Les avocats Isaac Charia et Mohamed Ziane confirment ce vendredi l'information selon laquelle d'autres détenus du Hirak ont été filmés «presque nus». Ils menacent de recourir à des juridictions étrangères pour punir les responsables. C'est sur les réseaux sociaux que l'information est partie tel un feu dévorant du chaume. «La vidéo de Zefzafi n'est pas un cas isolé. D'autres détenus ont eux aussi été filmés de la même manière», écrivent plusieurs internautes sur Facebook, citant un article publié ce vendredi par Annahj Addimocrati (Voie démocratique). Cette source déclare qu'«au sein des locaux de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), d'autres détenus ont eu droit à leur lot d'humiliation, et ont été filmés presque nus lors des interrogatoires». «Les détenus concernés ont même exprimé, devant le juge d'instruction, leur crainte que ces images soient utilisées contre eux», poursuit Annahj Addimocrati sur son portail officiel. Contacté ce vendredi par Yabiladi, Maître Isaac Charia, membre du comité de défense des détenus du Hirak, confirme l'information : «Un autre groupe a été filmé de la même manière que Nasser Zefzafi dans les locaux de la BNPJ. Je le confirme.» Il précise aussi qu'«il ne s'agit pas de tous les détenus, mais de la plupart». «Après la vidéo de Nasser Zefzafi, nous avons demandé aux détenus s'ils avaient été eux aussi filmés au siège de la BNPJ. Certains ont répondu par l'affirmative. Nous avons découvert qu'il y avait une catégorie concernée, à savoir les figures connues du Hirak, mais je ne peux pas vous donner de noms.» Ziane accuse le procureur du roi De son côté, Maître Naima El Guellaf, membre du comité de défense des détenus, nous a dit ce vendredi ne pas être au courant. «Je n'ai aucune information à ce sujet», a-t-elle lâché brièvement avant de raccrocher. Même réaction de la part de l'avocat Rachid Bellali : «Je n'ai pas encore consulté mes collègues, je ne suis donc pas en mesure de confirmer ou d'infirmer ces informations.» Pour sa part, l'avocat de Zefzafi, Maître Mohamed Ziane, considère ces informations comme «une tentative de décourager les détenus et porter atteinte à leur moral en les humiliant aux yeux de la population du Rif». Ce dernier d'ajouter : «Si cela est vrai alors ces vidéos seraient prises sous les ordres du procureur du roi.» «Je vous dis que des vidéos ont été prises par un comité de médecins sur ordre du procureur du roi. Si quelqu'un les divulgue, qu'il s'agisse d'un policier ou d'un ennemi du Hirak, il faudra que le parquet général accélère le pas pour arrêter les responsables et mettre fin à ce scandale. Ce n'est pas dans nos intérêts ni ceux du Maroc de divulguer ces enregistrements. En aucun cas ils n'ont impacté le moral ou la noblesse du Hirak.» «Il est probable que, à l'instar de Nasser qui a été filmé lors de l'expertise médicale, d'autres cas similaires aient eu lieu. Si vous m'envoyiez un médecin qui me demandait d'enlever mon pantalon, je le ferai sans hésiter. Maintenant, le parquet général doit assumer ses responsabilités», enchaîne-t-il. L'enquête sur la vidéo de Zefzafi, «un gros mensonge» Quant à l'enquête annoncée lundi par le procureur du roi, suite à la diffusion de la vidéo de Nasser Zefzafi par un média proche des milieux sécuritaires, Maître Isaac Charia estime qu'«elle ne servira à rien». «Il n'y a ni enquête, ni investigation. C'est un gros mensonge qu'on adresse aux Marocains», commente-t-il, s'interrogeant sur «le véritable responsable de tout cela». «C'est le procureur général et la BNPJ, ceux-là mêmes qui enquêtent sur la vidéo. Cela fait près de cinq jours et personne n'a été arrêtée alors que le coupable est connu. Trois institutions sont impliquées, à savoir le parquet général, la DGAPR et la BNPJ, que Nasser n'a pas quittées.» La défense de Zefzafi «laissera une dernière chance pour arrêter les coupables» avant d'emprunter une autre voix, poursuit Isaac Charia. «Je peux vous assurer que nous ferons appel aux justices française, américaine et internationales. Nous sommes d'ailleurs en train de préparer ces recours», lâche-t-il. Rachid Bellali rapporte quant à lui que la figure de proue du Hirak n'est toujours pas en mesure d'identifier l'auteur de la vidéo ou la fonction de ce dernier : «Il ne se souvient pas exactement de la date à laquelle la vidéo a été filmée et attend lui aussi les résultats de l'enquête.» L'avocat de conclure : «Nasser Zefzafi est déterminé à porter plainte contre l'auteur de la vidéo ou, le cas échéant - si l'administration n'est pas capable de se désassocier de cette personne ou de la déterminer -, contre l'institution responsable du tournage de la vidéo et de sa fuite.»