Trente-deux membres du Hirak ont été condamnés hier par le tribunal de première instance d'Al Hoceima. Beaucoup d'autres vont suivre car plus d'une centaine de personnes ont déjà été arrêtées dans le cadre des manifestations du Rif. Chaque jour de nouvelles arrestations ont lieu. Un véritable défi pour les avocats bénévoles. Les premières condamnations des manifestants du Hirak à Al Hoceima sont tombées hier après-midi, après un procès marathon de presque 24 heures : 18 mois de prison pour les 25 prévenus en détention provisoire et deux à six mois de prison avec sursis pour les 7 accusés qui comparaissaient libres. Ils étaient poursuivis pour rébellion, attroupement armé, insultes et violences à l'égard d'agents de la force publique, dégradation d'objets affectés à l'intérêt général, outrage à agents de la force publique et manifestation sans déclaration préalable sur la voie publique. Le procès a commencé mardi à 13 heures, dans une salle comble. Familles, amis et autres membres du Hirak ont été nombreux à être venus en soutien, inquiets du sort des manifestants. Dans la salle d'audience, les hommes se sont assis à gauche de l'allée centrale, et les femmes à droite. «L'un des membres de ma famille a été arrêté dans son village à l'extérieur d'Al Hoceima. Il est accusé d'avoir participé à une manifestation non autorisée. C'est une injustice politique ! J'espère qu'il va être libéré», a déclaré Mohamed, venu assister au procès mardi. Entre les avocats, le procureur et le juge, le débat va longtemps tourner autour des pièces à conviction des dossiers. «Les dossiers sont des copier-coller les uns des autres. Ils sont seulement composés de photos des personnes qui manifestent. Ce n'est pas illégal, mais ces images sont présentées comme des éléments d'accusation», regrette Mohamed Ould Haj, l'un des avocats des membres du Hirak. En revanche, «le procureur a interdit aux avocats de montrer leurs propre vidéos. L'une d'entre elle a été tournée par l'un des accusés qui enregistrait un film avec son portable lorsqu'il a été arrêté. L'enregistrement n'a pas été interrompu et révèle que le jeune a été frappé et insulté», souligne l'avocat. A l'usure... Le procès, qui devait s'achever mardi, s'est poursuivi jusqu'à près de 3 heures du matin, sans que le verdict ne tombe. Mercredi matin, quand le procès a repris, les soutiens des prévenus étaient déjà beaucoup moins nombreux sur les bancs de la salle d'audience. Le mur d'avocats - une trentaine - qui séparait la veille le public du juge et des prévenus, était également moins dense. Avec un procès aussi long, «la stratégie de l'accusation est de fatiguer les avocats. Il y a 600 kilomètres entre Rabat et ici ! Les tribunaux refusent également de regrouper les dossiers. Je ne sais pas si on va tenir, mais pour l'instant nous continuons à assister les accusés. Nous collaborons : les avocats d'Al Hoceima assistent ici les accusés, les rencontrent en prison et envoient un PV aux avocats de Casablanca qui assistent les autres prisonniers et tiennent informés les avocats d'Al Hoceima», explique Yahia Charia, avocat au barreau de Tétouan. Si les différents avocats bénévoles ont pu assister ensemble les 32 accusés de ce premier procès marathon, il reste en effet encore plusieurs dizaines de détenus, d'autant que de nouvelles arrestations ont lieu chaque jour. «Je crois que l'Intérieur à une liste des personnes qu'il prévoit d'arrêter», révèle une source proche des autorités. Les sécuritaires sur le qui-vive Au total, mardi, plus d'une centaine de membres du Hirak étaient en prison : 62 à Al Hoceima et les autres à Rabat. Leur nombre devrait encore augmenter car la situation s'envenime. Hier soir, lors de la manifestation à Al Hoceima, policiers et manifestant ont échangé des tirs de projectiles. La veille du verdict, si la police a bloqué l'avancée des groupes de manifestants qui parcouraient la ville, la manifestation est restée pacifique, en dépit d'une charge des forces anti-émeute. «Aujourd'hui, nous sommes tout ouïe lorsque les manifestations sont pacifiques, mais il y a une volonté manifeste de passer à quelque chose de très grave», estimait un responsable du ministère de l'Intérieur, la semaine dernière dans une déclaration officieuse à la presse internationale. «Le programme 'Al Hoceima, ville phare de la Méditerranée' est achevé à 90%. Une délégation ministérielle et des représentants des Offices se sont rendus à Al Hoceima et ont pris attache pour voir l'avancement des projets, mais les manifestations continuent en dépit de l'écoute des responsables politiques. On s'interroge donc sur les intentions réelles des manifestants, d'autant plus lorsqu'il y a des débordements violents», a-t-il ajouté, suggérant une nouvelle fois que le Hirak serait soutenu par le Polisario.