Quelles sont les différences et les similitudes entre un Ramadan de l'autre côté de la Méditerranée et un Ramadan au Maroc ? Des Marocains de France, d'Italie, d'Allemagne, des Pays-Bas mais aussi du Royaume-Uni nous livrent leur ressenti quant à leur jeûne du Ramadan. Témoignages. Il est enfin arrivé et il nous salue, le Ramadan au Maroc, l'occasion de vivre le temps d'un mois au rythme des couchers et des levers du soleil, mais aussi au rythme des appels à la prière et des bons petits plats à l'heure de la rupture du jeûne. Cela dit, la communauté marocaine dans le monde n'est pas en reste, elle vit ce mois-ci également de façon traditionnelle la plupart du temps puisque les coutumes se transmettent de générations en générations. A quelques différences près... Des particularités... A l'occasion de ce mois, le Maroc ne lésine pas sur les actions en faveur notamment des fonctionnaires en leur offrant des aménagements d'horaires de travail. Un point bénéfique pour les salariés qui veulent s'adonner à leur pratique religieuse et spirituelle durant le mois sacré mais aussi pour donner du temps aux jeûneurs de préparer leur ftour au crépuscule. Ceci, tous les Marocains du monde contactés par Yabiladi l'évoquent. Et pour cause, ils estiment que l'esprit du Ramadan est bafoué et que cette souplesse accordée n'aide en aucun cas les Marocains du royaume, elle ne fait qu'ajouter à la fainéantise. Ils dénoncent par ailleurs une vie au ralenti et une paralysie quasi totale de la société et de l'économie marocaine durant un mois. Rababe, qui vit entre la France et le Maroc, enfonce le clou, «au Maroc tout est mort pendant le Ramadan». La jeune assistante juridique ne lésine pas sur les mots et explique : «je n'ai pas pris l'habitude car je suis active toute l'année en France. Au Maroc il suffit que ce soit le Ramadan pour que ça dorme et ce pendant 30 jours. Preuve en est, les horaires qui changent pour les administrations mais aussi l'heure. J'adhère pas à ce mode de vie spécial Ramadan.» Tandis que Abdeljalil, un Merrakchi établi à Bergame (Italie), «ne comprend pas pourquoi les Marocains au Maroc sont, à cette période, très énervés, aigris et agressifs. Ce sont de gros dormeurs durant le Ramadan, on ne peut pas leur parler sans se faire agresser et c'est valable aussi dans les administrations», se désole-t-il. Quant à Samira, mariée et maman de deux enfants qui vit à Francfort (Allemagne), «il y a certes des différences avec le Maroc, on n'est pas logés à la même enseigne mais il n'y a rien de mieux que de le passer ici même pour les enfants. Je pense qu'ils ne supporteraient pas et ne survivraient pas à la chaleur étouffante au Maroc. Chez nous il fait frais et c'est supportable malgré nos 19 heures de jeûne.» Et la Nadoriya d'ajouter : «même si on travaille, ce qui est bien chez nous en Allemagne c'est que les supérieurs comprennent la plupart du temps et nous avons souvent une petite demie heure pour rompre le jeûne lorque l'on termine tard. C'est mieux que rien !» Aux antipodes de ses compatriotes, Myriam, elle, estime que le Ramadan à Montpellier manque de charme et de beauté. «Au Maroc on ressent que c'est le Ramadan, on le vit bien là-bas. Ici tout le monde mange toute la journée et la chaleur rend les choses plus difficiles avec toutes ces heures de jeûne», raconte la jeune étudiante de 20 ans. C'est un tout autre décor que l'on retrouve aux Pays-Bas. Massira, elle, témoigne d'une ambiance de partage et de curiosité de la part des néerlandais à Amsterdam, «aussi paradoxal que cela puisse paraître, les Néerlandais n'hésitent pas à prendre part aux festivités dans les mosquées par exemple qui offrent le repas. Ils adorent découvrir notre culture et nos coutumes en ce mois sacré.» Mais dans ce petit échantillon, il existe aussi les étudiants seuls qui s'expatrient sans famille la plupart du temps. C'est le cas de Othman qui a vécu près de 7 ans au Royaume-Uni avant de passer également quelques temps au Mexique. Les deux pays lui ont livré deux expériences différentes au moment du Ramadan. «Durant mes années estudiantines en Angleterre j'étais en campus. Les premières années j'allais à la mosquée locale où des associations caritatives nous donnaient à manger, c'était plutôt pratique et c'était assez frugal mais ça nous permettait de faire des économies». Au Mexique en