Depuis ces derniers mois, nous constatons des comportements ambigus de la part de nombreux Etats du Maghreb et du Machrek en général et du Maroc en particulier. Au royaume chérifien, cette attitude se traduit par une fuite en avant extrême. Vu le laxisme et la complaisance des forces de sécurité envers les agissements de certains individus, ceux-ci commencent de plus en plus à imposer par la force ce qu'ils considèrent comme les seules règles de vie et recourent à toutes les formes de violence verbale, psychologique et même physique pour imposer, petit à petit, dans une impunité quasi-totale, leur façon de concevoir la société : «Sois comme moi ou je te tue !». Plusieurs cas graves ont ainsi défrayé la chronique avec de fortes réactions de la société civile au Maroc mais ce n'est que la partie visible des ennuis quotidiens que subissent les citoyens, et particulièrement les citoyennes. De l'affaire des filles habillées en robe à Inezgane au lynchage d'un voleur à Midelt en passant par le tabassage d'un homosexuel à Fès jusqu'aux hommes avec des sabres sur les plages, «des brigades de la vertu» commencent à imposer leur loi sous le silence criant des forces de l'ordre. Partout, aussi bien dans les villes que dans les villages, des femmes se font harceler quotidiennement, en plein jour, pour leur tenue vestimentaire ! Dans le cas des deux filles d'Inezgane, elles ont été apostrophées parce qu'elles portaient des robes : elles ont réagi comme aurait fait tout citoyen jaloux de sa liberté et défendant ses droits et elles ont été agressées. Quand la police est intervenue, elle a légitimé cette agression : ce ne sont pas les agresseurs qui ont été arrêtés mais les jeunes filles. Elles ont passé vingt-quatre heures en garde à vue et ce sont elles qui devaient être jugées. Mais heureusement la mobilisation en leur faveur a été à la hauteur de l'évènement et elles ont été acquittées. Ce type de message des autorités marocaines constitue un pas de plus dans le sabotage de toute évolution vers un Etat civil et un Etat de droit, ainsi qu'une porte ouverte à tous ces courants obscurantistes qui font tellement de dégâts dans plusieurs parties du monde arabe : la «Siba» est de retour. Droits humains, où sont-ils ? Au Maroc, les autorités organisent un Forum mondial des Droits humains au cours duquel elles déclarent que le respect des droits de l'Homme est la seule voie que suivra le pays alors qu'en même temps, elles permettent à certains de bafouer ces droits qu'elles refusent aux autres citoyens. C'est l'absence de volonté de l'Etat pour faire respecter les droits humains et particulièrement les droits individuels qui crée ce climat qui, de fait, devient l'allié objectif de ceux qui combattent la liberté et la démocratie dangereuse d'un gouvernement prêt à tout pour conforter les courants réactionnaires et les traditionalistes qui constituent sa base électorale. La nouvelle réforme du code pénal au Maroc, en plus de comporter des dispositions juridiques enveloppées dans des formules ambiguës, aux contours à la fois larges et flous, comporte sous couvert «de traditions marocaines» des dispositions restrictives concernant les libertés individuelles et les libertés de conscience (pénalisations des relations sexuelles entre adultes consentants hors du mariage). Ce qui dénote d'un manque de volonté -quoi qu'en disent les discours officiels- de faire entrer le Maroc dans la modernité. Si l'on gratte le vernis, on s'aperçoit vite que le fonctionnement et les objectifs politiques du Makhzen et du gouvernement marocain n'ont pas vraiment évolué. De ce fait, ils créent un terreau fertile pour les courants très conservateurs voire rétrogrades. Cette politique fragilise un peu plus le vivre ensemble et la cohésion sociale. Une seule et même civilisation Or nous tenons à réaffirmer qu'il n'y a qu'une civilisation : la civilisation humaine dont les valeurs, aussi bien anciennes que modernes, sont universelles. Tous les peuples ont participé à son édification. Aujourd'hui, les libertés individuelles, la démocratie, la liberté de conscience, bref tout ce qui constitue les droits de l'Homme, en font partie intégrante. Le silence des autorités marocaines sur des comportements inadmissibles, qu'ils soient individuels ou collectifs, ne fait que traduire la réalité de ce qu'est aujourd'hui le projet politique du gouvernement : montrer la non compatibilité des valeurs modernes et les soi-disant fondements de la «tradition marocaine». A l'inverse, la civilisation humaine n'est pas figée, elle est en perpétuel mouvement et en évolution. Face à cette situation délétère au Maroc, et alors que se poursuit le dénigrement -de l'intérieur comme de l'extérieur- de la société civile démocratique et le déni de l'égalité des droits pour tous les citoyens, nous attendons une réponse forte de la société afin d'infléchir les responsables des politiques suicidaires qui vont à l'encontre du développement humain. Plate forme Euro-Marocaine Migration, développement, citoyenneté et démocratie