hirak fin mai, beaucoup disent espérer un geste royal à l'intention du Rif, à travers une éventuelle grâce royale accordée aux leaders du mouvement contestataire qui secoue la province d'Al Hoceima depuis le décès, fin octobre, du marchand de poisson Mohcine Fikri. Le Hirak entre grâce et spéculations Comme à l'accoutumée, en l'absence d'informations, les spéculations vont bon train sur le sort des Rifains détenus à la prison d'Ain Sbâa à Casablanca. Hier, le journal espagnol El País a publié un article dans ce sens. Intitulé «Al Hoceima attend une possible grâce du roi pour ses prisonniers», l'article rappelle d'abord que le roi Mohammed VI accorde régulièrement sa grâce à des prisonniers à l'occasion de la fête du Trône. «L'année dernière par exemple, 1 272 personnes en ont bénéficié. En 2014, ce nombre a atteint 13 218. Le record a été enregistré en 2009 avec 24 000 détenus graciés», poursuit le quotidien espagnol. Les leaders du Hirak bénéficieront-ils de cette grâce ce dimanche ? El País reste sceptique, rappelant que le 26 juin dernier, le jour de la fête de l'Aïd Al Fitr, beaucoup de Marocains s'attendaient à une grâce à l'intention des Rifains. «Des milliers de jeunes sont descendus dans les rues ce jour-là pour exiger la libération des prisonniers [mais] la police a violemment réprimé les manifestants», écrit le journal. Dans une atmosphère tendue, une attente suffocante et presque neuf mois de manifestations, de mobilisations et d'interventions policières, l'espoir d'un geste des plus hautes sphères de l'Etat va crescendo. L'espoir gagne du terrain avec la fuite de ces informations sur une éventuelle mobilisation de certains responsables, aussitôt reprises par plusieurs médias à l'instar d'El País, du Desk et d'Al Aoual. Une médiation entre le Hirak et le Palais ? El País affirme même que «le Conseil national des droits de l'homme (CNDH) agit comme médiateur entre les prisonniers et le Palais royal». Celui-ci «veut obtenir certains engagements de la part des détenus pour calmer la situation», poursuit le quotidien, selon qui «tout le monde s'accorde sur ce point, mais il est encore difficile de trouver un terrain d'entente». Il va même jusqu'à citer le nom d'un conseiller du roi dont dépendrait la résolution de la crise du Rif. Dans cette même veine, le Desk n'y va pas mollo. Le média en ligne a indiqué mercredi que «les figures du mouvement social d'Al Hoceima ont été sollicitées pour introduire une requête de compassion au roi». Citant des sources concordantes, il ajoute que «le roi Mohammed VI aurait pour intention, dans son prochain discours du 30 juillet marquant le 18e anniversaire de la Fête du Trône, de marquer les esprits par des décisions aussi profondes qu'exceptionnelles». Le Desk rejoint également El País, déclarant que «Driss El Yazami, patron du CNDH, ferraille en coulisses pour obtenir un consensus favorable auprès des prisonniers» afin de solliciter la grâce royale. Un scénario qui ne fait pas l'unanimité, selon le Desk. En plus de Driss El Yazami, le site d'information marocain évoque Khadija Marouazi, réputée proche d'Ilyas El Omari. En début de semaine, le média Maghreb-Intelligence, cité par Al Aoual, a rapporté que la présidente de l'association «Al Wassit pour la démocratie» se serait rendue, le 20 juillet, à la prison d'Oukacha pour convaincre Nasser Zefzafi, figure de proue du Hirak et ses camarades de mettre un terme à la grève de la faim, prélude d'une sollicitation de la grâce royale. Certains facteurs contredisent les spéculations Contactée par Yabiladi jeudi, Khadija Marouazi affirme ne pas vouloir répondre à des «mensonges». «Je ne veux pas répondre à ces informations qui n'ont aucun fondement. (...) Répondre à ces allégations leur confèrerait un brin de vérité alors qu'elles sont très loin d'être vraies», nous a-t-elle confié. D'ailleurs, ce n'est pas le seul constat qui permet d'écarter l'éventualité d'une grâce royale aux détenus du Hirak. Ce vendredi, Al Aoual, citant l'avocat Isaac Charia, membre du comité de défense des détenus du Hirak, rapporte que le juge d'instruction près de la chambre criminelle de Casablanca entendra Nasser Zefzafi une nouvelle fois le 1er août. «Une décision qui ne nous donne qu'un mince espoir pour une éventuelle résolution du dossier des détenus», a commenté l'avocat. Pour rappel, la grâce royale, énoncée par l'article 58 de la Constitution de 2011 selon lequel «le Roi exerce le droit de grâce», n'a été jusqu'ici accordée qu'aux détenus déjà jugés par les tribunaux du royaume, ce qui n'est pas encore le cas des détenus du Hirak. De plus, une grâce royale, 9 mois après la naissance du Hirak et plusieurs semaines après l'apparition des premiers slogans appelant à la libération de tous les détenus, ne serait-elle pas perçue comme une concession totale aux revendications des rues d'Al Hoceima, ou un signe de faiblesse ?