revanche, Othmane nous conte un autre vécu : «c'était beaucoup plus difficile car il n'y avait pas beaucoup de Marocains». Effectivement, selon lui, les statistiques officielles annonçaient seulement 52 Marocains établis sur le sol mexicain. D'autant plus que «les Mexicains n'ont pas vraiment la notion du jeûne, alors qu'en Angleterre il est culturellement admis», explicite le jeune homme. Un dernier point qui pourrait mettre tous nos MRE d'accord, c'est bien les prix des produits de première necéssité. Une inflation qui touche généralement le royaume à l'approche de chaque fête ou occasion religieuse mais qui reste inexistante pour le plus grand bonheur de la diaspora. Pour Rababe, sur ce point, «il y a rien de mieux que de jeûner en France, il y a des choses qu'on a ici qu'on ne pourrait pas se permettre au Maroc où tous les prix augmentent. Ou alors ce sont des produits inexistants là-bas. Du coup j'aime mon confort et avoir tout à portée de main au moment du ftour.» Samira quant à elle témoigne de ce choc concernant les prix : «Dieu merci, ici rien n'augmentent, les prix ne bougent pas. C'est pas comme au Maroc au moment où il faut baisser, c'est là que tout augmente». ...et des similitudes Malgré tant de points distinctifs entre le Ramadan européen et le Ramadan marocain, il existe évidemment des éléments de convergence. Et il se trouve dans les mets ramadanesques mais aussi les soirées ramadanesques ponctuées tantôt de prières tantôt de sorties nocturnes. Lorsque le Ramadan frappe aux portes des foyers marocains, ce sont harira, chebakia, sellou et dattes qui riment avec le mois de jeûne. A croire qu'ils se sont passés le mot mais les Marocains en Europe sont unanimes sur un point, «la harira sur la table du ftour, c'est incontournable». La table de ftour de Rababe. /Ph. Rababe. Abdeljalil, qui est gérant d'un restaurant marocain, ne peut s'empêcher de le crier haut et fort, «je propose chaque soir sur ma carte durant le mois un ftour pour mes clients. Cela permet de créer une ambiance conviviale et familiale et ça ne désempli pas. Que ce soit en famille ou entre amis, les clients sont ravis de se réunir autour d'une même table au moment du maghreb.» Se rassembler autour d'une même table, un des charmes du Ramadan. Pour Samira, «c'est important pour nous de nous réunir, d'être dans une atmosphère chaleureuse. C'est pour ça aussi qu'on prépare des bons plats pour recevoir et apprécier manger avec ceux qu'on aime.» L'incontournable harira ne déserte aucunement les tables, c'est en tout cas LE plat à ne pas oublier pour Myriam : «pour maman, s'il n'y a pas la harira il n'y a rien sur la table. La harira, la chebakia, les dattes, la zemita, c'est obligé». Et la montpelliéraine d'ajouter : «Au moment du ftour il y a toute la famille autour de la table, on est pas deux ou trois. Mes frères viennent manger à la maison, on se réunit tous.» Le seul bémol que Rababe mettrait à sa table ramadanesque c'est qu'«[elle] est obligée de cuisiner en France, alors qu'au Maroc tout est prêt. Pas besoin de passer sa journée aux fourneaux.» A contrario Samira vante les commerces allemands : «ce qui est bien, c'est que quand je travaille je peux acheter près de chez moi, il y a pas mal de commerces marocains et syriens qui proposent des choses très apétissantes, comme au Maroc. Concernant ma table au moment de manger, rien ne change de ma table au Maroc, je la reproduis à l'identique», nous confie-t-elle. Enfin, le vecteur de tout ce mois sacré, et qui fait de lui l'un des piliers de l'islam est bien la spiritualité et le rapport à Dieu. Comme au Maroc, à Amsterdam et partout en Europe, «tout le monde va à la prière du soir. C'est vrai que c'est plus régulier durant les weekends car nous rompons le jeûne très tard et nous travaillons très tôt mais c'est important. Nous avons des mosquées à deux pas de la maison», expose Massira. Un travail pénible souvent, des heures de jeûne plus longues et une vie au ralenti contestée, malgré ces contrastes il existe tout de même des points communs parmi le Ramadan des Marocains. Malgré la ghorba et parfois le manque de la famille, surtout lorsqu'on est seul, aucun Marocain ne déroge à la règle, le Ramadan a ses coutumes qu'il faut respecter. Chaque Ramadan est unique et permet à chaque Marocain de renouer avec ses racines n'importe où dans le monde.