Depuis le milieu des années 2000, la présence d'Alstom au Maroc s'intensifie. Contrats très médiatisés, le tramway de Casablanca et la ligne à grande vitesse (LGV) Tanger-Casablanca sont loin d'être ses seuls projets. L'entreprise française, plus discrète sur son volet énergétique, a aussi vendu plusieurs centrales au Royaume. Les activités d'Alstom ont commencé au Maroc dans les années 70», répète la communication de l'entreprise française implantée dans plus de 60 pays. Avec près de 842 millions d'euros (9,485 milliards de dirhams) de contrats au Maroc en cours depuis le milieu des années 2000 dans le seul secteur du transport, elles se sont, pour le moins, intensifiées. En dépit du fait que l'entreprise ne publie aucun chiffre d'affaires par pays, le Royaume n'est sans doute pas le dernier de ses pays d'implantation. Marchés publics contre investissements Annoncé en juillet, signé en décembre, le contrat d'Alstom avec le ministère de l'Equipement et des Transports et l'ONCF se monte à 400 millions d'euros. Alstom fournira à l'ONCF 14 rames de TGV pour la future ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca. Un mois plus tard, nouvelle annonce : Alstom signe une convention de partenariat industriel stratégique de grande envergure «qui engagera Alstom au Maroc pour les 10 ans à venir», souligne Eric Lenoir, responsable communication d'Alstom pour l'Europe du Sud-Est, le Moyen Orient et l'Afrique du Nord. La société s'engage à développer ses achats auprès de fournisseurs au Maroc à hauteur de 532 millions d'euros (6 milliards de dirhams), à installer dans le pays des activités de support informatique à distance et à soutenir des formations aux métiers du ferroviaire. L'Economiste, dans son édition du 18 janvier, y voit la volonté d'anticiper le projet de loi sur la compensation industrielle du ministre de l'Industrie et du Commerce, Ahmed Reda Chami. Le projet prévoirait que toute entreprise remportant un marché public d'un montant supérieur à 200 millions de dirhams devrait réaliser des investissements et des achats au Maroc d'un montant équivalent à 50% des revenus engendrés par ce marché. Alstom rappelle à ce titre que, depuis 5 ans, il a mis en place un réseau de sous-traitants et de co-traitants à travers le pays. «Leur part dans chaque contrat marocain pris isolément n'est pas toujours significative», reconnaît toutefois Thierry de Margerie, PDG d'Alstom Maroc. «Ce qui compte, c'est que le volume qui leur est acheté augmente très vite et qu'il est presque entièrement exporté», ajoute-t-il. Interdépendance Cette dernière convention entre le gouvernement marocain et Alstom atteste du degré d'interdépendance des deux acteurs. «Le Maroc est donc devenu un pays important pour Alstom tant par l'importance du parc Alstom déjà installé que par les nouvelles opportunités offertes dans nos trois secteurs d'activité», explique Thierry de Margerie. Du point de vue de son chiffre d'affaire, secteurs transport et énergétique confondus, les contrats effectifs depuis 2005 d'Alstom au Maroc se montent à près de 1,142 milliards d'euros (12,864 milliards de dirhams). Un nombre à mettre en regard avec les 5,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires enregistré par l'entreprise sur l'exercice 2009-2010. Alstom prévoit de créer 5000 emplois supplémentaires dans le Royaume d'ici 10 ans, soit plus de 16% du nombre total d'employés que compterait la firme dans dix ans si aucun autre emploi n'était créé par la firme ailleurs dans le monde. Politiques nationales industrielles dynamiques L'ensemble des contrats remportés par Alstom sont le fruit «de la qualité des installations déjà livrées, de [sa] proximité et de [sa] disponibilité auprès des clients, ainsi que [sa] compétitivité», estime Eric Lenoir. Alstom a aussi su profiter du fait que le «le Maroc a quadruplé - fait exceptionnel dans le monde - en quelques années le rythme de ses investissements publics. Le Maroc doit produire et transporter plus de 400 MW supplémentaires chaque année et, à côté du programme autoroutier, le Royaume privilégie le ferroviaire pour transporter voyageurs et fret.» Enfin, l'entreprise française a profité de l'active politique diplomatico-industrielle du gouvernement français. Pour financer la construction de l'exploitation du TGV Rabat-Tanger, le Maroc a ainsi fait appel à un conséquent prêt français qui fait jurisprudence. Le ministre québécois des Transports, Sam Hamad, a ainsi annoncé, en février, espérer bénéficier d'un système semblable pour la construction d'une LGV Québec-Montréal-Ottawa-Toronto. Alstom a peut être aussi bénéficié de l'échec de la vente des Rafales à l'armée marocaine à l'été 2007. Aujourd'hui en plus de la mise en oeuvre du partenariat industriel stratégique et des rames de TGV pour la ligne Casablanca–Tanger, un autre grand chantier attend Alstom, en consortium avec le britannique International Power : la centrale thermique de Safi. Avec un budget approchant les 3 à 4 milliards d'euros, selon Ali Fassi Fihri, directeur général de l'ONE, cette centrale aura une puissance de 13 000 mégawatt pour devenir la plus grande centrale du pays. Le projet est encore en discussion. «Nous sommes ainsi maintenant consultés pour les projets d'énergie thermique et renouvelable, sans qu'aucun grand contrat ne soit encore en vigueur», reconnaît sans vouloir en dire plus Thierry de Margerie. Cet article a été publié dans Yabiladi Mag numéro 5 (mars 2011). Les contrats d'Alstom au Maroc - Les contrats réalisés depuis 2005 : 20 locomotives Prima II (74 millions d'euros); doublement des voies entre Fès et Meknès (7 M€); modernisation de la signalisation de 900 km de voies et 67 gares (70 M€). - Contrats en cours : 44 rames du Tramway Citadis à Rabat (90 M€); 74 rames de tramway à Casablanca (120 à 190 M€); 14 rames de TGV pour la ligne Tanger-Casablanca + installation signalisation + alimentation électrique (400 + 11 M€); centrale à cycle combiné d'Aïn Béni Mathar et sa maintenance (200 M€); ferme éolienne dans la région de Akhfenir (100M€); sous-station de 400 kV avec Cegelec Maroc; réhabilitation de turbines à vapeur et maintenance de la centrale de Jorf Lasfar.