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Chibanis #1 : Jamais sans ma sœur !
Publié dans Yabiladi le 08 - 04 - 2017

Ils sont souvent considérés comme les «Oubliés de la République», et pour cause depuis quelques années ils se battent sans relâche pour obtenir des droits qui leur ont longtemps été ôtés. Les Chibanis, ces «vieux» retraités venus du Maghreb pour travailler en France et «bloqués» aujourd'hui, ont constitué une vive polémique ces derniers temps par le vote d'un décret, en février dernier, plombant tous leurs espoirs de vivre une retraite paisible et méritée dans leur pays. Ce qui est beaucoup plus inhabituel, c'est d'entendre parler des Chibaniates, car oui elles ont aussi été nombreuses à s'expatrier comme la gent masculine dans les années 1960-1980. Témoignages.
Pour notre premier focus de cette série consacrée à cette première génération d'émigrés marocains, les Chibanis et Chibaniates qui ont tant donné pour leur pays d'accueil, nous allons nous intéresser au parcours de Lkbira et sa sœur Zohra.
Du haut de ses 93 ans et avec un caractère bien trempé, c'est entre deux interviews que Lkbira se fait un plaisir de nous répondre et de nous conter sa vie. Une vie rythmée par des joies, des peines, des galères mais surtout un chemin empli d'embûches qu'elle a su surmonter avec sa sœur. Lkbira et Zohra, deux soeurs Chibaniates marocaines de Casablanca venues travailler dans l'Hexagone pour seul but d'offrir une belle vie à leurs enfants. Résidentes aujourd'hui en pension de famille Adoma à Montpellier et inséparables, elles se ressemblent dans tout. L'une, Lkbira est veuve, l'autre divorcée. Mamans toutes les deux d'un garçon chacune, elles voulaient simplement faire vivre leur progéniture de la meilleure manière qui puisse être.
Exposition photo de Luc Jennepin "Chibanis, la question". /Ph. L. J.
Il y a plus de 40 ans, elles quittaient le Maroc
«Moi, je suis arrivée à Montpellier à l'époque de De Gaulle», rétorque Lkbira d'un ton ferme, sa Casablanca natale qu'elle a quittée en 1968. Un point que Brahim, 71 ans, et fils unique de Zohra, la benjamine de la fratrie âgée de 90 ans, ne manque pas de souligner : «Ma mère et ma tante ont travaillé plus de 40 ans en France, elles se sont expatriées là-bas après le divorce de maman, c'est elle qui est partie la première car elles ne sont pas allées ensemble». «Ma tante est arrivée à Montpellier bien après, elle a décidé de partir suite au décès de son mari», poursuit le neveu de Lkbira.
«Mon mari est décédé et m'a laissé un enfant. Mon fils était avec moi, il a grandi avec moi à Montpellier et a même étudié ici. Après ses études, il a travaillé plus de 25 ans au service de son patron», se remémore Lkbira. Cette femme de poigne avait commencé à travailler au Maroc pour des familles françaises, jusqu'au jour où l'un de ses employeurs lui suggère de le suivre pour continuer à lui offrir ses services mais en France, Lkbira venait de perdre son mari à cette époque. C'est ainsi qu'elle a servi durant toute sa vie l'une des plus grandes famille montpellieraine pour qui elle a élevé trois générations d'enfants, «moi je travaillais dans tout, le ménage, la cuisine, tout». Un jour, se souvient cette nounou : «Un des enfants m'a giflée et une dame est intervenue en me disant qu'il fallait que je lui donne une fessée». «Je lui ai répondu que je n'avais pas le droit de le réprimander, seuls ses parents ont le droit de lui mettre la fessée». Et la grand-mère d'ajouter, «je faisais des bisous et j'éduquais, je ne recourais jamais à la violence». Un aspect qu'elle a appliqué également dans l'éducation de son fils unique, El Khyati.
A contrario, Zohra, elle, a dû se séparer de Brahim, son fils, lorsqu'elle a migré, «moi je ne travaille pas et je n'ai jamais travaillé, sans ma mère je ne pourrai pas vivre». «Ça fait 40 ans que ma mère vit en France dans le seul but de subvenir à mes besoins. Moi, je suis né au Maroc et j'ai grandi au Maroc car maman était partie avec son employeur à l'époque pour travailler en France», raconte le septuagénaire. «Ma mère voulait juste m'offrir une meilleure vie, elle est partie pour moi, je suis son fils unique et c'est le cas aussi de ma tante. Elles ont toutes les deux fait tout ce chemin juste pour nous»,dit-il ému.
Et c'est d'une voix chevrotante qu'il nous confie également, «sans ma mère je n'aurais pas pu fonder une famille, je suis aujourd'hui marié et j'ai trois gosses et ma mère subvient encore à mes besoins. Malgré qu'après son départ j'essayais de me débrouiller avec des petits boulots comme vendeurs de légumes et autres, elle est restée ma source principale de revenus. C'est elle qui m'a marié et qui m'a aidé à construire ma famille».
Une France qui n'est pas reconnaissante
La suite des événements a surtout était douloureuse pour Lkbira. Et pour cause, El Khyati, son fils unique, celui qui a passé sa vie près de sa maman a décidé d'aller vivre au Maroc. «Après la faillite de son patron, il a décidé de rentrer définitivement», nous confesse-t-elle. «Il est venu un jour en me disant qu'il voulait rentrer avec ses enfants. Je lui ai juste répondu qu'auparavant nous étions que deux et que c'est moi qui décidais, maintenant tu as une femme et c'est elle qui a le dernier mot !», dit la retraitée au fort tempérament . C'est alors que cette petite famille se sépara, il y a 18 ans, avec dans chacune des rives de la Méditerranée le bout d'une histoire ; une période difficile pour Lkbira qui ne pouvait quitter la France de peur de perdre ses prestations sociales. L'une des problématiques pour laquelle les militants pour les droits des Chibanis se battent depuis des années.
«Mon fils a alors débuté une nouvelle vie au pays avec ses enfants et son épouse. Depuis, ses enfants ont fini leurs études là-bas et travaillent même aujourd'hui. D'ailleurs ma petite fille a épousé un gendarme à Casablanca
«Je vis depuis 5 ans au foyer avec ma sœur, elle est avec moi mais malheureusement elle est handicapée et très malade, nous sommes restées seules ici en France», se désole-t-elle.
Les deux sœurs vivent aujourd'hui à Montpellier dans la pension de famille Adoma. /Ph. Maxime Dimacopoulos
«Maman est infirme depuis 18 ans et l'essentiel à savoir c'est que maman a vraiment tout fait pour moi et elle a galéré pour m'élever, elle a énormément bataillé pour mon bien-être et elle continue encore aujourd'hui même malade à m'envoyer de l'argent pour vivre», nous confie Brahim, le cœur serré. Cependant, il reste très affecté par le handicap de sa maman Zohra :
«Maman est tombée malade en France et s'est retrouvée dans cet état là-bas, elle est partie en bonne santé d'ici mais à force de travail, elle a souffert d'hypertension. Lors d'une crise, un nerf s'est bouché, ce qui l'a rendue infirme des membres inférieurs et l'a condamnée au fauteuil roulant».
Brahim évoque la maladie de sa maman avec émotion, car depuis les venues de Zohra sont limitées compte tenu de sa santé. «Auparavant ma mère venait souvent, maintenant elle me rend visite une fois par an et reste chez moi durant un ou deux mois». Un manque qui le touche particulièrement.
Une vie semée d'obstacles et de travail sans relâche pour des enfants qui ne rêvaient que de vivre, mais à quel prix ?


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