Accusés d'«apologie et incitation au terrorisme» au lendemain de l'assassinat de l'ambassadeur russe à Ankara, en décembre 2016, les sept «jeunes Facebookiens» ont été condamnés jeudi à des peines allant d'un à deux ans de prison ferme. Des jugements «exagérés et désolants», estime leur avocat. La chambre criminelle chargée des affaires liées au terrorisme près la cour d'appel de Salé a rendu jeudi soir son verdict à l'encontre de six jeunes, dont certains issus de la jeunesse du PJD, accusés d'«apologie et incitation au terrorisme». Ils ont écopé d'un an de prison ferme et d'une amende de 10 000 dirhams pour avoir publié des statuts Facebook saluant l'assassinat d'Andreï Karlov, ambassadeur russe à Ankara, par le policier turc Mevlut Mert Altintas, en décembre dernier. Un septième accusé originaire de Meknès a été condamné à deux ans de prison ferme, rapportent nos confrères d'Alyaoum 24. Le représentant du parquet général a demandé au tribunal la condamnation des accusés pour «apologie d'un acte terroriste» sans prendre en compte le volet relatif à l'«incitation au terrorisme». De son côté, la défense a plaidé pour l'innocence des incriminés, ou pour une condamnation équivalente à la durée qu'ils ont passée en prison, soit quatre mois depuis leur incarcération en mars, estimant que l'intention criminelle n'a pas été démontrée dans cette affaire. Des jugements «exagérés et désolants» «Les jugements sont exagérés et désolants», a réagi hier soir l'avocat PJDiste Abdessamad Idrissi. «Etes-vous satisfaits de la condamnation de ces jeunes, qui représentent l'élite de ce pays ?», s'est-il interrogé. De son côté, la députée parlementaire Amina Maelainine, l'une des fervents défenseurs des «jeunes Facebookiens» sur les réseaux sociaux, a estimé que les détenus «ont payé cher la taxe du militantisme alors qu'ils sont à la fleur de l'âge et issus d'un milieu modeste». «Certains ont perdu leur travail et d'autres ont laissé derrière eux des femmes enceintes ou des enfants», poursuit-elle. «Benkirane avait déclaré une fois qu'en politique, il n'y a pas d'assurance pour tous les risques. Certains à qui la politique a beaucoup offert, qui ne sont pas prêts à en payer le prix, peuvent changer leur position du jour au lendemain. D'autres imaginent que le fait de changer de position et de sacrifier la ligne politique d'un parti et sa direction pourra éloigner le danger de ce parti», écrit encore Amina Maelainine, membre du conseil national de la Lampe. «Sacrifier les valeurs et les fondements d'une formation politique, qui n'existerait pas sans ces composantes, constitue le vrai danger», ajoute-t-elle. Le 19 décembre, des internautes avaient salué sur la principale page Facebook des islamistes du PJD, intitulée «Les chevaliers de la réforme», ainsi que sur leurs pages personnelles, l'assassinat de l'ambassadeur russe à Ankara, qualifiant l'auteur de «héros» et de «digne descendant des Ottomans, du sultan Mehmet II le Conquérant et de Soliman le Magnifique». Le lendemain, les ministères de la Justice et des libertés et de l'Intérieur étaient revenus sur ces réactions. Rappelant dans un communiqué que le délit d'«apologie du terrorisme» est «punissable par la loi», les départements, à l'époque dirigés par Mohamed Hassad et Mustapha Ramid, avaient annoncé l'ouverture d'une enquête sous la supervision du parquet général. Le but était d'«identifier les personnes impliquées et engager les procédures juridiques à leur encontre». Des jeunes majoritairement issus des rangs de la jeunesse du PJD avaient ensuite été arrêtés. Depuis, des voix émanant du parti au pouvoir dénonçaient et rejettaient le communiqué conjoint et les arrestations de plusieurs militants. En mai, deux mois après leur incarcération, les sept jeunes avaient entamé une grève de la faim à la prison locale de Salé.