Les «Master Musicians of Jajouka» continuent de répandre leurs mélopées traditionnelles le long d'une tournée européenne qui s'est arrêtée au Danemark le week-end dernier. Jajouka, c'est cette musique soufie, célèbre depuis que son destin a croisé celui du fondateur des Rolling Stones, Brian Jones vers la fin des années 60. Masters of Jajouka. / Ph. Facebook Ph. Facebook Samedi soir à Copenhague, un florilège de partitions de la musique millénaire des Jbalas de Jajouka a trouvé échos dans les oreilles danoises. Lors d'une soirée organisée par l'ONG Nasim, les sept Mâallems de Jajouka guidés par Bachir Attar ont émerveillé le public de leurs sonorités et la profondeur de leurs tons, alliant danse, transe et mystique. «C'est notre quatrième visite à Copenhague, merci d'être venus si nombreux nous honorer de votre présence. Je ne vous parlerai pas des Jajouka, la musique saura mieux parler d'elle-même», a lancé le maestro à l'adresse de l'assistance. Entamés sur le ton d'une lointaine berceuse, les sons profonds et mélancoliques de la flûte entraînent l'oreille à de lointains paysages. Fusion instrumentale Jajouka est d'abord le nom d'une localité dans les montagnes du Rif, à 100 km environ au sud de Tanger. Enturbannés et drapés de leurs costumes traditionnels marocains faits de djellabas vertes et de babouches jaunes, les musiciens ont entamé le premier temps de leur valse par des modulations savamment orchestrées aux sons de quatre ghaitas qui, rythmées par une tambourine, donnent la réplique à deux plus grands tambours. La fusion des hautbois, au départ lancinante, enveloppe la salle comme par enchantement au fur et à mesure que s'accélère le tempo et que s'amplifie la cadence des roulements pierreux des tambours : On reconnait nettement le rythme des Jbala, tout comme les hauteurs, les vapeurs et les reliefs du Rif marocain. Puis, infiniment lentement, le rythme change de tempo et le ton monte pour donner lieu à des airs joyeux propres à un temps printanier où l'on peut aisément reconnaître le souffle d'une brise matinale caressant le tapis vert d'une prairie ou les branches d'un olivier millénaire de Jajouca. Au troisième temps de sa soirée copenhagoise, l'assistance est gratifiée d'une chanson en darija sur fond du majestueux hajhouj, d'un violon, d'une tambourine, et de deux tambours. Les instruments utilisés par Jajouka sont un ensemble d'instrument à vent, à cordes et de percussion. Des montagnes du Rif à la Beat Generation Faut-il rappeler que les Jajouka sont d'abord une confrérie de musiciens qui, fondée depuis un temps indéterminé, aurait des pouvoirs thérapeutiques ? La légende raconte qu'au VIIIème siècle, la famille Attar invite Sidi Ahmed Sheikh, un sage et grand voyageur venu de Perse, qui sur le chemin vers l'Andalousie terminera sa vie ici, là où il est enterré. Fasciné par les musiciens de la localité, il leur transmet son savoir métaphysique et leur apprend comment soigner les malades et les fous. Les musiciens de Jajouka, jadis sollicités pour les mariages, les naissances et les circoncisions confinés aux montagnes du Rif, sont sortis de l'ombre au niveau du Maroc et à l'international grâce à l'écrivain américain Paul Bowles. Ce dernier, installé à Tanger depuis 1947, les fit découvrir à toute la Beat Generation. Dès lors, curieux et amateurs d'expériences extrasensorielles, allaient affluer vers les contreforts du Rif : l'artiste performer Bryan Geysin, le guitariste des Rolling Stones Brian Jones, le romancier William Burroughs, le saxophoniste de free jazz américain Ornette Coleman, et pleins de documentaires, de concerts et de performances. La rencontre entre Bachar Attar, Mick Jagger, Ron Wood et Keith Richards a eu lieu dans un palais de la Kasbah à Tanger. Les trois jours d'enregistrement ont d'ailleurs été filmés par la BBC en 1989. Dans le site des Maîtres de Jajouka, on retrouve la définition de chacun des instruments La «Ghaita» est un corneau à double corne avec une série de trous, en bois d'abricot à Ouezzane, une ville du nord du Maroc. Parfois appelé le hautbois arabe, les variations de la Ghaita se retrouvent dans d'autres parties du monde comme la Perse, l'Inde et la Chine. Dans la catégorie des instruments à vent, la lire est cette flûte de bambou faite à Jajouka. En percussions : le «tebel» est un tambour à double peau fabriqué dans une variété de tailles. Les tambours sont fabriqués avec de la peau de chèvre. On y et joue avec les bâtons et les mains. La darbouka est un petit tambour en céramique avec un piège. Il a un son fort pour sa taille. Le «bendir» est un gros tambour peu profond avec un piège, commun en Afrique du Nord. Le Guembri est un dérivé du luth avec un dessus en peau de chèvre. Il a quatre cordes traditionnellement fabriquées à partir d'intestins de chèvre, mais maintenant souvent enfilées avec des cordes en nylon. Un violon, (kamanja) joué droit sur le genou, est généralement accompagné du Guembri, de la percussion et du chant.