"We are all Greeks – our laws, our literature, our religion, our arts, have root in Greece", nous affirme Shelley dans sa préface de Hellas au moment où l'Europe avait le devoir de défendre leurs «ancêtres» culturels grecs contre les Turcs musulmans. Shelley qui, il faut le reconnaître, dénonce à la fois la coalition des Etats européens et la tyrannie des Turcs et défend les Grecs comme peuple opprimé contre ses oppresseurs. Mais qui est inclus ou exclus de ce «We», ce «Nous» qui revient aujourd'hui autour de la «dette» de la Grèce ? Pourquoi la Grèce appartiendrait-elle à l'Europe ? Quelle trace de la Grèce dans toute la Méditerranée ? Quelles traces de la Méditerranée dans la Grèce antique et moderne ? Youssef Seddik, philosophe et anthropologue, helléniste et arabisant, tunisien de surcroît, écrit à ce propos dans son essai Qui sont les Barbares ? : «J'ai beau connaître et aimer vos Ovide et vos Baudelaire, vos Shakespeare et vos Sénèque, votre savoir ne m'a pas accueilli. Il m'a au contraire rejeté vers des terres froides où je ne me reconnaissais qu'en changeant de peau, négociant un blanchiment de ce que je suis, soit vers des banlieues où se traite ma culture d'Arabe comme on traite une matière dont le droit de cité serait si peu recommandable qu'il est indispensable de le déporter vers l'islamologie et l'orientalisme. » Le «NON» de la Grèce aujourd'hui, la resituerait-il dans la Méditerranée et dans le Monde ? Cessera-t-elle d'être une possession de l'Europe ? On n'achète jamais un peuple, surtout un peuple qui a une histoire aussi universelle que celle de la Grèce. Et toute cette inquiétude et ces clichés qu'on entend aujourd'hui dans les télévisions d'une Europe malade de son nombril : • «Les conséquences du NON» • «La Grèce Talon d'Achille de l'Europe» • «La mère de la démocratie» • «Le berceau de la civilisation européenne» Les méthèques d'ici et d'ailleurs Et moi, Marocaine, Maghrébine, fille du Sud de cette Méditerranée qui était Nostrum et qui est devenue Vostrum au fil des siècles, moi qui vis entre la grotte d'Hercule et la chaîne montagneuse de l'Atlas, dans le jardin des Hespérides, puis-je affirmer mon rapport méditerranéen à la Grèce ? Non, pas aux yeux de l'Europe qui se veut grecque en valeur et européenne en Euros. Cette Europe qui cache l'origine phénicienne de son nom. Cette Europe qui écrit sa différence avec tant d'ardeur oubliant que ce sont les Phéniciens qui lui ont apporté l'écriture et les Egyptiens la géométrie, la médecine, le droit, la philosophie et j'en passe. Cette Europe qui se veut tellement gréco-latine en s'efforçant de nier l'apport des musulmans et des juifs andalous comme Averroès qui a fait revivre Aristote et Maïmonide qui a soigné Richard Cœur de Lion. Mais d'où vient cette habitude de reniement, de dénigrement de l'autre après l'avoir dépossédé ou s'en être servi ? De cette même démocratie dont s'enorgueillit encore aujourd'hui l'Occident ! Mais patientez donc avant de vous offusquer dans des «Comment ? LA DEMOCRATIE qui est notre valeur suprême !» Cette Démocratie née à Athènes entre le VIII et le VI e siècle avant «notre» ère et qui distinguait entre citoyen et non citoyen. Et qui étaient les non citoyens ? Les femmes, les enfants mineurs, les métèques, c'est-à-dire les Grecs étrangers à Athènes, et les esclaves. Cela a-t-il tellement changé aujourd'hui ? Les femmes en Occident se battent encore pour ne pas être des objets à vendre et des objets pour vendre, les mineurs sont violés par internet, les métèques travaillent encore sans citoyenneté et les esclaves clandestins affluent des pays anciennement vampirisés. Alors Demos Kratos ? Qui est le peuple ? Qui est citoyen ? Qui décide quoi ? Nous disons donc à la Grèce qui dit NON : «bienvenue dans NOTRE Méditerranée au NOM de nos rapports historiques reniés».