Une centaine de professeurs viennent de signer un manifeste pour empêcher l'Eglise d'exercer des droits de propriété sur la "mosquée-cathédrale de Cordoue". Mais la propriété semble déjà actée en dépit de plusieurs intitiatives populaires ou de spécialistes appelant à protéger ce "joyau national espagnol". Détails. Mosquée de Cordoue vue du ciel / Ph. Toni Castillo Quero - Wikipedia Colonne de la mosquée de Cordoue / Ph. Hans Peter Schaefer - Wikipedia Intérieur du dôme de la mosquée de Cordoue / Ph. Amalrik - Wikipedia Mur extérieur de la mosquée / Ph. Hans Peter Schaefer - Wikipedia Plus de 100 professeurs de 36 universités espagnoles et étrangères ont signé un manifeste appelant l'administration publique à intervenir pour «empêcher l'appropriation juridique de la mosquée de Cordoue» par l'évêché de la ville andalouse, rapporte la presse espagnole. Parmi les signataires, une dizaine d'experts, des historiens, des médiévistes, des arabisants et des spécialistes de l'art d'une centaine d'universités de pays comme le Maroc, l'Espagne, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, le Portugal, l'Irlande, la Turquie, le Chili et l'Allemagne. Les signataires de ce manifeste appellent à « arrêter le processus de manipulation historique lancé par l'évêché dans les brochures et le matériel promotionnel fournis aux visiteurs chaque année ». Il faut dire en effet comme le rappelait i24 news que les dépliants distribués par l'Eglise mentionne 11 fois le mot «cathédrale», 2 fois le mot «mosquée» et 2 fois la formule «cathédrale, ancienne mosquée». Même le nom de domaine du site est enregistré sous le terme «catedraldecordoba.es ». Ce qui pousse les signataires à dénoncer «l'opération mise en marche pour supprimer les valeurs culturelles et artistiques de la mosquée reconnus par l'UNESCO». Pour replacer la signature de ce manifeste dans son contexte, il faut remonter en 1998. Lorsque le populiste José Maria Aznar arrive au pouvoir, il s'empresse d'initier une réforme législative permettant à l'Eglise de prendre possession de ce qui était jusque là une «mosquée-cathédrale» désignée depuis 1984 comme patrimoine mondial par l'UNESCO. Le diocèse de Cordoue a donc pu acquérir à titre symbolique le bâtiment pour la somme de 30 euros. Mais la corporation religieuse s'appuie sur un document beaucoup plus ancien. En 1236, à la faveur de la reconquête d'une Espagne alors sous domination musulmane, le roi Ferdinand III signe une consécration pour l'Eglise qui s'appuie depuis dessus pour faire valoir sa propriété sur la «mosquée-cathédrale». Plusieurs initiatives appelant les autorités à réagir sans réponse Mais les signataires refusent ce droit de propriété en faisant valoir que «l'ordre émis par le roi Ferdinand III ne peut pas être considéré comme un don royal mais comme l'attribution d'un droit d'utilisation». Ils appellent donc à préserver ce «joyau national espagnol» et estiment que le bâtiment «renferme une connaissance de première main à propos d'Al Andalus et pour les catéchumènes». Selon eux, il faut que «la mosquée soit un bien public, porteuse des valeurs de la cohabitation et de l'intégration». Les signataires regrettent par ailleurs «la passivité de l'administration publique devant son rôle constitutionnel de la sauvegarde de l'héritage espagnol». Ils ne manquent pas de dénoncer «la négligence» et le «manque de fermeté» du gouvernement central et du gouvernement de l'Andalousie à qui ils rappellent l'article 46 de la constitution espagnole consacrant la préservation du «patrimoine historique, culturel et artistique des peuples d'Espagne, quel que soit leur statut juridique et de leur propriété ». Pour rappel, un groupe de scientifiques avait déjà envoyé en juillet une déclaration pour la préservation du lieu à l'évêché et au ministère de la Culture du gouvernement de l'Andalousie. En février dernier, une pétition demandant à l'UNESCO et aux autorités espagnoles d'intervenir avait recueilli 387.000 signatures. Toutes ces initiatives sont restées lettre morte.