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Semaine mytho : Bouchta Jebli au consulat marocain
Publié dans Yabiladi le 08 - 05 - 2011

Comme Nicolas Bedos, pour moi ce fut une semaine de merde, alors imaginez ce que je pense... de la vôtre !
Lundi
Je me réveille très tôt. J'appréhende avec angoisse la longue journée consulaire qui s'annonce. Objectif : réussir à efaire mon passeport rapidement pour mon voyage au Maroc.
J'arrive devant le consulat pile à l'heure d'ouverture. Sauf qu'il est encore fermé. 30 minutes plus tard, on ouvre enfin les portes. A l'entrée, on t'accueille comme si t'étais un ennemi, ou un type venu les embêter. «Aji, c'est pour quoi ? Nimiro dla carte ?» Le ton est sec ! Je me demande un instant si je ne me suis pas trompé d'endroit. Suis-je dans un commissariat à Marignane Ai-je enfoncé la porte d'une permanence du FN ? Non, le moustachu patibulaire ne peut être que Marocain avec son pull sous sa chemise. Une mode spécifique au Maroc ! Il pousse même le vice jusqu'au bout avec son jogging qui dépasse sous son pantalon en tweed chiné. Ouch ! Il a du chien le chaouch, un vrai look Deschiens.
Le monsieur me regarde droit dans les yeux tel un douanier expert en profiling, et me lance, au cas où je ne l'aurais pas remarqué : «ici vous êtes au Maroc !» Se sentir étranger dans son propre pays, quelle terrible sensation ! Dès l'entrée au consulat, pèse sur vos frêles épaules tout le passé autoritaire de l'administration marocaine. Le consulat : le meilleur remède pour guérir les nostalgiques du Maroc. Finalement, je devrais repasser demain, car le monsieur qui s'occupe des passeports est en arrêt maladie. Il n'avait pas complètement digéré le litre de whisky enfilé la veille.
Mardi
Me revoilà. Cette fois tout va bien. Le fonctionnaire préposé aux passeports a eu le temps de décuver depuis dimanche. Je dépose mon dossier : je dois revenir le lendemain. Alors que je m'apprête à sortir, j'aperçois Rachida, une amie d'enfance, qui en vient aux mains avec le fan du Jack Daniels. Je les sépare de peur qu'elle ne fasse qu'une bouchée du fonctionnaire pochtron. Je la calme. Elle me montre, alors, son passeport flambant neuf. Toutes les informations renseignées sont correctes sauf… la photo. La pauvre, on l'avait affublée d'une photo de moustachu. Je la taquine : «Wesh Rachida, tu n'avais plus de cire à épiler ? Tu te laisses aller, dis donc.»
Avec mon humour charmeur, je lui décroche un sourire. Elle se calme et prend rendez-vous avec son putching-ball des passeports pour la semaine prochaine. C'est magique ce consulat. Tu rentres Rachida, et tu ressors Rachid... sans intervention chirurgicale, sans douleur. Les transsexuels en rêvaient, les consulats Marocains l'ont inventé.
Mercredi
Je me retrouve dans la salle d'attente du consulat. Enfin «salle d'attente» est peut-être un peu prétentieux. C'est tout le rez-de-chaussée qui sert à la fois de lieu d'attente, de salle de photocopies, de bureau, de photomaton, de buvette et même Avril 2011 Yabiladi MAG 25 de WC, s'ils n'étaient séparés par un mur en parpaings, aussi fin que le professionnalisme de nos fonctionnaires.
Je vois une femme à la longue chevelure fondre en larme à côté de ces toilettes. Je m'approche d'elle. Sa demande a été retoquée par le fonctionnaire : il exige d'elle un certificat de vie (pour attester que la personne qui se tient devant lui n'est pas morte - sic) de moins de 3 mois. Le sien est trop vieux de 15 jours. Hayat, pulpeuse marocaine de 28 ans, des yeux noisettes envoutant, a pourtant l'air en pleine forme. Comment ose-t-on lui demander un certificat de vie avec un prénom pareil ? S'il lui arrivait malheur, je me porterais tout de suite volontaire pour la réanimer. Quoi ? Je n'ai pas mon brevet de secourisme ? Et alors ? Je suis un cherif, j'ai la baraka en moi.
Pour ma proximité intéressée avec la charmante Hayat, le préposé aux passeports met mon dossier en bas de la pile et me signifie qu'il faudra repasser demain.
Jeudi
Je suis de nouveau au consulat. Je commence à me faire à ce local aux murs délabrés et à l'ambiance électrique. ustement, il y a de la tension dans l'air. Un monsieur devant moi s'excite en langue amazighe. Je ne comprends pas ce qu'il dit car, question langue de Rouicha, je suis un analphabète. On se retrouve plus tard devant la machine à café. Il n'a pas de monnaie (Il doit être chelh le gars ?!) donc je l'invite. Lahcen, natif de Gennevilliers, est ignorant de la langue chère à Abdelhadi Belkhayat. C'est donc tout naturellement qu'il s'adresse en français au fonctionnaire qui en retour l'accueille froidement.
En arabe, il lui dit : «tu viens demander les papiers marocains et tu ne parles pas la langue de ton pays ?» Lahcen bien qu'il ne parle pas l'arabe, le comprend suffisamment pour déceler le mépris. Il fulmine et débite en langue amazighe tout ce qu'il pense de ce consulat. Le moustachu en est resté bouche bée. Finalement, Lahcen parlait bien la langue de son pays.
Mais ce n'était pas fini, puisque le prénom qu'il a choisi pour son enfant a été refusé par le même moustachu. Motif : pas dans la liste des prénoms autorisés. Situation kafkaïenne. Le franco-marocain n'avait rencontré aucun problème à inscrire le prénom amazigh dans l'Etat civil français, mais se voit ignorer par son pays d'origine.
Pour mon passeport, c'est le statut-quo. Le fonctionnaire me précise qu'il y a une erreur et que je dois repasser.
Vendredi
Las des allers-retours administratifs en territoire marocain, je suis allé à la préfecture, récupérer mon passeport français. En sortant, je croise Abderraouf. Après les salamalecs d'usage, généreux comme je suis, je l'invite à prendre un café dans le quartier. Il me lance : «non désolé Bouchta. Je suis pressé, je dois aller au consulat» et disparait dans la bouche de métro. Je n'ai pas eu le temps de lui rappeler que c'était férié aujourd'hui au Maroc. Le consulat est fermé.


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