Ahmed Réda Benchemsi (ARB), directeur de publication de l'hebdomadaire TelQuel, a signé dans le numéro double du 25 décembre au 7 janvier 2011, son dernier éditorial. «Ceci est le dernier éditorial que j'écris pour TelQuel», lit-on au début de cet ultime édito titré «Au revoir et merci». ARB confirme ainsi les rumeurs qui faisaient état depuis novembre, de son départ de la direction de Presse Directe et de son actionnariat. Le fondateur du magazine n'a pas donné d'explication claire à son départ. L'information sur le départ de Benchemsi a été diffusée dans différents médias il y a quelques semaines. Mais à la demande du journaliste, un démenti a été publié le 16 novembre dernier, dans lequel, le fondateur du défunt Nichane, précisait qu'il n'avait ni l'intention de partir ni céder ses actions. Hélas, le sort en a voulu autrement. Car il reconnait – finalement – qu'il quitte la rédaction de «l'hebdomadaire le plus vendu et le plus lu du royaume». Mais aussi audacieux soit-il, Benchemsi n'a pourtant pas donné cette fois, de raisons claires à son départ, du moins, il n'a pas donné de raisons très convaincantes. Nouvelle vie aux Etats-Unis ? «Chacun, bien entendu, est libre d'émettre les interprétations qui lui semblent pertinentes. L'explication, mon explication, est lucide autant qu'apaisée : si je pars, c'est qu'il arrive un moment, dans la vie de chacun, où il faut savoir prendre de la distance et oser de nouvelles expériences. L'heure est venue pour moi de répondre à l'appel de prendre le large, de continuer mon apprentissage ailleurs, autrement», écrivait ARB dans son dernier édito. Pas un mot donc sur la motivation qui lui pousserait à aller «apprendre ailleurs et autrement». Si ARB n'a pas précisé ses raisons à l'origine de la vente de ses actions dans Presse Directe, les rumeurs – encore une fois – l'envoient aux Etats-Unis. Certaines d'entre elles précisent que ARB ira rejoindre le magazine Newsweek à New-York. D'autres disent qu'il y va pour étudier à la prestigieuse université de Princeton dans le New-Jersey. C'est le cas notamment des informations publiées par le quotidien L'Economiste. Mais pour d'autres, comme Ali Lmrabet, l'ancien patron de TelQuel, souhaiterait rallier le pays de l'oncle Sam pour se rapprocher du cousin de Mohammed VI, Moulay Hicham et ce, afin de travailler dans une de ses fondations. D'ailleurs le journaliste d'El Mundo a reproché à Benchemsi, sa couverture précédente (N°452 du 18 au 24 décembre) des activités du prince aux Etats-Unis. Dans ce numéro, Benchemsi (himself) a fait un reportage sur le quotidien de Moulay Hicham, à Princeton (New-Jersey) et à Palo Alto (Californie). Exil volontaire ou subi ? Dans son éditorial du lundi 27 décembre, titré «Ce n'est qu'un au revoir», Samir Chaouki, directeur de publication du journal Les Echos Quotidien, a écrit à propos d'ARB: «il a subi harcèlement et pressions, indirects biens sûr, comme d'autres d'ailleurs.». Ainsi, les pouvoirs publics ont-ils voulu la tête de Benchemsi pour ses positions indépendantes ? Pourtant la ligne éditoriale de TelQuel, qui était sa «marque de fabrique», avait été beaucoup plus lisse ces derniers mois. Hormis un petit coup de gueule du ministre de la Communication Khalid Naciri envers l'éditorialiste, il n'y avait plus eu d'empoignades entre le pouvoir et TelQuel. Dans l'édito du N°448, ARB déclarait en parlant des événements sanglants de Laâyoune, que «même avec des moyens ridicules, le Polisario a remporté sa guerre médiatique contre le Maroc. Il est temps que nous en tirions des leçons…». Ceci lui a valu une lettre ouverte de Naciri. Certains observateurs jugent que le départ de Benchemsi est la bienvenue pour la survie de l'hebdomadaire. Un départ volontaire donc pour éviter une fin semblable à celle du Journal Hebdomadaire avec une asphyxie publicitaire. En exemple, ils citent la fermeture de Nichane, que nous avions toutefois relativisé face au modèle économique même de la presse arabophone et le faible tirage de Nichane. Mais pour TelQuel, il faut relativiser ce point car l'hebdomadaire a toujours vécu avec le soutien des annonceurs indépendants du pouvoir (multinationales notamment). Alors, peut être que Benchemsi en a eu tout simplement assez et a voulu passer à autre chose en empochant les bénéfices de son business (hebdomadaire francophone le plus lu au Maroc) et redonner une autre trajectoire à sa carrière ?